08/06/2019
Bernard Noël, La Chute des temps
Sur un pli du temps
toujours le plus
aura manqué
la langue a touché
trop d’ombre
trop compté les lettres du nom
une fois
cent fois
mille fois
les mains
ont rebâti
la statue
des larmes
mot
tombé
d’un mot
l’être
a roussi
dans le souffle
quelle fin
la bouche
troue
un visage
l’ombre
gouverne
sous les yeux
une pierre
pousse
entre nous
(…)
Bernard Noël, dans
La Chute des temps,
Poésie/Gallimard,
1993, p. 225-226.
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11/05/2019
Bernard Vargaftig, Distance nue
`
Cailloux murs pivoines
Et l’ombre
Des sorbiers
N’est plus qu’un mouvement
L’aveu me fait face
Accourir
Était
Une page muette
Paysage comme
Sans rien
Déchirer
L’air touchait où je tremble
Où les chiens se jettent
Où dans l’aube
Les places
Ont le nom d’un instant
Bernard Vargaftig, Distance nue,
André Dimanche, 1994, np.
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17/02/2019
Pierre Reverdy, La meule de soleil
Mémoire
Quand elle ne sera plus là
Quand je serai parti
Là-bas où il doit aussi faire jour
Un oiseau doit chanter la nuit
Comme ici
Et quand le vent passe
La montagne s’efface
Ces pointes blanches de la montagne
On se retrouvera sur le sable
Derrière les rochers
Puis plus rien
Un nuage marche
Par la fenêtre sort un cri
Les cyprès font une barrière
L’air est salé
Et tes cheveux sont encore mouillés
Quand nous serons partis là-bas derrière
Il y aura encore quelqu’un ici pour nous attendre
Et nous entendre
Un seul ami
L’ombre que nous avons laissée sous l’arbre et qui s’ennuie
Pierre Reverdy, La meule de soleil, dans Œuvres complètes, I,
Flammarion, 2010, p. 943-944.
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26/01/2019
Bernard Vargaftig, Le monde le monde
L’horizon touche les herbes
À nouveau pas un nuage
Et tant de souffle qu’espère
L’écho dans l’emportement
Tout ressemblait à la suite
Amandiers hâte calanque
Après l’avoir oubliée
L’inclinaison et l’été
Comme étonné sous ton cri
Et pitié inavouable
Et parfum embrasé où
Aucun mot n’est épargné
L’éblouissement sans ombre
Ne se referme jamais
Bernard Vargaftig, Le monde le monde,
André Dimanche, 1994, p. 65.
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31/10/2018
Dominique Maurizi, Septième rive
Est-ce que je rêve quand je t’entends,
quand, comme ces cris au loin qu’on
perçoit, je devine une voix ?
Est-ce que je dors, est-ce que je rêve,
quand je ne vois que flocons de fumée,
et que seule dans le noir, rien ne pleure
avec moi ?
Est-ce que je rêve, est-ce que je rêve,
quand je t’entraîne avec les ombres, et
que tu passes dans le noir, comme ces
pas au loin qu’on entend ?
Dominique Maurizi, Septième rive,
la tête à l’envers, 2017, p. 70.
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11/09/2018
Li Po, Libation solitaire au clair de lune
Libation solitaire au clair de lune
Parmi les fleurs un pot de vin ;
Je bois tout seul sans un ami.
Levant ma coupe, je convie le clair de lune ;
Voici mon ombre devant moi : nous sommes trois.
La lune, hélas ! ne sait pas boire :
Et l’ombre en vain me suit.
Compagnes d’une instant, ô vous, la lune et l’ombre !
Par de joyeux ébats, faisons fête au printemps !
Quand je chante, la lune indolente musarde ;
Quand je danse, mon ombre égarée se déforme.
Tant que nous veillerons, ensemble égayons-nous ;
Et, l’ivresse venue, que chacun s’en retourne,
Que dure à jamais notre liaison sans âme :
Retrouvons-nous sur la lointaine Voie Lactée !
Li Po, dans Anthologie de la poésie chinoise classique, sous la
direction de Paul Demiéville, Poésie / Gallimard, 1997, p. 212.
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20/06/2018
Brigitte Mouchet, et qui hante
ici ne repose pas
Il arrive parfois, traversant la campagne, qu’un appel – mais – rien – le silence, un vague crissement, il s’est passé quelque chose. On marche dans les bois. Le soir on rentre.
On peut les rencontrer — d’abord quelques-uns, compagnons — et des enfants — ils sont partis — à qui on a tranché la langue — parfois une ombre arpente la campagne, semble se pencher pour passer — mais rien.
Les odeurs des ronces. Quelque chose s’agrippe, serre les poings. Quelque chose — ils ont tenté de passer. Ils se sont abîmés avec les pierres, les genêts au soleil. Et la nuit des lumières balaient — quelqu’un ? — un bosquet hérissé, accroché, quelqu’un reste immobile, quelque chose.
[…]
Brigitte Mouchet, Et qui hante, isabelle sauvage, 2018, p. 89.
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15/05/2018
Edmond Jabès, La Clef de voûte
Nous sommes invisibles
Quant tu es loin
il y a plus d’ombre
dans la nuit
il y a
plus de silence
Les étoiles complotent
dans leurs cellules
cherchent à fuir
mais ne peuvent
Leur feu blesse
il ne tue pas
Vers lui quelquefois
la chouette lève la tête
puis ulule
Une étoile est à moi
plus qu’au sommeil
et plus qu’au ciel
distant absent
prisonnière hagarde
héroïne exilée
Quand tu es loin
il y a plus de cendres
dans le feu
plus de fumée
Le vent disperse
tous les foyers
Les murs s’accordent
avec la neige
Il était un temps
où je ne t’imaginais pas
où hanté par ton visage
je te suivais dans les rues
Tu passais étonnée à peine
J’étais ton ombre dans le soleil
J’ignorais le parc silencieux
où tu m’as rejoint
Seuls nous deux
rivés à nos rêves
au large de nos paroles abandonnées
Je dors dans un monde
où le sommeil est rare
un monde qui m’effraie
pareil à l’ogre de mon enfance
[...]
Edmon Jabès, La Clef de voûte, GLM, 1950, p. 25-26.
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19/01/2018
Pierre Jean Jouve, Sueur de sang
À celle qui s’amuse
Inguérissable amour ! Inguérissable plaie
Inguérissable rouge feuilles dans du noir
Ou du blond mais toujours du sombre
Inguérissables maigres démons nus
Vous laissez en vous tordant contre les ombres
Inapaisés inguérissables trous sanglants.
Tu voles pourtant un sourire enragé
Tes yeux se promènent comme deux pierres
Ta chevelure est un jeu de frisons sur la tombe
Ton masque est mort pour mieux regarder
Pour mieux regarder des feux d’entrailles
La déraison cherchant à devenir raison
Inscrit un numéro sur la tenture.
Pierre Jean Jouve, Sueur de sang, dans Œuvre, I,
Mercure de France, p. 253.
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21/12/2017
René Char, Aromates chasseurs
Sous le feuillage
Frapper du regard, c’est se dessiner dans les yeux des autres, y découvrir leurs traits modifiés auprès des nôtres, mais pour ombrer notre ceinture de déserts.
Celui qui prenait les devants s’appuya contre un frêne, porta en compte la récidive de la foudre, et attendit la nuit en désirant.
René Char, Aromates chasseurs, Gallimard 1976, p. 35.
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18/12/2017
Jean Ristat, Ô vous qui dormez dans les étoiles enchaînés
I
Te voici donc monsieur emporté sous nos yeux
Par l’arme des ombres en un éclair qui s’enflamme
Et passe avant de rendre à la nuit sa guenille
Te voici théâtre Ô théâtre de la mort
Avec ton cortège de figurants sourds et
Muets l’orchestre des oiseaux soudain s’est tu
L’acteur a oublié son texte le souffleur
Quitté sa cave il n’y aura pas de reprise
D’où vient-il
Le vent enfourné dans ta bouche comme un poing
Et ton corps livré aux chiens masqués des ténèbres
Maintenant
Te voici empire du silence
*
Ah j’ai vu une ombre qui portait sue sa bosse
Un homme comme un fagot de bois et le feu
A l ‘odeur de sang lorsqu’il déchire les arbres
Ne demandaient qu’à fleurir une fois encore
[…°
Jean Ristat, Ô vous qui dormez dans les étoiles enchaînés,
dessins de Gianni Burattoni, Gallimard, 2017, p. 9-11.
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27/09/2017
Anne de Staël, Le cahier océanique
Temps de pierre
Tout le mouvement du monde
« reçu » et sur le coup « renvoyé »
Pierre d’exactitude
Elle atteint la minute à la tête
Et contre elle s’aiguise le dard
Son ombre l’entrecoupe de Présent
La tient entrouverte comme un boîtier
Anne de Staël, Le cahier océanique, La Lettre
volée, 2015, p. 117.
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25/09/2017
Louis-René des Forêts, Poèmes de Samuel Wood
Une ombre peut-être, rien qu’une ombre inventée
Et nommée pour les besoins de la cause
Tout lien rompu avec sa propre figure.
Se faire entendre une voix venue d’ailleurs
Inaccessible au temps et à l’usure
Se révèle non moins illusoire qu’un rêve
Il y a pourtant en elle quelque chose qui dure
Même après que s’en est perdu le sens
Son timbre vibre encore au loin comme un orage
Dont on ne sait s’il se rapproche ou s’en va.
Louis-René des Forêts, Poèmes de Samuel Wood,
Fata Morgana, 1988, p. 44.
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07/09/2017
Esther Tellermann, Carnets à bruire
Ne m’effleurait
votre
incise théâtre
de pierres linges
recouvraient
les paumes
j’induisais votre
souffle
à l’intérieur
de mes sillons
je
respire
vos aurores de
papier comme si
l’ombre
prenait
feu
Esthet Tellermann, Carnets
à bruire, La lettre volée, 2014, p. 74.
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19/04/2017
Renée Vivien, La Vénus des aveugles
Chanson pour mon ombre
Droite et longue comme un cyprès,
Mon ombre suit, à pas de louve,
Mes pas que l’aube désapprouve.
Mon ombre marche à pas de louve,
Droite et longue comme un cyprès,
Elle me suit, comme un reproche,
Dans la lumière du matin.
Je vois en elle mon destin
Qui se resserre et se rapproche.
À travers champs, par les matins,
Mon ombre me suit comme un reproche.
Mon ombre suit, comme un remords,
La trace de mes pas sur l’herbe
Lorsque je vais, portant ma gerbe,
Vers l’allée où gîtent les morts.
Mon ombre suit mes pas sur l’herbe
Implacable comme un remords.
Renée Vivien, La Vénus des aveugles, dans Poésies complètes,
Librairie Alphonse Lemerre, 1944, p. 204-205.
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