06/08/2015
André du Bouchet, Je suis sur les traces d'un autre
[...]
où le pas est encore plus rare qu’ici, on aura ramassé dans le désert un biface déposé là, où il sera tombé, depuis quelques milliers d’années : la face tournée au dehors, polie, lustrée par le vent. l’autre, au sol, qu’elle n’a pas quitté, mat et sans lustre. puis, venue jusqu’à la table du paléontologue qui alors en aura parlé.
rien alors, dans ces carnets, qui n’ai été noté dehors, alors que du dehors très peu en soit rendu compte. mais dehors, comme sortir de soi d’abord sans projet — dehors sans projet, comme retour au silence antérieur lorsque j’avance, qui sera porteur de la parole inattendue qui sera, par éclats, trouvée sans être attendue. je porte jusqu’au dehors la pensée qui sans le dehors ne serait pas apparue — de moi comme en provenance de ce dehors — éclats de voix, éclats de vent — par instants, et avec l’instant qui ne se soutient pas je ne suis pas le seul à ne pas la soutenir, et je la retrouve, elle l’insoutenable, à travers l’épaisseur silencieuse ou bruyante de tout ce qui lui est réfractaire, et qui engourdit jusqu’à l’absence.
André du Bouchet, "Je suis sur les traces d’un autre", dans Europe, "André du Bouchet", n°986-987, juin-juillet 2011, p. 73.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Bouchet André du | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré du bouchet, je suis sur les traces d'un autre, biface, dehors, absence, insoutenable | Facebook |
31/05/2014
André du Bouchet, Je suis sur les traces d'un autre
Je suis sur les traces d'un autre
je suis sur les traces d'un autre
là, je ne me serais pas risqué si un autre — inattendu — ne s'était pas résolu à prendre les devants. tout cela demeuré, sinon, perdu ou fermé.
la perte même aujourd'hui de ce qui est perdu — mots à la hâte griffonnés debout illisibles, ou carnets eux-mêmes plus d'une fois perdus ou manquants — la perte même de ce qui est perdu m'apparaît aujourd'hui insignifiante. mesure pour moi d'une distance, hauteur, ou détachement — cela revient au même, et termes synonymes — prise, qui rend, lorsque je m'en avise, les choses plus respirables. et cette transcription lorsqu'à mon tour, et rapidement, je m'y serai résolu, apport de ce manque — manque sans regret — respirable.
perte de ce qui est perdu apparue insignifiante.
et voilà, sur ses blancs, pour autrui — et l'œil d'un autre que moi-même je puis être — le temps sur ses fractures à nouveau homogène, comme aisé.
[...]
André du Bouchet, Je suis sur les traces d'un autre, dans Europe, "André du Bouchet", juin-juillet 2011, p. 61.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Bouchet André du | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré du bouchet, je suis sur les traces d'un autre, perte, mots, carnet, distance, temps | Facebook |