16/07/2023
Joseph Joubert, Carnets
Toute inconstance est un tâtonnement.
Il est impossible d’aimer deux fois la même personne.
Ils prennent l’art pour la nature.
Le beau, c’est l’intelligence rendue sensible. Ainsi un son même n’est beau que lorsqu’il est tel qu’il n’a pu être produit que par l’intelligence et non par le hasard.
Dans la vieillesse on ne vaut plus que par des qualités de réflexion. On les garde en dépit de l’âge parce que notre intérêt perpétuel est de les avoir.
Joseph Joubert, Carnets, Gallimard, 1994, p. 143, 253, 300, 307, 309.
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15/07/2023
Joseph Joubert, Carnets
Il faudrait alléguer aux gens des raisons non seulement bonnes pour nous, mais aussi bonnes pour eux.
Le caractère du poète est d’être bref, c’est-à-dire parfait, absolutus, comme disaient les Latins.
Il faut faire du bien lorsqu’on le peut et faire plaisir à toute heure, car à toute heure on le peut.
Qu’est-ce qu’un diamant, si ce n’est un peu de boue lumineuse ?
Illusions. Évaporations, fumées. Que le monde est plein de fumées.
Joseph Joubert, Carnets, , Gallimard, 1994, p. 189,197, 213, 235, 245.
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13/07/2023
Joseph Joubert, Carnets
Ce monde me paraît un tourbillon habité par un peuple à qui la tête tourne.
Ne coupez pas ce que vous pouvez dénouer.
Le monde intellectuel est toujours le même. Il est aussi facile à connaître aujourd’hui qu’au commencement, et il était aussi caché au commencement qu’il l’est aujourd’hui.
Pensez aux maux dont vous êtes exempt.
La mémoire — qui est le miroir où nous regardons les absents.
Joseph Joubert, Carnets, Gallimard, 1994, p. 211, 213, 215, 217, 240.
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12/07/2023
Joseph Joubert, Carnets
S’il y a un manche à un couteau, pourquoi le prendre par la lame ?
Le penchant à la destruction est un des moyens employés pour la conservation du monde.
Dans les festins, il suffit d’être joyeux pour être aimable.
Compenser l’absence par le souvenir.
Les passions sont aux sentiments ce que la pluie est à la rosée, l’eau à la vapeur.
Nos amours et nos aversions sont deux grands ressorts dont la providence se sert.
Joseph Joubert, Carnets, Gallimard, 1994, p. 183,188, 195, 196, 207, 207.
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11/07/2023
Joseph Joubert, Carnets
Et se précipiter dans la mort comme dans un fleuve, où s’engloutissent tous les soins et où l’on boit l’oubli des maux.
La liberté. C’est-à-dire l’indépendance de son corps.
Les enfants veulent toujours regarder derrière les miroirs.
Personne ne voulait être le second.
Ne pas juger les gens par leurs affaires.
Joseph Joubert, Carnets, Gallimard, 1994, p. 152, 155, 165,173, 183.
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10/07/2023
Joseph Joubert, Carnets
L’oubli ! Comment ce mot est-il si doux !
Vous ne semez là que des ronces. Elles porteront ses épines.
On a besoin pour vivre, de peu de vie. Il en faut beaucoup pour aimer.
L’histoire est bonne à oublier ; c’est pour cela qu’elle est bonne à savoir.
Les passions viennent comme une petite variole et défigurent cette beauté originelle.
Joseph Joubert, Carnets, Gallimard, 1994, p. 131, 137, 145, 149, 171.
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09/07/2023
Shakespeare, Sonnets et autres poèmes
154
Le petit dieu de l’Amour s’était endormi,
Posant près de lui le tison qui enflamme les cœurs,
Tandis que des nymphes toutes vouées à la chasteté
Étaient accourues ; mais dans ces mains virginales
La plus belle vestale s’empara de ce feu
Qui avaient échauffé des milliers de cœurs purs ;
Et c’est ainsi que le chef de l’ardent désir
Fut dérangé par une main pure dans son sommeil.
Ce tison fut plongé dans l’eau froide d’un puits,
Lequel fut échauffé par le feu de l’Amour,
Se transformant en bain et en précieux remède
Pour les malades ; mais moi, victime de ma maîtresse,
J’y vins pour m’y soigner, et constatai ce fait :
L’amour échauffe l’eau, l’eau n’éteint pas l’amour.
Shakespeare, Sonnets et autres poèmes (Œuvres complètes, VIII), Pléiade / Gallimard, 2021, p.555.
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08/07/2023
Shakespeare, Soonets et autres poèmes
77
Ton miroir te dira combien tes beautés s’usent,
Tu verras au cadran fuir tes chères minutes,
Les pages blanches seront empreintes de ton esprit,
Et de ce livre tu pourras tirer cette leçon :
Les rides exhibées par ce miroir fidèle
Te feront souvenir de la tombe béante ;
À l’ombre furtive du cadran, tu sauras
Que le temps, ce voleur, va vers l’éternité.
Vois ce que ton souvenir ne peut préserver,
Confie-le à ces pages en friche, et tu verras
Ces enfants bien gardés, issus de ton cerveau,
Prendre de ton esprit connaissance nouvelle.
Ces devoirs, chaque fois que tu t’y emploieras
Te seront profitables, enrichiront ton livre.
Shakespeare, Sonnets et autres poèmes (Œuvres complètes, VIII), Pléiade/Gallimard, 2021, p.401.
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07/07/2023
Shakespeare, Sonnets
54
Pourquoi m’as-tu promis une journée si belle,
Me permettant de voyager sans mon manteau,
Laissant de vils nuages me surprendre en chemin,
Et masquer ta splendeur de vapeurs insalubres ?
Il ne te suffit pas de fendre les nuages,
Et sécher mon visage maltraité par l’orage,
Car il n’est personne pour célébrer un baume
Qui soigne la blessure sans gommer la disgrâce ;
Ta honte, elle non plus, ne peut guérir ma peine ;
Malgré ton repentir, moi, je subis ma perte ;
Le regret du coupable est faible réconfort
À qui porte la croix d’une aussi grave offense.
Ah ! mais ces larmes que verse ton amour sont
Riches perles qui rachètent tous les méfaits.
Shakespeare, Sonnets et autres poèmes,(Œuvres complètes, VIII), Pléiade/Gallimard, 2022, p. 315.
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06/07/2023
James Sacré, Une fin d'après-midi continuée
Comme une couture au temps
Parfois comme si, parce qu’on sait plus
Quoi dire ou comment faire, comme si
N’étaient plus possibles
Que des arrangements de mots, quasi-rien
Cousu au temps qui passe au bruit
De la tourterelle qu’on entend, à l’été.
On n’a que le mot poème
Pour penser à ce qui s’écrit :
Sans qu’on sache si pour finir
Quelque chose a pris.
James Sacré, Une fin d’après-midi continuée,
Tarabuste, 2023, p. 293.
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05/07/2023
James Sacré, Une fin d'après-midi continuée
Le mot rien dans le mot vivant
Quand je serai presque plus rien (déjà
Me voilà pas grand chose),
Quand le corps ni l’esprit n’auront plus désir
De porter (de brandir) en de grands gestes insensés,
Je connaîtrai quelque chose de plus intensément nu :
Le rien de l’amitié. Drôle de pensée.
Évidemment le mot rien dès qu’on le dit
Se heurte à tout ce qui reste vivant,
Ce par quoi justement je touche (avec et sans précaution)
À ta parole à ta main, autant
Qu’à ton silence ou ton retrait.
Le mot rien dans le mot vivant ?
James Sacré, Une fin d’après-midi continuée,
Tarabuste, 2023, p. 237.
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03/07/2023
Antoine Emaz, Erre
délesté
on descend pourtant
c’est bizarre
mais pas en rêve
on a fait ce qu’il fallait
pour rester en surface
prendre part au bruit produire
les paroles et le reste les paroles
tout le nécessaire du jour
on s’en va maintenant comme si
on n’avait plus que son poids de corps
il glisse dans le soir s’enfonce
dans l’ombre de plus en plus sombre
des arbres et du jardin
jusqu’au ciel
on respire
Antoine Emaz, Erre, Tarabuste,
2023, p. 44.
Photo T. H., 2007.
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02/07/2023
Antoine Emaz, Erre
11.09.18
le bilan court d’un jour le soir
ou plus long d’une vie les nuits
c’est assez vain
souvent on avance par une odeur de fleurs
ou de cheveux un sourire un ciel
le bruit d’un arbre une gelée de mûres
le bois d’une table une lettre
un livre du pain frais
tout un courant de détails qui portent
vers plus loin
ou bloquent là où
le savoir des mots l’âge du capitaine
sa prestance à la barre
n’importent pas
Antoine Emaz, Erre, Tarabuste, 2023, p. 133.
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01/07/2023
Antoine Emaz, Erre
29.08.18
le temps va le corps
suit son cours peine un peu à poursuivre
mais c’est le même refus posé
on reprend seulement une poignée de sable
dans les mots
toujours rien à céder
sur ce terrain d’être vieux
pour la misère ou pour le désir
au bout peut-être on n’aura pas bougé grand-chose
plutôt la vie s’est chargée de changer
la lumière et les angles les êtres les lieux un peu
sans bruit on rassemble
un peu de joie sèche
pour aller à demain
qui demande autre chose
Antoine Emaz, Errz, Tarabuste, 2023, p. 111.
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30/06/2023
James Sacré, Une fin d'après-midi continuée
Nom prénom comme (n’importe qui, personne)
Des visages sont aussi près de mon peu d’existence
Que les feuillages sans forme de la nuit ;
Leur sourire où je disparais m’emporte
En un mouvement de noir et d’étoiles.
Dans ces poèmes qui sont pour quelqu’un avec un nom précis je voudrais
Que ce soit les mêmes feuillages nocturnes
Dans le volume respirant de ce nom, le parfum de quelques autres
Je veux m’en aller dans la nuit.
James Sacré, Une fin d’après-midi continuée, trois livres « marocains », postface Serge Martin, Tarabuste, 2023, p. 69.
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