25/05/2023
Lorand Gaspar, Gisements
Et plus insoutenable encore le bonheur
Et le reproche cinglant du visage qui sait
Indubitablement ce seul indubitable
Celui qui nu
Détaché comme une poutre d’un incendie
Continue ce déplacement insensé et joyeux
Sans ornements d’espoir
Sans la moindre explication cohérente
Ayant mis tout son calme
Sa précision dans la folie.
Lorand Gaspar, Gisements, Poésie/Flammarion,
1968, p. 62.
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24/05/2023
Lorand Gaspar, Gisements
Les mots nous gardent. Et nous perdent.
C’est l’heure d’automne d’un lent dimanche
Un peuple gris tombe lourd et loin
(Est-ce toujours la même distance qui nous écarte ?)
Comme si tout le gris et tout le noir
Était quelque part
Déjà compris.
Des bancs de poissons souples et prestes
Traversent la peau et riant d’écailles
Se tournent sur le dos
Dans les chambres où se fait noir le sang
Il y a ces rapides éclairs de mots blancs.
Et je voudrais tout dire, tout,
Voici des sons du fil et des aiguilles
Voici un piano et des instruments à vent ;
On joue le plus doucement possible
Et déjà on n’entend plus rien.
Lorand Gaspar, Gisements, Poésie/Flammarion,
1968, p. 52.
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23/05/2023
Lorand Gaspar, Sol absolu
Impatients à briser l'horizon pour un autre
le même plus loin, plus loin le pays
où plus rien n’est secourable.
Et votre chute sans fin de même couleur que l’air
en ce vide médian de l’attente de l’arbre
l’oiseau s’est posé quelque part dans l’espace :
regarde comme il congédie la proue des hauteurs !
A l’endroit des mots
ce ravin de la danse qui chaque jour
défait les rayons de la roue.
Lorand Gaspar, Sol absolu, Gallimard, 1972 , p. 50.
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15/11/2016
Lorand Gaspar, Patmos et autres poèmes
Il marchait un matin d’hiver
dans les rues vides d’un dimanche à Paris —
vent froid, ciel gris,
l’air un peu hagard, égaré
de l’errant qui ne sait pas au juste où il va —
il avait pourtant un désir précis :
arriver par delà le désespoir —
Lorand Gaspar, Patmos et autres poèmes,
Poésie/Gallimard, 2001, p. 170.
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03/02/2014
James Sacré, Lorand Gaspar, Mouvementé de mots et de couleurs
Une semaine avec James Sacré
Je regarde des photos qui m'accompagnent. Retour
À des endroits connus, croit-on, mais n'en reste
Qu'un brasillement de couleurs dans la mémoire, et l'immense
Mouvement du ciel qui fait aller ses bleus et ses nuées
Comme une caresse exaspérée
À tout ce paysage d'été sec et d'arbres pétrifiés.
Des photos que les nuages
N'y bougent plus.
Leur couleur aussi pétrifiée.
Quelque part un œil méduse opère et c'est nulle part
Entre le temps qui n'existe plus et le paysage arrêté.
Son œil de pierre aveugle,
Celui de l'appareil photo, ou l'œil d'encre
Du poème arrêté.
James Sacré [poèmes], Lorand Gaspar [photographies], Mouvementé de mots et de couleurs, Le temps qu'il fait, 2003, p. 50.
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02/09/2011
Lorand Gaspar, Sol absolu
Écailles
Mort où tant de vie s’égare
de nos faibles yeux abandonnée.
Torrent tu nous étonnes
étincelant et boueux
de bouche en bouche
le doux et l’amer
cailloux et bois
achevés repris.
Ces photos floues
que le temps a bougées.
La lumière se cherche sur nos mains
et soudain tout est plume
neige neige —
Le même vent traîné dans le feu
la même nuit avec la même texture de branches
d’un bonheur inavoué.
La même croissance dans les gestes
et l’effeuillement des mains sur la peau
trouées soudaines dans les formes
quand l’espace nous entend —
Nous avons vécu tout juste
le temps de ce poids
de tout ce qui sans plainte se déchire
ta vue hier soir
et ces tout petits ports des yeux
les paupières repeintes.
[…]
Lorand Gaspar, Sol absolu et autres textes, Poésie / Gallimard, 1982, p. 67-69.
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