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24/09/2021

Cioran, Aveux et anathèmes

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Il m’est impossible de savoir si je me prends ou non au sérieux. Le drame du détachement, c’est qu’on ne peut en mesurer le progrès. On avance dans un désert et on ne sait jamais où on en est.

La profondeur d’une passion se mesure aux sentiments bas qu’elle enferme et qui en garantissent l’intensité et la durée.

De tout ce qui nous fait souffrir, rien, autant que la déception, ne nous donne la sensation de toucher enfin au Vrai.

Un rien de pitié entre dans toute forme d’attachement, dans l’amour et même dans l’amitié, sauf toutefois dans l’admiration.

J’espérais de mon vivant assister à la disparition de notre espèce. Mais les dieux m’ont été contraires.

 

Cioran, Aveux et anathèmes, dans Œuvres, Pléiade/Gallimard, 1961, p. 1068, 1070, 1071, 1072, 1073.

23/08/2014

Ariane Dreyfus, Nous nous attendons

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         « Encore une fois »

 

Derrière la porte il ne respire qu'à moitié

Si elle entre rien ne s'arrête

Ne s'oppose

 

À celle qui s'approche elle est vraie

 

Maintenant on peut s'ouvrir en deux

Les lèvres pas toutes seules

De toute sa figure il y va

Elle recule

 

Contre l'armoire l'accent, figée de désir

Pas froid chérie

Il faut poser sa robe

 

        « Je vais au jardin »

 

Elle ouvre la main même s'il ne comprend pas

Être visible,

Est-ce se montrer ?

 

À un endroit, un cri de couleur

Le forsythia, se montre

 

Ariane Dreyfus, Nous nous attendons, Reconnaissance à Gérard Schlosser, Le Castor Astral, 2012, p.

24/08/2013

Jacques Roubaud, Quelque chose noir

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                               Mort

 

   Ta mort parle vrai ta mort parlera toujours vrai. ce que parle ta mort est vrai parcequ'elle parle. certains ont pensé que la mort parlait vrai parceque la mort est vraie. d'autres que la mort ne pouvait parler vrai parceque le vrai n'a pas affaire avec la mort. mais en réalité la mort parle vrai dès qu'elle parle.

 

   Et on en vient à découvrir que la mort ne parle pas virtuellement, étant ce qui arrive, effective au regard de l'être. ce qui est le cas.

 

   Ni une limite ni l'impossible, dérobée dans le geste de l'appropriation répétitive, puisque je ne peux aucunement dire : c'est là.

 

   Ta mort, de ton propre aveu, ne dit rien ? elle montre. quoi ? qu'elle ne dit rien. mais aussi qu'en montrant elle ne peut pas non plus, du même coup, s'abolir.

 

   « Ma mort te servira d'élucidation de la manière suivante : tu pourras la reconnaître comme dépourvue de sens, quand tu l'auras gravie, telel une marche, pour atteindre au-delà d'elle (jetant , pour ainsi dire, l'échelle). » je ne crois pas comprendre cela.

 

   Ta mort m'a été montrée.          Voici : rien          et son envers : rien.

 

   Dans ce miroir, circulaire, virtuel et fermé. le langage n'a pas de pouvoir.

 

   Quand ta mort sera finie. et elle finira parcequ'elle parle. quand ta mort sera finie. et elle finira. comme toute mort. comme tout.

   Quand ta mort sera finie. je serai mort.

 

 

Jacques Roubaud, Quelque chose noir, Gallimard, 1986, p. 66-67.