07/01/2019
Ezra Pound, ABC de la lecture
Ezra Pound a précisé que son A B C de la lecture « ne s’adresse pas à ceux qui sont déjà arrivés à une pleine connaissance du sujet sans en connaître les données ».
QUAND ON SE MET À ÉCRIRE on imite toujours quelque chose qu’on a entendu ou lu.
La majorité des écrivains ne dépasse jamais ce stade.
La véritable éducation ne devrait être confiée qu’aux hommes qui INSISTENT sur le savoir, le reste est affaire de gardiens de moutons.[…] Il faut beaucoup d’expérience pour qu’un homme soit capable de définir une chose dans son propre genre, c’est-à-dire définir la peinture comme peinture, l’écriture comme écriture. On identifie tout de suite le mauvais critique à ce qu’il commence par discuter du poète et non du poème.
Le mauvais poète fait de la mauvaise poésie parce qu’il ne perçoit pas les relations de temps. Il est incapable d’en jouer de manière intéressante, par le moyen des brèves et des longues, des syllabes dures ou molles et des diverses qualités du son qui sont inséparables des mots de son discours.
On ne peut tout mettre en quarante-cinq pages. Mais même si j’avais eu Quatre cent cinquante pages à ma disposition, je n’aurais certes pas écrit un traité convaincant sur l’art du roman. Je n’ai pas écrit de bon roman. Je n’ai pas écrit de roman. Je n’ai pas l’intention d’écrire de romans et je ne dirai à personne comment s’y prendre tant que je n’en aurai pas écrit un moi-même.
Ezra Pound, A B C de la lecture, traduit de l’anglais par Denis Roche, Gallimard, 1967, p. 66, 75, 80 et 179.
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06/01/2019
Paul Celan, La rose de personne
Le menhir
Gris de pierre
qui pousse.
Forme grise, sans
yeux, toi, regard de pierre, avec lequel
la terre a fait saillir vers nous, humains,
sur l’obscur, le clair, de ces chemins de lande,
le soir, devant
toi, gouffre du ciel.
De l’adultérin,
charroyé jusqu’ici, sombrait
par-dessus le dos du cœur. Moulin-
de-mer moulait.`
Aile-claire, tu étais suspendue le matin,
entre genêt et pierre,
petite phalène.
Noires, couleur
de phylactères, ainsi étiez-vous,
cosse
partageant les prières.
Paul Celan, La rose de personne, traduction
Martine Broda, Le Nouveau Commerce,
1979, p. 97.
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05/01/2019
Bernard Noël, La Chute des temps
Portrait
où est la lettre ?
cette question vient d’un mourant
puis il se tait
tant qu’un homme vit
il n’a pas besoin de compter sa langue
quand un homme meurt
il doit rendre son alphabet
de chaque mort
nous attendons le secret de la vie
le dernier souffle emporte
la lettre manquante
elle s’envole derrière le visage
elle se cache au milieu du nom
Bernard Noël, La chute des temps,
Poésie / Gallimard,1993, p. 219.
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04/01/2019
Michel Collot, Le parti-pris des lieux
Face revêche, le mur lépreux. La suie, la crasse s’y sont accumulés pendant un siècle, incrustées dans le moindre interstice. Sur la paroi le regard glisse, le corps dévisse.
Sous la couche uniforme, enduite d’ennui, transparaissent pourtant quelques zones plus pâles, ou plus sombres, et même des traces de couleur. On croit parfois surprendre deux silhouettes qui s’esquissent. Elles animent un instant la tristesse ambiante, puis disparaissent dans le halo d’un autre noir. Ballet de spectres qui s’esquivent, intermittent.
Mais à l’aurore tout devient clair pour qui sait lire le palimpseste. Les taches roses se recomposent, lettres géantes, majuscules où l’on déchiffre : SAINT-RAPHAÊL, puis en dessous, en lettres minuscules : quinquina.
L’opacité s’est déchirée, l’espace soudain s’est rouvert : je plonge dans la foule, tout requinqué d’avoir trouvé, sous les pavés, la plage.
Michel Collot, Le parti-pris des lieux, La Lettre volée, 2018, p. 58.
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03/01/2019
Laurent Albarracin, Cela
Souvent ça n’est rien de tangible, et ça n’est
Rien non plus d’abstrait. C’est cela. C’est
Désigné par n’importe quoi. C’est tout. Non
Pas la notion du tout, entendez bien, mais
C’est tout qui est cela. Alors on peut s’assoir
Et regarder : la table est cela. La tasse sur
La table, cela. Les vitres sont cela. Le reflet
Des lampes. La pluie qu’on ne voit pas parce
Qu’il fait nuit tombe dans cela.
Cela est une sorte d’escarcelle.
Un pot qui a tout gagné.
Où toute chute se récupère.
Laurent Albarracin, Cela, Rougerie, 2016, p. 10.
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02/01/2019
Danielle Collobert, Dire II
la seule chose – recommencer encore – si possible – encore une fois des mots – l’équivalent d’une mort – ou le contraire même – ou peut-être rien
être ici – le calme – épuisant de tension – le monde autour qui ne s’arrête pas – mais pourrait s’arrêter – le souffle qui pourrait s’arrêter maintenant – un instant après l’autre – même égalité plane –même dureté froide – même goût fade et doux – supporter encore d’aller vers d’autres moments pareils – continuer seulement le souffle – la respiration – prolonger le regard – simplement
sans doute – une certaine confusion – auparavant – chaque événement détruit par lui-même – passant d’une chose à l’autre – revenant en arrière – avançant – imprévisible – dans un avenir imaginé – s’acccrochant autour de lui à toutes les rugosités – à tous les angles
Danielle Collobert, Dire II, dans Œuvres I, P. O. L., 2004, p. 211.
Corps là
noué
noué aux mots
l’étranglement du souffle
perte du sol
pendu
balancement à l’intérieur des mots – trouées –
vide
approche de la folie
peur continuelle de la fuite verticale
les mots en spirale fuyante – aspirée
sans prise
sans arrêt
tremblement
un cri
peur continuelle – absence de mots – gouffre
ouvert – descente – descente
mains accrochées au visage
toucher
corps là
résistance –
entendre encore le souffle – quelquepart
à l’instant savoir – souffle là
à l’écoute du bruit
affolement
tendu pour entendre
tendu pour résister
jusqu’à la limite – l’immobilité
sursaut
cassure
encore sombrer – descendre – ou aspiré au loin
– ou fatigue – désespoir
Danielle Collobert, Dire II, dans Œuvres I, P. O. L., 2004, p. 256-257.
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01/01/2019
Joachim du Bellay, Poésies françaises et latines
La complainte du désespéré
Qui prestera la parolle
A la douleur qui m’afolle ?
Qui donnera les accens
A la plainte qui me guyde,
Et qui laschera la bride
A la fureur que je sens ?
Qui baillera double force
A mon ame, qui s’efforce
De soupirer mes douleurs ;
Et qui fera sur ma face
D’une larmoyante trace
Couler deux ruysseaux de pleurs ?
Sus mon cœur, ouvre ta porte,
Afin de que de mes yeux sorte
Une mer à ceste foys.
Ores fault que tu te plaignes,
Et qu’en tes larmes tu baignes
Ces montagnes et ces boys.
Et vous mes vers, dont la course
A de sa premiere sourse
Les sentiers habandonnez
Fuyez à bride avalée
Et la prochaine vallée
De vostre bruyt estonnez.
Vostre eau, qui fut clere et lente,
Ores trouble et violente,
Semblable à ma douleur soit,
Et plus ne meslez vostre onde
A l’or de l’arene blonde,
Dont vostre fond jaunissait.
[…]
Joachim du Bellay, Poésies françaises et
latines, II, Garnier, 1918, p. 1-2.
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31/12/2018
Dylan Thomas, Poèmes, traduction Patrick Reumaux
Y eut-il une temps
Y eut-il un temps où les danseurs et leurs violons
Dans les cirques d’enfants pouvaient suspendre leurs chagrins ?
Il y eut un temps où ils pouvaient pleurer sur les livres
Mais le temps a lancé son ver sur leurs traces.
Sous l’arc du ciel ils sont en danger.
Ce qui n’est jamais connu reste le plus sûr en cette vie.
Sous le présage du ciel ceux qui n’ont pas de bras
Ont les mains les plus propres ; comme le spectre sans cœur
Est seul indemne, ainsi l’aveugle voit le mieux.
Dylan Thomas, Poèmes, traduction Patrick Reumaux,
Dans Œuvres, I, Seuil, 1970, p. 395.
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30/12/2018
Rainer Maria Rilke, Auguste Rodin, Correspondance 1902-1913 : recension
En 1902, Rodin, à 62 ans, reconnu aux Etats-Unis et au Japon comme en Europe, homme d’affaires avisé, reçoit de nombreuses commandes de musées et de particuliers, Rilke, lui, poète pas encore estimé en Allemagne, n’a publié aucune de ses œuvres majeures. Il découvre Rodin grâce à son épouse, Clara Westhoff, elle-même sculptrice, et il lui écrit, en français, pour le rencontrer et compléter ses informations : il a obtenu la commande d’une monographie sur l’œuvre du sculpteur. Les échanges épistolaires ont été déséquilibrés, un peu plus d’une centaine de lettres de Rilke à côté de 26 de Rodin, souvent très brèves et parfois écrites par son secrétaire. Pourtant la correspondance n’éclaire pas seulement sur la manière qu’a Rilke de penser son rapport à la sculpture et à son écriture.
Bien que peu nombreuses et courtes, les lettres de Rodin sont le plus souvent attentives et chaleureuses. Loin des formules toutes faites, il dit son attachement au couple, « Vos lettres (…) me sont si précieuses que je les mets avec soin à part » ; le sachant dans le besoin, il offre l’hospitalité à Rilke dans sa maison de Meudon et est prêt à lui apporter une aide financière. De 1905 à 1906, il le prend comme secrétaire, n’ignorant pourtant pas qu’il maîtrisait mal le français, et Rilke s’acquitte de sa tâche en écrivant aussi bien à Bourdelle qu’à un emballeur, à une dame qu’à l’écrivain Gustave Kahn — ce qui ne l’empêchera pas d’être brusquement licencié, victime de l’humeur changeante de Rodin, ce qu’il commente avec amertume, « Me voilà chassé comme un domestique voleur à l’imprévu de la petite maison où, jadis, votre amitié m’installait doucement ». Leur relation reprend un an plus tard sans ce rapport d’employeur à employé et Rodin invite Rilke à venir le voir, affirmant « nous avons besoin de la vérité de la poésie tous deux et d’amitié » ; il lui propose même des photos inédites pour un article, lui porte un panier de fruits, lui prête une table. Clara obtient de travailler dans son atelier et, plus tard, de sculpter son buste pour le musée de Mannheim. Rodin lui refuse ensuite cette faveur comme il refuse à Rilke, en 1913, des photographies pour une nouvelle édition de sa monographie, après les avoir promises. L’épisode marque la fin de la relation et Rilke écrit à son éditeur, « On ne peut plus se fier à lui en rien ».
Dès les premiers temps de sa relation à Rodin, Rilke le considère comme un modèle, et ses lettres s’ouvrent avec « Mon cher maître », « Mon grand maître », avant que l’adresse devienne, en décembre 1908, « Mon cher et seul Ami ». Il vit une relation d’apprentissage qui lui paraît indispensable, et il évoque le drame du jeune peintre ou écrivain qui ne trouve aucun appui, dans « un abîme de délaissement » ; on pense aux lettres qu’il a écrites à partir de 1903 au jeune Franz Kappus, publiées beaucoup plus tard et traduites en 1937, Lettres à un jeune poète. Il regrette très vivement « l’imperfection » de son français qui gêne sa relation au point qu’il perd souvent « tout moyen de [s’] exprimer » — Hugo Hengl a heureusement choisi de publier les lettres de Rilke et de Rodin sans aucune correction. Ce qu’il apprend, en fréquentant Rodin et ses sculptures, c’est la nécessité de ne pas céder à l’émotion première, « le travail assidu peut désarmer même les anxiétés de la pauvreté », écrit-il, appréciant « cette solide et suprême jeunesse qu’est le travail », et ses hommages sont sans ambiguïté quant à l’importance pour lui de ce qu’il acquiert au cours de ses rencontres : « Votre œuvre est la patrie, pour nous, la terre natale où nous prenons tout : force et espoir et nourriture ». Clara, dans une de ses lettres à Rodin, lui rend également hommage, « Je commence à comprendre un peu ce qu’il faut faire dans la sculpture grâce à votre exemple et votre conseil. »
Si Rilke n’hésite pas à être un intermédiaire entre un acheteur en Allemagne et le sculpteur, ses lettres abordent plus souvent ce qui lui tient à cœur. Il ne cesse d’écrire à Rodin, d’Italie, de Suède, d’Autriche et lors d’un séjour en Espagne, il lui décrit un tableau du Greco qui l’a enthousiasmé. Il souhaite lui lire ses poèmes : « (quoique en allemand) pour vous donner, du moins dans le rythme, quelque chose de ce qui est ma vie », et il le tient au fait de son travail, lui confiant par exemple, « Je suis descendu dans mon travail plus loin que jamais. Il y fait noir quelquefois comme au fond de la mer et la pression des courants au dessus (sic) de moi est très forte » ; à un autre moment il tente de définir ce qu’est pour lui la différence entre poésie et prose. En 1913, quand il se retrouve seul à Paris — son ami Verhaeren est reparti —, il se fixe une règle de vie et définit ce qu’est son travail, « je ne verrai plus personne et je serai dans mon atelier comme un jeune étudiant qui commence. Car on commence toujours ».
Ce qui est aussi lisible dans cette correspondance et que souligne Hugo Hengl, c’est « un cosmopolitisme remarquable et […] un esprit européen qu’offre la passion commune de l’art ». C’est également, clairement analysé, la difficulté qu’ont les femmes à devenir artiste, notamment sculptrice, « Clara ne put véritablement percer dans son art » — le refus de Rodin de la laisser sculpter son buste révèle cette mise à l’écart.
Le livre est abondamment illustré de fac-similés de lettres, de photographies des épistoliers, des œuvres de Rodin, de l’hôtel Biron (devenu le musée Rodin), etc. Il comprend tout un ensemble d’annexes, notamment une chronologie contextuelle à partir de la naissance de Rodin, fort utile pour suivre les déplacements de Rilke et Rodin, quelques lettres écrites par Rilke au service de Rodin, des extraits d’une conférence de Carla Rilke autour de Rodin, à quoi s’ajoutent des index. Le tout, dans la belle collection Art et artistes, aide à mieux connaître le poète et le sculpteur.
Rainer Maria Rilke, Auguste Rodin, Correspondance, 1902-1913, édition de Hugo Hengl, Gallimard, 230 p., 28 €. Cette note a été publiée sur Sitaudis le 5 décembre 2018.
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29/12/2018
Léon-Paul Frague, Espaces
Nuées
À Catherine Pozzi
Non, rien, ce n’était pas lui,
C’est bon, je ne suis pas sourd.
Il ne vient pas tous les jours
Il n’a pas toutes ses nuits
Dans le dortoir éternel
Où se cherchent les amis
Sous la grande lueur sage.
La vertu qui fait sa route,
Où se perchent les visages
Des témoins de sa jeunesse,
Tourne ses pépins couchés
Dans le rond de la paresse.
La bête sort du pertuis,
L’homme caché dans l’étui
Se souvient de la tendresse,
Cette avance douce et fraîche,
Ce faufilement perché
Qui tinte dans le chéneau
Sur la vitre et sur le mur
Et retentit dans la cour
Comme une réplique obscure,
Ni l’erreur d’une souris
Ni la gratte d’un oiseau
Ne feraient cette écriture,
Ni la main du bien aimé…
Non, c’est le filet rêveur
Qu’ils jettent sans espérance
Sur la chauffe de la boule
Sur le vieux tombeau qui roule
Sur les hommes qui sécrètent
Dans leur sablier de chair
À travers le temps qui trame
Et qui ferme ses yeux bleus
Sur le métier de la ville.
(…)
Léon-Paul Fargue, Espaces, Gallimard,
1929, p. 115-116.
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28/12/2018
Samuel Beckett, Les Os d’Écho
Da Tagte Es
rachète les succédanés d’adieux
dans ta main le drap file comme un fleuve
toi qui as largué toutes amarres
et le miroir sans buée au-dessus de tes yeux
Samuel Beckett, Les Os d’Écho, traduction
Édith Fournier, éditons de Minuit, 2002, p. 41.
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27/12/2018
James Sacré, Figures de silences
On se dit, voilà je vais savoir
Savoir un peu plus, savoir
Qu’on ne saura pas. Écrire un poème
S’en va dans l’ignorance et des mots
C’est que façon de continuer pareil
Que tout là-bas travail
Autrefois dans les champs le dernier chou
planté, demain
Faut tout recommencer, demain tu vas mourir.
C’est tout ce qu’on sait
Pour finir.
James Sacré, Figures de silences, Tarabuste, 2018, p. 39.
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26/12/2018
Au bord de l'eau (Périgord), arbres et reflets
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25/12/2018
Jacques Prévert, Aphorismes, épigrammes et graffiti
L’opinion publique
« Je suis heureux !
— De quel droit ? »
Et on le fusille du regard
en attendant mieux.
Et la Vierge Marie vendit Joseph à madame « Putiphar » pour un plat de lentilles.
Il fallait bien nourrir le Petit.
Jésus-Christ était
cruciverbiste.
Si on avait compté les siècles après Eros ou Vénus au lieu d’après Jésus-Christ, on n’en serait pas là.
Jacques Prévert, Textes divers, dans Œuvres complètes, II,
Pléiade / Gallimard, 1996, p. 931, 936, 936, 936.
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24/12/2018
James Sacré, La poésie, comment dire ?
Faire briller la nuit de la langue, est-ce que voilà pas l’essentielle affaire de l’écriture ? Grande quincaillerie qui remue les casseroles de l’académisme ou maladroit boitement dans les mots, peu importe. L’amour qu’on peut manifester pour la langue il faut bien que ça soit par des façons particulières de l’entendre et de l’écrire, avec ou contre les règles (ces anciennes manières plus ou moins réduites au silence des bibliothèques et des discours professoraux). Tous les canons d’amour se défont, au moment de l’amour, en des gestes vaguement ridicules, ou dangereusement splendides, dans l’extase ou le rien. Et bien sûr aucune « bonne manière » d’aimer la langue. Des poètes se perdent dans le noir insignifiant de son silence avec leurs poèmes alambiqués qu’eux seuls voyaient briller dans le temps. D’autres manières d’écrire sont soudain des soleils que tout le monde acclame. Beau soleil, parfois, qui peut n’être que la fusante roue de lumière d’un feu d’artifice. Un soleil pour savoir que nous passons, un peu plus lentement, vers l’énormité sans forme de la nuit.
Des manières d’amour en somme forcément désespérées. Aucune belle région de la langue où nous serions assurés de construire pour l’éternité. Les cathédrales de langage de Chateaubriand s’usent à l’ironie de l’auteur, à celle du temps ; mais elles dressent encore dans notre avenir les manières et les rythmes inquiets de leurs phrases.
James Sacré, Des manières de poète, dans La poésie, comment dire ?, André Dimanche éditeur, 1993, p. 81-82.
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