13/05/2024
André du Bouchet, Enclume de fraîcheur
Embâcle
S’il fallait, aussitôt sorti, rester dehors,
qu’il n’était plus
temps de reculer. Ici, quand la montagne serait sur
nous. Mais il est temps de reculer.
- Le chemin le plus court m’éclaire, dès le
jour, comme il prend, sans faire halte. De retour, déjà,
il emporte.
Oh, la route que l’inaction de l’air envahit !
André du Bouchet, Enclume de fraîcheur, La Dogana, 2024, np.
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18/03/2024
André du Bouchet, Ici en deux
... toute la nuit
comme
sur le point de mourir
sans
que ma mort appartienne alors
davantage
que la clarté
venue
de la nuit blanche
n’a
appartenu à la nuit
André du Bouchet, Ici en deux,
Poésie/Gallimard, 2011, p. 65.
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17/03/2024
André du Bouchet, Air
Amarre
La grosse corde des jours de campagne
m’a lié
je m’use
couvert d’une écorce de fer
et comme moi
le jour s’est fermé
ma plaie
enterrée
la bande d’arbres
en diagonale
et l’air
au croc
qui nous faisait trembler
la surface de la terre
je suis sourd
et lisse
je ne comprends pas les mots de l’arbre
qui par moments continue de parler
au-dessus de la baignoire
posée dans le pré
comme une auge froide
d’où le jour sera sorti
entier.
André du Bouchet, Air,
Clivages, 1977, np.
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13/03/2024
André du Bouchet, Enclume de fraîcheur
Embâcle
S’il fallait aussitôt sorti, rester dehors,
qu’il n’était plus
temps de reculer. Ici, quand la montagne serait sur
nous. Mais il est temps de reculer.
Le chemin court, m'éclaire, dès le
jour, comme il prend sans faire halte. De retour déjà,
il emporte.
Oh, la route que l’inaction de l’air envahit !
André du Bouchet, Enclume de. fraîcheur, La Dogana,
2024, np.
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18/10/2020
André du Bouchet, Une lampe dans la lumière aride
11 septembre 1951 ( ?)
Mon infériorité — c’est que je n’écris que ce que je puis suivre à la main come une rampe.
Quand il n’y a plus de rampe, je me tais. Je suis moins qu’un homme.
L’espace me déconcerte.
18 novembre 1952
Cette idée de « beauté » est le grand écueil de le poésie — où viennent d’ailleurs régulièrement échouer tous les poètes mineurs. Un poète de cet ordre dira, par exemple :
« Les chants les plus désespérés sont toujours les plus beaux »
— qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’est-ce que beau veut dire, là ? On le voit, mais cela est dit très faiblement, et n’ouvre rien — sinon une satisfaction un peu courte. Vigny, par exemple, aurait dit autre chose —
André du Bouchet, Une lampe dans la lumière aride, Le bruit du temps, 2011, p. 121, 167.
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04/01/2020
André du Bouchet, Air
Amarre
La grosse corde des jours de campagne
m’a lié
je m’use
couvet d’un écorce de fer
et comme moi
le jour s’est fermé
ma plaie
enterrée
la bande d’arbres
en diagonale
et l’air
au croc
qui nous faisait trembler
la surface de la terre
je suis sourd
et lisse
je ne comprends pas les mots de l’arbre
qui par moments continue de parler
au-dessus de la baignoire
posée dans le pré
comme une auge froide
d’où le jour sera sorti
entier.
André du Bouchet, Air, Clivages, 1977, np.
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30/01/2018
Paul Celan, Poèmes, traduction André du Bouchet
Débris d’écoute, débris de vue, dans
le dortoir mille-
et-un,
jours ou
nuits,
la polka-des-ours :
ici on te façonne à nouveau,
de nouveau tu deviens
il.
Hörreste, Sehreste, im
Schlafsaal eintausendundeins,
tagnächtlich
die Bäten-Polka :
sie schulen dich um,
du wirst wieder
er.
Paul Celan, Poèmes, traduction André du Bouchet, Clivages, 1978, np.
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30/08/2017
André du Bouchet, Une lampe dans la lumière aride
Les êtres les plus chers sont déjà morts plusieurs fois, meurent presque chaque jour pour moi, parfois ils ressuscitent.
On écrit pour couper court à cette répétition, la terrible monotonie de chaque réveil.
André du Bouchet, Une lampe dans la lumière aride, Carnets 1949-1955, le bruit du temps, 2011, p. 127, 128.
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24/12/2016
André du Bouchet, Matière de l'interlocuteur
Ordinaire
par un mot qui se détache, je suis entré dans la langue.
comme sur son déplacement pèse
le fragment de parole ayant, il se peut, no de poème, le défaut
chaque fois accueille
en place
comme épars sur déplacement du monde.
le mot, une marge le mot, sur
cette vague du monde
qui reflue, comme en arrière de nouveau, en avant, inlassable-
ment le sens est débordé.
marge
de la marge — configuration du poème dont une figure a
cessé d’avoir cours,
coupe par le centre.
André du Bouchet, Matière de l’interlocuteur, Fata Morgana, 1992, p. 53-54.
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23/01/2016
André du Bouchet, Entretiens avec Alain Veinstein recension
Alain Veinstein a souvent rencontré André du Bouchet avant de se décider à l’interroger sur sa poésie ; comme il l’écrit dans l’avant-propos, « L’intensité vécue dans mes lectures et nos rencontres, j’ai voulu la partager à la radio ». Les dix entretiens qu’il a réunis, à l’exception de trois pour des journaux, ont été conduits, de 1979 à novembre 2000 (André du Bouchet est mort le 19 avril 2001), pour France Culture.
André du Bouchet a peu commenté la poésie, surtout celle de Reverdy, lu dès son retour des États-Unis en 1948 (où sa famille juive avait dû s’exiler) et dont la poésie lui semblait représenter un « équilibre parfait ». Il a aussi écrit à propos de Baudelaire : sa lecture, dans l’entretien qui ouvre le livre, apprend beaucoup sur ses propres conceptions et pratiques. Baudelaire se serait appliqué à fixer ce qui échappe « à la possibilité de toute expression », et c’est bien également ce que tente du Bouchet. Il s’efforce en effet d’exprimer ce qui déborde le temps, sans cependant être détaché du réel : c’est qu’il y a dans le langage quelque chose qui n’appartient pas à un moment donné. La poésie n’est pas dans un rapport de dépendance par rapport au réel — le poème est le réel, ce que signifie la métaphore « les mots sont debout » —, pas plus qu’elle n’est jeu comme le voulaient la pratique surréaliste ou, plus récemment, l’Oulipo.
Pour du Bouchet, la poésie est le réel notamment parce qu’elle est « tournée vers soi », et c’est pourquoi le lecteur peut rejoindre celui qui écrit : « Vous êtes présent à l’acte de lire, qui vous renvoie à vous-même ». La lecture n’est en effet possible qu’à la condition de faire « confiance aux mots », de faire comme si était engagée et poursuivie une conversation avec quelqu’un. Par ailleurs, la poésie représente par rapport à la réalité vécue une activité de langage « incongrue, inassimilable », parce qu’expression de l’individu dans une société où seule a une valeur la parole collective. L’opposition est d’autant plus marquée que, pour du Bouchet, tout est dans « l’éboulement », la « destruction accélérée », notamment pour ce qui est l’usage de la langue.
La lecture, comme la contemplation d’un tableau, peut être une manière de se mettre, provisoirement, à l’écart, de se protéger « du fracas » ; ce n’est en rien ce qu’implique l’écriture de la poésie où, par le mot, il s’agit « d’être en rapport un instant avec ce qui est en dehors du mot ». Que peut-on atteindre ? Du Bouchet introduit une comparaison avec le jour : il est toujours nouveau mais c’est cette réitération qui nous échappe ; il y a comme un nœud qui ne cesserait pas de se dénouer. Aussi entretient-il par l’écriture un « rapport d’éveil » avec la langue, donc de rupture. Autrement dit, le sens des mots est toujours « au futur, mobile, mouvant à l’infini » chaque fois que l’on en change le contexte, et cette variation conduit à ce que les mots « se requalifiant sans cesse, la conscience critique, qui déloge sans cesse les mots, va de pair avec la notion même de poésie ».
Cette mouvance du sens des mots devient plus que perceptible lorsque l’on se mêle de traduire, et du Bouchet a traduit Celan (avec le poète, qui lui-même a traduit du Bouchet en allemand), Joyce, Mandelstam ; ce qui importe n’est pas ce que les mots ‘’veulent dire’’ mais ce qu’ils disent ; il s’agit chaque fois d’une transposition, écrit-il, « dans l’inaccessible qu’est pour moi le français [...] inaccessible, comme on est inaccessible à soi ». Une démarche analogue se retrouve dans les écrits sur quelques peintres (Tal-Coat, Giacometti, Bram van Velde, de Staël), les tableaux n’étant pas des choses à déchiffrer, à saisir, mais « dont on veut se ressaisir » : dire une expérience, la présence qui s’est imposée, et non prétendre remplacer la peinture par des mots. Les tableaux aident à réfléchir, pour qui a son propre chemin. La voie suivie par du Bouchet a été d’un travail continuel pour parvenir à établir un rapport juste avec le français, « la langue du rapport à soi, avec tout ce qui est de l’ordre du muet » — il faut se souvenir que du Bouchet a fait ses études aux États-Unis. Travail aussi dans l’édition même des poèmes : les blancs dans la page rompaient avec la répétition rythmique de la versification, mimaient l’alternance de la parole et du silence. Dans les premiers livres s’est manifestée aussi l’utopie d’un livre sans commencement ni fin, par l’abandon de la pagination.
On suivra aussi dans les entretiens la pratique, très tôt, des notations sur des carnets ; les notes, toujours hâtivement prises, n’étaient pas pour se souvenir (en ce sens, elles ne constituent pas un journal, comme par exemple le Carnet de notes de Pierre Bergounioux), mais empêchent quelque chose de rester dans l’insignifiance et elles deviennent, parfois, un matériau pour un poème à l’occasion d’une relecture. On suivra encore la relation de du Bouchet au fait d’écrire — beaucoup de livres écrits ? « C’est là, peut-être, la pauvreté d’une vie » — et aux livres : il en gardait peu, « c’est un passé qui encombre »... Et l’on réfléchira à sa réponse sur le rôle de la poésie : « Elle n’a jamais eu de rôle, et c’est ce qui en fait de la poésie. »
André du Bouchet, Entretiens avec Alain Veinstein, L’Atelier contemporain / INA, 2015, 128 p., 20 €. Cette recension a été publiée par Sitaudis le 3 janvier 2016.
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04/01/2016
André du Bouchet, Entretiens avec Alain Veinstein
[...]
Alain Veinstein
Quelle a été la fonction des carnets par rapport à l’écriture des poèmes, et des livres. Vous insistiez sur le travail, tout à l’heure : précisément, on retrouve dans les livres des phrases des carnets soumises à un processus de travail.
André du Bouchet
Dans les vrais livres, dans ce qui a pris forme de poème, il y a un travail d’élaboration qui, chaque fois, m’a obligé à sortir du carnet. Il y a un point de cristallisation et de travail sur des mots sortis du carnet qui fait que ce qui est un poème a un commencement et un point final. Lequel constitue généralement une difficulté pour le lecteur Quand on interrompt, on prend congé de ce que l’on a écrit, c’est une rupture, et une rupture appelle un commencement, qui vous engage bien davantage qu’une succession de notes courant indéfiniment. La fin d’un poème vous renvoie en sens inverse au commencement. Pour commencer, comme pour finir, il faut s’engager. Je pense que dans ce qui fait un poème, il y a une difficulté absente d’un livre de notes. Le livre de notes paraît beaucoup plus facile. On prend quelque chose qui est en cours. Peut-être que le lecteur est libéré de la décision qu’il devrait prendre, comme moi-même, au fond, j’ai été libéré de la responsabilité de ce livre, assumée à l’origine par quelqu’un d’autre que moi.
André du Bouchet, Entretiens avec Alain Veinstein, L’Atelier contemporain / Institut National de l’Audiovisuel, 2016, p. 78.
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09/12/2015
André du Bouchet, Une lampe dans la lumière aride
La poésie
c'est refuser la vie — partie par partie —
pour l'accepter tout entière —
que l'image se pulvérise et devienne dérisoire.
La banalité poétique se résorbe aussi bien que l'autre, seulement il faut l'avoir éprouvée, jusque dans la trame — ce qui n'est pas facile
*
Le poète est celui qui, dormant et sachant qu'il dort,
ne se réveille pas —
*
le poème sort avec sa lie
hors de sa gangue d'angoisse
et de toute la boue qui le charrie
*
la poésie, c'est cette exaspération des facultés critiques,
de cette faculté critique qui ne mord pas sur la matière
il y a cette révélation de l'insipide
— de cette clarté
qui court en avant d'elle-même
ce qu'il y a de plus éclatant, de plus exotique, est comme la préfiguration de sa banalité
qui n'est suscité que pour être incinéré
l'image n'est que l'indication de sa course, de sa rapidité.
Nous sommes — heureusement — en retard sur cette banalité.
Notre vie, notre poids, notre étonnement, notre lenteur — notre admiration.
on a touché l'essence de la poésie, quand on sent passer ce souffle incolore, ce souffle
le vent dont nous sommes affublés
le feu, c'est cet immense retard sur la banalité —
l'image n'est suscitée que pour être incinérée.
André du Bouchet, Une lampe dans la lumière aride, Le Bruit du temps, 2011, p. 249, 252, 253, 254-55.
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06/08/2015
André du Bouchet, Je suis sur les traces d'un autre
[...]
où le pas est encore plus rare qu’ici, on aura ramassé dans le désert un biface déposé là, où il sera tombé, depuis quelques milliers d’années : la face tournée au dehors, polie, lustrée par le vent. l’autre, au sol, qu’elle n’a pas quitté, mat et sans lustre. puis, venue jusqu’à la table du paléontologue qui alors en aura parlé.
rien alors, dans ces carnets, qui n’ai été noté dehors, alors que du dehors très peu en soit rendu compte. mais dehors, comme sortir de soi d’abord sans projet — dehors sans projet, comme retour au silence antérieur lorsque j’avance, qui sera porteur de la parole inattendue qui sera, par éclats, trouvée sans être attendue. je porte jusqu’au dehors la pensée qui sans le dehors ne serait pas apparue — de moi comme en provenance de ce dehors — éclats de voix, éclats de vent — par instants, et avec l’instant qui ne se soutient pas je ne suis pas le seul à ne pas la soutenir, et je la retrouve, elle l’insoutenable, à travers l’épaisseur silencieuse ou bruyante de tout ce qui lui est réfractaire, et qui engourdit jusqu’à l’absence.
André du Bouchet, "Je suis sur les traces d’un autre", dans Europe, "André du Bouchet", n°986-987, juin-juillet 2011, p. 73.
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26/12/2014
André du Bouchet, Orion / Image : Reflets dans l'étang
au détour de la
route — sorties de la route — deux traces de roue dans les terres. en novembre deux traces vertes — plus vertes que le vert aujourd’hui de la première levée des semis d’hiver.mais
tranchant, là sur le vert léger étale, ce qui sur cette trace a pu lever l’emporte sur les traces.deux parallèles parties vers le haut se recoupent où le souvenir du tracteur dont les roues sur leur demi-tour auront, en tassant le sol, suscité le surcroît de couleur s’efface dans le versant monochrome.
là-devant, plus d’une fois l’un ou l’autre — du regard ou sur son pas — a un instant fait halte.
en surplomb le vert — plus vert, là, que le vert, se voit comme retranché du vert.
la trace, elle, en retrait. le vert, sitôt en avant
de la trace.
André du Bouchet, Orion, Deyrolle éditeur, 1993, p. 29-30.
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12/08/2014
André du Bouchet, Une lampe dans la lumière aride, Carnets 1949-1955
André du Bouchet par Giacometti
Rhétorique : dépouillés de la rhétorique, on ne se bat plus que les poings nus. (Ferblanterie des mythologies, armurerie comique et naturelle, etc.) On finissait par ne plus entendre que le choc des armures. Nous sommes aujourd’hui au point si intéressant, si vif, de nous reconstituer une coquille.
Dire : pourquoi est-ce que j’écris, ou veux écrire — pas exactement pour le plaisir, ou combler les trous du temps — ou précisément pour cela — l’oisiveté finit par se contre dire et donner un pouce à des forces. Si elle est appuyée par quelques inconvénients solides sur lesquels on peut compter — en dehors : travail, gymnastique, bonté, etc.
Aujourd’hui, comme chaque jour : il faut que la « poésie » devienne plus (autre chose) qu’un constat ou bien se démette. (Moralité, règle de vie, rythme impératif, non-impérieux — mais le mot est détestable.)
Rhétorique. Le « sonnet » devait être une sorte de garde-fou. Écrits par centaines. Des bonheurs relatifs — et de détail — assez pour rendre heureux dans une certaine mesure — mais dans l’ensemble, une fois bouclé le sonnet, rien de bien moderne, ni qui valait qu’on s’y attache ou s’y abîme. Il n’y avait plus qu’à recommencer. Mallarmé essaie d’en faire un absolu, un gouffre. Il s’y abîme. Tout près, justement, de forcer le langage : il n’écrit qu’une poignée de sonnets , au lieu de la multitude que le genre comporte.
De mon côté écrire des poèmes résolument enracinés dans l’effort de l’homme : il sera parfumé des idées du monde ambiant, choyé par le vent. L’eau lui lavera sa sueur. Mais d’abord lui-même —
(Reverdy. C’est ça la réalité telle que je la sens et la respire : mais il faut tout redécouvrir pour soi, comme si vous n’aviez jamais écrit, jamais rien dit. Mais cela je ne l’aurais jamais aussi bien su si je ne vous avais pas lu.)
ART : perpétuel.
Il n’y aura jamais de terme à cette surprise, à cet étonnement sans précédent que nous donnent un poème, une œuvre d’art, pour aussitôt (à condition de nous avoir donné cette surprise, cet étonnement) rentrer dans tout ce qu’il y a de plus familier. L’homme familier (« miracle dont la ponctualité émousse le mystère », Baudelaire) ne cessera jamais de s’émerveiller de lui-même, de se voir reflété dans les yeux de ses semblables.
André du Bouchet, Une lampe dans la lumière aride, Carnets 1949-1955, édition établie et préfacée par Clément Layet, éditions Le Bruit du Temps, 2011, p. 30, 31, 33, 34, 44, 58, 62.
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