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06/11/2022

Cioran, De l'inconvénient d'être né

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N’est profond, n’est véritable que ce que l’on cache. D’où le force des sentiments vils.

 

Ce n’est pas la peine de se tuer, puisqu’on se tue toujours trop tard.

 

Plus on est lésé par le temps, plus on veut y échapper. Écrire une page sans défaut, une phrase seulement, vous élève au-dessus du devenir et de ses corruptions. On transcende la mort par la recherche de l’indestructible à travers le verbe, à travers le symbole même de la caducité.

 

Je n’ai pas rencontré un esprit intéressant qui n’ait été largement pourvu en déficiences inavouables.

 

Emily Bronté. Tout ce qui émane d’elle a la propriété de me bouleverser. Haworth est mon lieu de pèlerinage.

 

Cioran, De l’inconvénient d’être né, Pléiade / Gallimard, 2011, p. 754, 756, 768, 758, 761, 762.

24/09/2021

Cioran, Aveux et anathèmes

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Il m’est impossible de savoir si je me prends ou non au sérieux. Le drame du détachement, c’est qu’on ne peut en mesurer le progrès. On avance dans un désert et on ne sait jamais où on en est.

La profondeur d’une passion se mesure aux sentiments bas qu’elle enferme et qui en garantissent l’intensité et la durée.

De tout ce qui nous fait souffrir, rien, autant que la déception, ne nous donne la sensation de toucher enfin au Vrai.

Un rien de pitié entre dans toute forme d’attachement, dans l’amour et même dans l’amitié, sauf toutefois dans l’admiration.

J’espérais de mon vivant assister à la disparition de notre espèce. Mais les dieux m’ont été contraires.

 

Cioran, Aveux et anathèmes, dans Œuvres, Pléiade/Gallimard, 1961, p. 1068, 1070, 1071, 1072, 1073.

23/09/2021

Cioran, Aveux et anathèmes

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Chaque fois que je vois un clochard ivre, sale, halluciné, puant, affalé avec sa bouteille sur le bord du trottoir, je songe à l’homme de demain s’essayant à sa fin et y parvenant.

C’est sous l’effet d’une humeur suicidaire qu’on s’entiche généralement d’un être ou d’une idée. Quelle lumière sur l’essence de l’amour et du fanatisme !

Ce qui date le plus, c’est la révolte, c’est-à-dire la plus vivante de nos réactions.

J’aimerais mieux offrir ma vie en sacrifice que d’être nécessaire à qui que ce soit.

Les nuits où l’on se persuade que tous ont évacué cet univers, même les morts, et qu’on y est le dernier vivant, le dernier fantôme.

 

Cioran, Aveux et anathèmes, dans Œuvres, Pléiade/Gallimard, 2011, p. 1060, 1062, 1063, 1063, 1064.

22/09/2021

Cioran, Syllogismes de l'amertume

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 Vitalité de l’amour : on se saurait médire sans injustice d’un sentiment qui a survécu au romantisme et au bidet.

Deux victimes besogneuses, émerveillées de leur supplice, de leur sudation sonore. À quel cérémonial nous astreignent la gravité des sens et le sérieux des corps !

Plus un esprit est revenu de tout, plus il risque, si l’amour le frappe, de réagir en midinette.

Les événements ­ tumeur du Temps.

L’insomnie est la seule forme d’héroïsme compatible avec le lit.

 

Cioran, Les syllogismes de l’amertume, dans Œuvres, Pléiade/Gallimard, p. 235, 237, 238, 242, 255.

21/09/2021

Cioran, Syllogismes de l'amertume

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Il est aisé d’être « profond » : on n’a qu’à se laisser submerger par ses propres tares.

Modèles de style : le juron, le télégramme et l’épitaphe. 

Les « sources » d’un écrivain, ce sont ses hontes, celui qui n’en découvre pas en lui, ou s’y dérobe, est voué au plagiat ou à la critique. 

Le public se précipite sur les auteurs dits « humains » ; il sait qu’il n’a rien à en craindre : arrêtés, comme lui, à mi-chemin, ils lui proposeront un arrangement avec l’Impossible, une vision cohérente du Chaos.

La peur de la sénilité conduit l’écrivain à produire au-delà de ses ressources et à ajouter aux mensonges vécus tant d’autres qu’il emprunte ou forge. Sous des « Œuvres complètes » gît un imposteur.

 

Cioran, Les syllogismes de l’amertume, dans Œuvres, Pléiade/Gallimard, 2011, p. 173, 173, 174, 175, 176.

20/09/2021

Cioran, Syllogismes de l'amertume

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Tant de pages, tant de livres qui furent aux sources d’émotion et que nous relisons pour y étudier la qualité des adverbes ou la propriété des adjectifs.

Combien j’aime les esprits de second ordre (Joubert, entre tous) qui, par délicatesse, vécurent à l’ombre du génie des autres et, craignant d’en avoir, se refusèrent au leur !

L’histoire des idées est l’histoire de la rancune des solitaires.

Rater sa vie, c’est accéder à la poésie — sans le support du talent.

Ne cultivent l’aphorisme que ceux qui ont connu la peur au milieu des mots, cette peur de crouler avec tous les mots.

 

Cioran, Syllogismes de l’amertume, dans Œuvres, Pléiade/Gallimard, 2011, p. 169, 170, 170, 172, 173.

25/02/2021

Cioran, Aveux et Anathèmes

                                      

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L’ennui, mal réputé frivole, nous fait cependant entrevoir le gouffre dont émane le besoin de prier.

La ponctualité, variété de la « folie du scrupule ». Pour être à l’heure, je serais capable de commettre un crime.

La critique est un contresens : il faut lire, non pour comprendre autrui mais pour se comprendre soi-même.

Ce qu’on devait se détester dans l’obscurité et la pestilence des cavernes ! On comprend que les peintres qui y vivotaient n’ai pas voulu éterniser la figure de leurs semblables et qu’ils aient préféré celle des animaux.

 

Cioran, Aveux et Anathèmes, Arcades/Gallimard, 1987, p. 25, 27, 28, 36-37.

24/02/2021

Cioran, écartèlement

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C’est une erreur de vouloir faciliter la tâche du lecteur. Il ne vous en saura pas gré. Il n’aime pas comprendre, il aime piétiner, s’enliser, il aime être puni. D’où le prestige des auteurs confus, d’où la pérennité du fatras ?

L’amitié étant incompatible avec la vérité, seul est fécond le dialogue muet avec nos ennemis.

Exister est un plagiat.

Du temps que je fumais sans arrêt, la cigarette, après une nuit blanche, avait une saveur funèbre qui me consolait de tout.

 

Cioran, écartèlement, Gallimard, 1979, p. 69, 74, 79, 80.

23/02/2021

Cioran, Exercices d'admiration, Essais et portraits

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Écrire est une provocation, une vue heureusement fausse de la réalité qui nous place au-dessus de ce qui est et de ce qui nous semble être. Concurrencer Dieu, le dépasser même par la seule vertu du langage, tel est l’exploit de l’écrivain, spécimen ambigu, déchiré et infatué qui, sorti de sa condition naturelle, s’est livré à un vertige superbe, déconcertant toujours, quelquefois odieux. Rien de plus misérable que le mot et cependant c’est par lui qu’on s’élève à des sensations de bonheur, à une dilatation ultime où l’on est complètement seul, sans le moindre sentiment d’oppression. Le suprême atteint par le vocable, par le symbole même de la fragilité !

 

Cioran, Exercices d’admiration, Essais et portraits, Arcades/Gallimard, 1986, p. 204.

03/06/2020

Emil Cioran, Aveux et Anathèmes

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L’homme étant un animal égrotant, n’importe lequel de ses propos ou de ses gestes a valeur de symptôme.

 On n’en veut pas à ceux qu’on a insultés ; au contraire, on est disposé à leur reconnaître tous les mérites imaginables. Cette générosité ne se rencontre malheureusement jamais chez l’insulté.

 Ces enfants que je n’ai pas voulus, s’ils savaient le bonheur qu’ils me doivent !

 On n’habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c’est cela et rien d’autre.

 Il y a du charlatan dans quiconque triomphe en quelque domaine que ce soit.

 

 Cioran, Aveux et Anathèmes, Arcades / Gallimard, 1987, p. 13, 14, 17, 21, 21.

15/01/2019

Cioran, Syllogismes de l'amertume

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Nous sommes tous des farceurs : nous survivons à nos problèmes.

 

Le bonheur est tellement rare parce qu’on n’y accède qu’avec la vieillesse, dans la sénilité, faveur dévolue à bien peu de mortels.

 

La mort pose un problème qui se substitue à tous les autres. Quoi de plus funeste à la philosophie, à la croyance naïve en la hiérarchie des perplexités ?

 

Le Réel me donne de l’asthme.

 

Dans un monde sans mélancolie, les rossignols se mettraient à roter.

 

Cioran, Syllogismes de l’amertume, Idées / Gallimard, 1976 [1952], p. 32, 34, 35, 42, 52.

16/12/2018

Cioran, de l'inconvénient d'être né

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La clairvoyance est le seul vice qui rende libre — libre dans un désert.

 

Le paradis n’était pas supportable, sinon le premier homme s’en serait accommodé ; ce monde ne l’est pas davantage puisqu’on y regrette le paradis ou l’on en escompte un autre. Que faire ? où aller ? Ne faisons rien et n’allons nulle part, tout simplement.

 

Certains ont des malheurs, d’autres des obsessions. Lesquels sont le plus à plaindre ?

 

Il y a dans le fait de naître une telle absence de nécessité, que lorsqu’on y songe un peu plus que de coutume, faute de savoir comment réagir, on s’arrête à un sourire niais.

 

 Cioran, de l’inconvénient d’être né, idées / Gallimard, 1973, p. 19, 20-21, 21,

 

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03/10/2018

Cioran, Syllogismes de l'amertume

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Pourquoi vous retirer et abandonner la partie, quand il vous reste tant d’êtres à décevoir ?

 

Ne me demandez plus mon programme, respirer, n’en est-ce pas un ?

 

On se découvre une saveur aux jours que lorsqu’on se dérobe à l’obligation d’avoir un destin.

 

Espérer, c’est démentir l’avenir.

 

Passé la trentaine, on ne devrait pas plus s’intéresser aux événements qu’un astronome aux potins.

 

Cioran, Syllogismes de l’amertume, Idées / Gallimard, 1976, p. 81, 83, 85, 89, 91.

01/07/2017

Cioran, Aveux et anathèmes

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Kandinsky soutient que le jaune est la couleur de la vie….On sait maintenant pourquoi cette couleur fait si mal aux yeux.

 

Sainte-Beuve écrivait en 1849 que la jeunesse se détournait du mal romantique pour rêver, à l’exemple des saint-simoniens, du « triomphe illimité de l’industrie ».

Ce rêve, pleinement réalisé, jette le discrédit sur toutes nos entreprises et sur l’idée même d’espoir.

 

Si je me suis toujours méfié de Freud, c’est mon père qui en porte la responsabilité : il racontait ses rêves à ma mère, et me gâchait ainsi toutes mes matinées.

 

On n’habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c’est cela et rien d’autre.

 

Cioran, Aveux et anathèmes, Arcades / Gallimard, 1987, p. 15, 17, 18, 21.

14/02/2017

Emil Cioran, De l'inconvénient d'être né

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Toute forme de hâte, même vers le bien, trahit quelque dérangement mental.

 

Les douleurs imaginaires sont de loin les plus réelles, puisqu’on en a un besoin constant et qu’on les invente parce qu’il n’y a pas moyen de s’en passer.

 

Point de méditation sans un penchant au ressassement.

 

Nous avons perdu en naissant autant que nous perdrons en mourant. Tout.

 

Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né, Idées / Gallimard, 1973, p. 65, 65, 70, 70.