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23/12/2018

Jacques Réda, L'herbe des talus

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                                                             © Photo Héloïse Jouanard

                         Tombeau de mon livre

 

Livre après livre on a refermé le même tombeau.

Chaque œuvre a l’air ainsi d’une plus ou moins longue allée

Où la dalle discrète alterne avec le mausolée.

Et l’on dit, c’était moi, peut-être, ou bien : ce fut mon beau

Double infidèle et désormais absorbé dans le site,

Afin que de nouveau j’avance et, comme on ressuscite —

Lazare mal défait des bandelettes et dont l’œil

Encore épouvanté d’ombre cligne sous le soleil —

Je tâtonne parmi l’espace vrai vers la future

Ardeur d’être, pour me donner une autre sépulture.

Jusqu’à ce qu’enfin, mon dernier fantôme enseveli

Sous sa dernière page à la fois navrante et superbe,

Il ne reste rien dans l’allée où j’ai passé que l’herbe

Et sa phrase ininterrompue au vent qui la relit.

 

Jacques Réda, L’herbe des talus, Gallimard, 1984, p. 208.

22/12/2018

Pierre Jean Jouve, En miroir

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                               De la poésie

 

     Poésie, art de « faire ». Selon cette définition qui remonte à la science des Anciens, la Poésie tient sous son influence, par rayons droits ou obliques, tous les autres arts de l’homme. Faire veut dire : enfanter, donner l’être, produire ce qui, antérieurement à l’acte, n’était pas. Mais l’esprit qui formule une réalité aussi fondamentale ne peut s’empêcher de la contredire, par une nuance opposée ; sans doute parce que, comme l’amour, la Poésie est soumise à une secrète interdiction. La Poésie, qui est pour les uns la chose la plus nécessaire, peut être aux yeux de beaucoup la chose la plus décriée.

     La Poésie est rare. Si elle paraît avoir passé, au cours de son histoire, par tous les rôles et travestissements, ici discours et là ornement, simple convention de cour ou de salon, c’est que, comme toute acte « inventeur », elle est rare.

     La Poésie est l’expression des hauteurs du langage.

     Elle ne repose pas sur un nombre d’éléments sensibles comme la Musique. Embrassant par l’image, fruit de la mémoire, la totalité du monde virtuel, l’univers — elle est établie sur le mot, signe déjà chargé de sens complexe, et touchant une quantité incertaine du réel.

     Univers : l’extérieur comme l’intérieur, la pensée comme la rêverie et tout l’instinct, hier et demain, ce qui est défini et ce qui ne saurait être défini.

 

Pierre Jean Jouve, En Miroir (1954, édition revue en 1970), dans Œuvre, II, édition établie par Jean Starobinski, Mercure de France, 1987, p. 1055-1056.

Annonce d'une maison d'édition amie:

Chers amis,

 
les éditions L’Atelier contemporain souhaitent publier prochainement deux livres de JOHN BERGER :
 
« À ton tour »son dernier livre, inédit, dont ce sera la première édition mondiale, ouvrage co-écrit avec son fils Yves, la dernière année de sa vie ;
 
« Un peintre de notre temps », la réédition de son premier livre (paru en Angleterre en 1958, traduit en français en 1978, épuisé depuis de très nombreuses années).
 
Vous trouverez à ces adresses des présentations de ces livres :
 
Afin de pouvoir mener à bien ces projets je réalise aujourd’hui un « crowdfunding »  (un « financement participatif ») — il me faut en effet réunir 5.000 € (soit environ 2.500 € par livre) pour que ces livres existent.
Et je ne vous cacherai pas que la maison d’édition, comme nombre d’acteurs culturels, traverse en ce moment une passe bien difficile…
 
Je vous serais très reconnaissant de permettre à ces livres d’exister en participant à leur financement — plusieurs possibilités de « commandes » vous sont proposées, dont l’acquisition d’estampes (de Patricia Cartereau et Ann Loubert), qui peuvent être de très beaux cadeaux de Noël (je ne pourrai expédier les livres de John Berger qu’en janvier, quand ils auront été imprimés, mais les gravures sont déjà disponibles et je peux vous les envoyer très rapidement).
 
 
 
Avec tous mes remerciements pour votre attention,
 
François-Marie Deyrolle

21/12/2018

Aragon, la Grande Gaîté

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                Partie fine

 

Dans le coin où bouffent les évêques

Les notaires les maréchaux

On a écrit en lettres rouges

DEGUSTATION D’HUÎTRES

Est-ce une allusion

 

On me fait remarquer que c’est pitoyable

Ce genre de plaisanterie

Et puis c’est mal foutu paraît-il

En temps que Poème

Car pour ce qui touche à la Poésie

On sait à quoi s’en tenir

 

Moi je n’ai pas fini de prendre en mauvaise part

Tout ce qui touche à la flicaille à la militairerie

Et plus particulièrement croa-croa aux curetages

Je n’ai pas assez le goût des alexandrins

Pour me le faire par-donner pan pan pan pan

 

Mais ici même si on ne sait d’où elle tombe

D’où tombe-t-elle d’ailleurs D’ailleurs

Il me plaît d’opposer à la clique des têtes à claques

Une femme très belle toute nue

Toute nue à ce point que je n’en crois pas mes yeux

Bien que ce soit peut-être la millième fois

Que ce prodige s’offre à ma vue

Ma vue est à ses pieds

Son très humble serviteur

 

Aragon, La Grande Gaîté, dans Œuvres poétiques complètes,

I, édition Olivier Barbarant, Pléiade / Gallimard,

2007, p. 411-412.

20/12/2018

Apollinaire, Poèmes en guerre

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Le chant d’amour

 

Voici de quoi est fait le chant symphonique de l’amour

Il y a le chant de l’amour de jadis

Le bruit des baisers éperdus des amants illustres

Les cris d’amour des mortelles violées par les dieux

Les virilités des héros fabuleux érigées comme des pièces contre avions

Le hurlement précieux de Jason

Le chant mortel du cygne

Et l’hymne victorieux que les premiers rayons du soleil ont fait chanter à Memnon l’immobile

Il y a le cri des Sabines au moment de l’enlèvement

Il y a aussi les cris d’amour des félins dans les jongles [sic]

La rumeur sourde des sèves montant dans les plantes tropicales

Le tonnerre des artilleries qui accomplissent le terrible amour des peuples

Les vagues de la mer où naît la vie et la beauté

 

Il y a le chant de tout l’amour du monde

 

Apollinaire, Poèmes en guerre, édition Claude Debon, Les Presses du Réel, 2018, p. 331.

19/12/2018

Images de ma fenêtre

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18/12/2018

Charles-Albert Cingria, Bois sec bois vert

 

                             

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Hippolyte Hippocampe

 

_ Vite, vite, fuyons ! c’est épouvantable. Mais d’abord apprenez que votre père est vivant. Il était sur ses côtes, comme on dit, assistant pour la troisième fois à ce feu d’artifice qui se tire annuellement au mois du Chien, lorsqu’il fut en effet pêché à la ligne. Les grandes clameurs et les accords de harpes et d’hydraules qui célébrèrent cette prise jetèrent une telle épouvante chez celui qui l’accompagnait que s’étant vite sauvé, il n’a pu rapporter que la moitié de l’histoire. Voulez-vous l’autre ? Elle est banale. Tout le monde plus ou moins l’avait prévue. Le superbe poids de votre père joint à l’efficacité d’une danse qui, à la lueur de mille lanternes ornant le quai faisait luire toutes ces écailles en raison de ce faible fil. Longtemps sucé dans une clinique, il vient de rendre son hameçon. Déjà il est ici. La reine cent fois dépitée, et qui n’a de souffle que pour la haine, lui a fait mille récits mensongers. Comprenez qu’elle vous accuse d’avoir voulu lui faire violence. N’essayez pas de vous disculper. C’est inutile. Fuyons !

 

Charles-Albert Cingria, Bois sec bois vert, L’imaginaire / Gallimard, 1983, p. 80.

 

17/12/2018

Francis Jammes, Clairières dans le Ciel

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Ne crois pas à ce qu’on te dit

 

Ne crois pas à ce qu’on te dit, ô jeune fille.

Ne t’en va pas chercher l’amour, car il n’est point.

L’homme est dur, l’homme est laid, et ta grâce craintive

déplaira tôt ou tard à ses grossiers besoins.

 

Il ne fait que mentir. Il te laissera seule,

au coin du feu, avec les enfants à soigner.

Et tu te sentiras vieille comme une aïeule,

les jours qu’il tardera à revenir souper.

 

Ne crois pas que l’amour existe, jeune fille :

mais va dans le verger où l’azur pleut à verse,

et regarde, au cœur noir du rosier le plus vert,

cette araignée d’argent qui vit seule et qui file.

 

Francis Jammes, Clairières dans le ciel,

Poésie / Gallimard, 1980, p. 109.

16/12/2018

Cioran, de l'inconvénient d'être né

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La clairvoyance est le seul vice qui rende libre — libre dans un désert.

 

Le paradis n’était pas supportable, sinon le premier homme s’en serait accommodé ; ce monde ne l’est pas davantage puisqu’on y regrette le paradis ou l’on en escompte un autre. Que faire ? où aller ? Ne faisons rien et n’allons nulle part, tout simplement.

 

Certains ont des malheurs, d’autres des obsessions. Lesquels sont le plus à plaindre ?

 

Il y a dans le fait de naître une telle absence de nécessité, que lorsqu’on y songe un peu plus que de coutume, faute de savoir comment réagir, on s’arrête à un sourire niais.

 

 Cioran, de l’inconvénient d’être né, idées / Gallimard, 1973, p. 19, 20-21, 21,

 

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15/12/2018

Paul Claudel, Connaissance de l'Est

 

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                              La terre quittée 

C’est la mer qui est venue nous rechercher. Elle titre sur notre amarre, elle décolle de l’appontement le flanc de notre bateau. Lui, dans un grand tressaillement, agrandit peu à peu l’intervalle qui le sépare du quai encombré et de l’escale humaine. Et nous suivons dans son lacet paresseux le fleuve tranquille et gras. C’est ici l’une de ces bouches par où la terre dégorge, et, crevant dans une poussée de pâte, vient ruminer la mer mélangée à son herbage. De ce sol que nous habitâmes, il ne reste plus que la couleur, l’âme verte prête à se liquéfier. Et déjà, devant nous, là-bas un feu dans l’air limpide indique la ligne et le désert.

 

Paul Claudel, Connaissance de l’Est, Poésie / Gallimard, 1974, p. 139-139.

 

14/12/2018

Paul de Roux, Entrevoir

 

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La condition humaine

 

« Si au moins je supportais l’alcool », dit-elle

(putain dans un roman célèbre)

et sa plainte depuis lors, souvent

me revient en mémoire : exclamation

qui exprime succinctement un manque

dans la condition qui nous est faite :

c’est que le vin, à en croire les poètes,

jette un voile pudique sur les nus fanés

et fait voir le monde à travers un bandeau

translucide comme la peau du raisin

et comme elle rose ou doré : il n’empêche

que l’hépatique, putain ou poète,

doit assurer à jeun son destin.

 

Paul de Roux, Entrevoir, préface de Guy

Goffette, Poésie / Gallimard, 2014, p. 263.

13/12/2018

Pierre Michon, L'empereur d'Occident

 

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Je savais ceci : Attalus était né en Orient. Nul ne sait plus à quoi fut employée sa jeunesse, s’il eut un père ou une mère ; personne ne sait de quel grand rêve, lyre dans les bosquets, buisson ardent où l’on vous remet des lois et un pouvoir, arbustes en fleur entre lesquels on aperçoit des chairs très nues dans la fièvre extravagante des premiers désirs, de quelle raison, de quel vouloir il s’épuisa à faire une réalité de sa vie : personne, sauf peut-être moi. Il rencontra Alaric entre 400 et 410 du Christ ; il pouvait avoir quarante ans ; certains disent qu’à ce moment de sa vie il jouait de la lyre ; d’autres, les mieux informés, les moins dignes de foi, affirment qu’il était préfet de Rome quand le Goth s’empara de lui : je ne veux pas les croire. Alaric guerroyait alors en Italie ou dans la Narbonnaise, peut-être déjà sous les murs de Rome, peut-être seulement dans les bois d’Autun.

 

Pierre Michon, L’empereur d’Occident, Fata Morgana, 1989, p. 53-54.

12/12/2018

Rémi Checchetto, Laissez-moi seul

 

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Il serait bon, pour chaque livre, de comprendre dans quel contexte il est publié, et lu. Pour Laissez-moi seul, quelques éléments peuvent platement être énumérés. En France comme en Europe, l’extrême droite progresse, le repli sur soi à droite comme à gauche (souverainisme !) s’accentue, le populisme est devenu la panacée de l’extrême droite comme de l’extrême gauche. En même temps, sur l’île de Lesbos, à Moria sur une ancienne base militaire, environ 9000 migrants sont entassés, Syriens, Afghans, Irakiens, dans des conditions qui font employer le mot « enfer » pour en parler. En France, on se réjouit de l’augmentation du nombre d’expulsions de migrants en « situation irrégulière » et ceux qui apportent « une aide directe ou indirecte en bande organisée (sic) à l’entrée irrégulière d’étrangers sur le territoire national », ont droit à un procès, au cours duquel est demandée la prison, avec ou sans sursis. C’est le monde dans lequel nous vivons. Quelques Rémi Checchetto ne se résignent pas… Laissez-moi seul : ce sont les derniers mots prononcés par l’émigré à qui l’auteur donne voix.

Ce long poème en prose, avec dès le début des fragments traduits en arabe et en portugais (langue longtemps de migrants européens, parlée aussi en Afrique), est construit de manière linéaire, récit d’un émigré parmi d’autres qui a fui pour ne pas mourir ; pour lui, « la mort est loin, la mort ne me mord, elle habite le pays loin d’ici, celui où je n’irai plus ». Fuite donc, et pas seulement d’un homme, le passage de "je" à "nous" est rapidement effectué, et s’il est bien question d’une fuite pour échapper à la guerre, c’est aussi pour rester un sujet, ne pas être considéré comme « plus négligeable qu’un mégot », c’est-à-dire comme une chose que l’on jette. La fuite est d’abord un exil, ce qui disparaît avec le départ de la maison, du pays, c’est ce qui forme l’identité même de chacun : le lieu de vie, les proches, le passé, tous les mots, soit la base même des échanges. 

Il n’y a pas d’autre solution, pour des dizaines de milliers de personnes, que de prendre la route pour tenter d’arriver dans un lieu où il est, simplement, possible de vivre, en sachant que cela implique la perte de tout repère sans certitude de pouvoir en construire d’autres, « la route ne fut plus celle de ma mémoire ». La perte des repères est d’autant plus forte que l’éloignement du pays natal est grand ; comment l’Européen qui a un domicile fixe pourrait-il mesurer ce que signifie le déracinement que provoque un changement de continent ? Ce n’est pas un déplacement pour un travail plus lucratif, pas non plus une escapade pour une semaine ou deux d’exotisme facile : pour le migrant, la traversée de la mer est une coupure, une blessure, « « la mer non pas mon étonnement et ma joie mais pour ma fragilité, ma fragile fragilité », et le trouble de ne plus connaître qu’un « monde morcelé ».

On le sait, l’accueil, de l’autre côté de la mer, est pour le moins réservé : il faut lutter contre la « submersion », hurle une démagogue. Pour le migrant, ce monde où il arrive dépourvu de tout lui échappe, ce qu’il y trouve, réelles ou symboliques, ce sont des grilles, et « les grises grilles sont grises de l’indifférence qui les habite ». Il n’est pas d’autre solution de que de « m’enfermer dans ma pensée », conclut le migrant, et rester « les doigts gourds, lourds, sourds à [ses] commandes ». Rémi Checchetto écrit de la façon la plus simple ce que peut être l’espoir de qui a tout laissé pour seulement rester debout : que du côté de la mer franchie, il soit reconnu comme sujet et non pas perçu comme du dehors, « mon désir pourtant limpide devrait pouvoir s’écouler et vous rencontrer (…) afin que nous puissions (…) ». Idéal où celui qui vient d’ailleurs entrerait dans un "nous"…

Le migrant n’en demande pas tant, seulement la guerre éloignée de pouvoir mettre « la tête dans l’herbe ». Et de rêver à une société apaisée, à un monde nouveau « de paroles, de paroles qui permettent » et non qui enferment, de « mains qui accueilleront ». Monde où rien ne déferait la transparence, analogue au mouvement ininterrompu de l’eau qui coule de la colline, « cela va de son va ». C’est un monde qui n’existe que rêvé ; pour le migrant l’incompréhension est là et s’il peut se souvenir des danses qu’il a connues, donc de l’harmonie d’avant la guerre, il sait aussi sur quoi repose la paix des pays européens. Un long passage du poème résume le fossé entre lui et ses semblables et l’Europe, organisé avec la répétition de « je sais, je sais que » :

 

 

[…] je sais je sais que votre drapeau est belles légendes et admirables victoires et jolis livres de mirifiques histoires […] je sais, je sais, je sais que rien n’est blanc, ni vos peurs ni vos étonnements ni vos idées ni votre mer ni les pages de votre destin et qu’il vous faut frotter, récurer, astiquer la surface du monde afin de tenter de le blanchir […]

 

Mis de côté le rêve, reste à vivre dans ses pensées, à « remettre [sa] pensée en mouvement dans [ses] mouvements », et à demander : « Laissez-moi seul ».

Il faudrait reprendre Laissez-moi seul et détailler les divers aspects du poème, la place des reprises et des échos, celle des répétitions, le choix des anaphores, le plaisir de jouer avec les sons (chemise / chemin, mots / mets, « les grilles me grillent ») jusqu’à ceux des anagrammes (entailles / tenailles). On retrouve aussi dans le poème Rémi Checchetto homme de théâtre : son texte appelle la voix et il a été donné sur scène par son auteur, accompagné du musicien Titi Robin. 

Précision apportée à la suite du texte : il a été écrit en juillet 2018, 400 migrants étant installés dans un square à Nantes, expulsés le 23 juillet.

 

Rémi Checchetto, Laissez-moi seul, Lanskine, 2018, 40 p., 12 €. Cette note a été publiée sur Sitaudisle 13 novembre 2018.

 

11/12/2018

Takuboku, Ceux que l'on oublie difficilement

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J’ai compté les années d’espérance

et je fixe mes doigts

je suis fatigué du voyage

 

Il m’a donné la nourriture

 et je me suis retourné contre lui

que ma vie est lamentable

 

Le soir au moment de se séparer

à la fenêtre du wagon j’ai bâillé

de tout cela je n’ai que regret

 

Calmement sur une large avenue

une nuit en automne

respirer l’odeur du maïs que l’on grille

 

 

Takuboku, Ceux que l’on oublie difficilement,

Traduction Yasuko Kudaka et Gérard Pfister,

Arfuyen, 1989, p. 8, 12, 17, 19.

10/12/2018

Pierre Silvain Passage de la morte

 

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Vous descendiez la rue Servandoni pour vous rendre rue de Condé, sans prêter beaucoup plus qu’une attention discrète à la jeune femme et à la fillette qu’elle tenait par la main, marchant devant vous. A un moment la fillette s’est retournée. Elle a paru surprise et vaguement inquiète, puis tout à coup a souri. Alors, seulement, vous l’avez observée. Le petit visage étroit qu’elle gardait levé tout en trottinant auprès de sa mère était criblé de taches de son jusqu’à la naissance des cheveux roux frisés, presque crépus, répandus sur ses épaules et son dos, avec un ondoiement qui leur venait de ses pas menus, de plus en plus rapides, comme si sa mère en la tirant à elle la pressait d’avancer. Ai bas de la rue, la fillette a tourné une dernière fois la tête dans votre direction, la chevelure mouvante est sortie de la zone d’ombre au pied de l’église Saint-Sulpice, elle a flambé un instant au soleil, puis disparu.

 

Pierre Silvain, Passage de la morte, L’escampette, 2007, p. 61.

09/12/2018

Images de Venise

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