17/03/2024
André du Bouchet, Air
Amarre
La grosse corde des jours de campagne
m’a lié
je m’use
couvert d’une écorce de fer
et comme moi
le jour s’est fermé
ma plaie
enterrée
la bande d’arbres
en diagonale
et l’air
au croc
qui nous faisait trembler
la surface de la terre
je suis sourd
et lisse
je ne comprends pas les mots de l’arbre
qui par moments continue de parler
au-dessus de la baignoire
posée dans le pré
comme une auge froide
d’où le jour sera sorti
entier.
André du Bouchet, Air,
Clivages, 1977, np.
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18/02/2021
Italo Calvino, Le chevalier inexistant
Toutes choses bougent dans la page bien lisse ; pourtant rien de transparaît de cette agitation, rien n’a l’air de changer à la surface. Il en va de même de mon papier comme de la rugueuse écorce du monde, elle aussi pleine de mouvements et vide de changement : rien qu’une immense couche de matière homogène, qui se tasse et s’agglomère selon des formes et des consistances variables, dans une gamme de coloris nuancés, et que, pourtant, on imagine sans peine étalée sur une surface plate. Bien sûr, elle présente des excroissances villeuses, plumeuses ou noueuses comme carapaces de tortues ; et de temps en temps ces touffes de plumes ou de poils et ces nodosités donnent l’impression de bouger. Ou bien encore on croit discerner, parmi cet agglomérat de qualités réparties dans toute la nappe de matière uniforme, quelques changements de rapports ; et, malgré tout, rien, substantiellement, ne quitte son lieu.
Italo Calvino, Le chevalier inexistant, traduction Maurice Javion, Livre de Poche, 1972, p. 141.
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