08/11/2022
Cioran, Aveux et anathèmes
On n’habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c’est cela et rien d’autre.
Les religions, comme les idéologies qui en ont hérité les vices, se réduisent à des croisades contre l’humour.
La ponctualité, variété de la « folie du scrupule ». Pour être à l’heure, je serais capable de commettre un crime.
La critique est un contresens : il faut lire, non pour comprendre autrui mais pour se comprendre soi-même.
À Saint-Séverin, en écoutant, à l’orgue, L’Art de la fugue, je me disais et redisais : « Voilà la réfutation de tous mes anathèmes »
À Saint-Séverin, en écoutant, à l’orgue, L’Art de la fugue, je me disais et redisais : « Voilà la réfutation de tous mes anathèmes »
Cioran, Aveux et anathèmes, dans Œuvres, Pléiade /Gallimard, 2011, p. 1031, 1032, 1035, 1037, 1041.
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27/09/2021
Étienne Faure, Ciné-plage
Sous d’apatrides vêtements aux couleurs
perdues dans la bataille
ils arrivaient par l’Europe en neige,
alors champ équivoque où germaient les victoires défaites,
puis repartaient pour cause de guerre en sens inverse,
pour les beaux yeux d’une patrie disant des mots d’adieu
dans une langue occasionnelle,
n’importe quoi qui comblât l’écart
en train de se creuser depuis l’arrière
jusqu’à l’amovible première ligne
approchée la nuit dans l’éclat d’armes blanches,
la lutte acharnée des chairs pour quelques mètres,
ici ressortissants drapés dans la boue
des gisants d’avant-hier autre époque,
en d’identiques raideurs nationales.
quelques mètres
Étienne Faure, Ciné-plage, Champ Vallon, 2015, p. 126.
Photo Chantal Tanet
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16/10/2019
Jaroslav Seifert (1901-1986), Sonnets de Prague
Sonnets de Prague, XIII
Tout cela qui pèse sur mon cœur
quand la honte habituée aux haillons
vient se parer comme un beau mensonge
pour nous parler de la conscience
quand le monde glisse et que le vertige
nous mène presque au bord de l’abîme
quand le mot patrie devient la risée
et quand la canaille partage la proie
quand une sangle trop bien serrée
a noué les masses des corps humains
pour qu’elles supportent un poids plus lourd
même lorsque je m’adresse aux volets
sourds aveugles et fermés
pour vous pourtant je désirais le chant
Jaroslav Seifert, Sonnets de Prague, traduction
Henri Deluy et Jean-Pierre Faye, Seghers,
1985, p. 21.
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