05/07/2025
Armand Robin, La Monde d'une voix
En tout, partout je tiens debout
Je veux jusqu’à ma tombe qu’on me calomnie,
Je veux qu’après ma tombe encore on me nie.
Grande source inaltérée
Mes beaux cris
Arabes, russes, chinois, japonais
Vous ne pourrez me sauver !
Jamais je n’ai séparé les terres,
Tous les cris bafoués dans ma bouche ont remué,
Ont repris vie
Furent à neuf sur mon sang respectés.
J’eus une âme d’amour et de pureté,
Mes passions furent la brume, les fleurs la lune.
J’ai fait mon âme menue
Pour que la plus faible lune, lorsqu’une nue
L’assiège, puisse chez moi trouver demeure
Humble, amie,
Pour sa grande face incertaine.
Et la nuit, malgré ses étoiles messagères,
Est une étrangère.
Armand Lubin, Le Monde d’une voix,
Gallimard, 1968, p. 9.
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04/07/2025
Armand Robin, Le Monde d'une voix
Un homme
Je ne serai jamais à la mode
Je ne serai jamais commode.
Aragon passe très bien ;
C’est un petit homme de rien,
Mi-bourgeois et mi-malin.
Armand Lubin, Le Monde d’une voix,
Gallimard, 1968, p. 59 .
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03/07/2025
James Sacré, Des objets nous accompagnent (ou l'inverse)
Dans l’agréable fraîcheur de la matinée
Puces de la Mosson, le gris des arbres
Un thé avec un brin de menthe
La vieille dame qui va le servir
Essuie soigneusement le fond du verre
Table fragile en plastique vert sombre
Un bruit de souvenirs vient dans la tête ;
On est au Café Populaire à Sidi Slimane
Frappe des dominos et des verres sur les tables
Ou quelque part à Dar Belamri
Dans un matin tranquille
Verre de thé, méloui, c’est plutôt bruits de mots qui sont
Comme autant d’objets dépareillés qui te racontent
On se demande bien quoi dans ce marché de plein air.
James Sacré, Des objets nous accompagnent (ou l’inverse),
PUHR, 2025, p. 128.
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02/07/2025
James Sacré, Des objets nous accompagnent (ou l'inverse)
Une bibliothèque prend peu à peu beaucoup de place ;
Toute une pièce pour les livres de poésie. Deux grands murs pour les autres
Et dans un troisième endroit, de beaux livres (comme on dit)
À cause de voyages qu’on a faits,
Un rayonnage pour les revues dans le garage.
Le temps dispersé de la bibliothèque.
Le corps dispersé de la bibliothèque.
Autant dans la maison que dans le temps d’une vie.
Quelque chose dont la forme se perd
En des livres venus là par hasard ou qu’on n’a pas lus
Et d’autres qui n’y sont pas, qu’on empruntait
Là où pendant longtemps on travaillait.
Une bibliothèque de lectures oubliées.
Chaque livre somme un miroir sans tain
On y regarde dans le vide d’avoir vécu
Sans rien relire de ce qu’on a lu.
James Sacré, Des objets nous accompagnent
(ou l’inverse), PURH, 2025, p. 82-83.
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01/07/2025
James Sacré, Des objets nous accompagnent (ou l'inverse)
De petites croix, fines ou trapues,
Elles sont pour la plupart fabriquées au Mexique
(C’est indiqué au verso comme on le dirait
Pour une page écrite ou pour une peinture)
Des croix avec un message (au recto donc)
Peintes qu’elles sont avec des figurines d’étain ou de fer blanc :
Milagris dijes ou promesas, sortes d’ex-voto
Ou seulement des charmes porte-bonheur, porte-chance.
On les trouve parmi d’autres objets,
Ou c’en est tout un assortiment dans un panier
Colorado Nouveau Mexique et l’Arizona,
Boutiques pour les touristes et pas que
Et dans les musées. Elles sont de la couleur et des matières
Agréables devant les yeux, dans les mains :
Bois, céramique, une en cuivre,
Quelque chose de solide et de vécu.
On se souvient que Jésus
Sans doute a travaillé
Avec son père artisan charpentier.
James Sacré, Des objets nous accompagnent (ou l’inverse),
PURH, 2025, p. 53-54.
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30/06/2025
James Sacré, Des objets nous accompagnent (ou l'inverse)
Quelque part en Galicie.
Le tour permet aux mains du potier
De monter une grande quantité de bols, les voilà mis
Dans presque tout l’espace de l’atelier, comme si
L’obscur z la terre nue
Fleurissait par-dessus le ciment.
Sur le haut d’un meuble chez moi
D’autres bols de fabrication marocaine :
Les regarder met du plaisir
Dans les mots silencieux.
James Sacré, Des objets nous accompagnent (ou l’inverse),
PURH, 2025, p. 21.
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29/06/2025
Laurent Fourcaut, Sacrée marchandise, hein ?
Aux Champs Élyséens
Sur les Champs Élysées de Marcel Proust
les marronniers endurent une foule
hétéroclite et veule il eût dit : oust !
l’enfant au cerceau dont perdu le moule
il narra la fin d’un monde qui croule
sous la poussée de barbares nouveaux
ont fait depuis longtemps rôtir le veau
d’or pour convertir tout en marchandise
tout jusques à vos rêves vous est vo
lé reste une uniforme bâtardise
Laurent Fourcaut, Sacrée marchandise, hein ?,
La Rumeur libre, 2025, p. 95.
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28/06/2025
Laurent Fourcaut, Sacrée marchandise, hein ?
Compte tenu des mots
Deux perdrix font un trou dans la poussière
du hangar s’y vautrant en un nid
la faune vous a de ces mœurs princières
dommage qu’on en ait été bannis
ce non pas suite d’un décret éni
gmatique mais du fait de la parole
vu qu’elle abstrait on n’est plus à la colle
avec le « monde muet » qu’il prisait
Ponge remonté contre le symbole
pas pour autant le gars qu’il se taisait
Laurent Fourcaut, Sacrée marchandise, hein ?
Le Merle moqueur, 2025, p. 54.
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27/06/2025
Laurent Fourcaut, Sacrée marchandise, hein ?
Hors de question d’aller sur fesse bouc
où se débonde libre un tombereau
d’accablantes niaiseries c’est un souk
nauséabond où se montrent les crocs
où s’exhibent les fesses des héros
du jour mais tenez-vous voici le pire
on se soumet de facto à l’empire
des sens prostitués : à la canto
nade on divulgue son minable dire
version abâtardie du bel canto
Laurent Fourcaut, Sacrée marchandise, hein ?
Le Merle moqueur, 2025, p. 34.
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26/06/2025
Laurent Fourcaut, Sacrée marchandise, hein ?
Rosebud
Regard de qui reconnaît son désir
après avoir troué les subterfuges
comme il s’embue qui voulait se durcir
tant qu’il n’avait remémoré sa luge
- s’arcbouter sur sa lésine vous gruge
serré dans son bouton la rose attend
que l’enclos de ses larmes se déten
de et les laisse s’écouler et les laisse
l’ouvrir elle la rose tant et tant
que la haine de soi plus ne la presse
Laurent Fourcaut, Sacrée marchandise, hein ?
Le Merle moqueur, 2025, p. 43.
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25/06/2025
Laurent Fourcaut, Sacrée marchandise, hein ?
La messe est dite
L’espère humaine occupe tout l’espace
urbain ses maisons ses rues tout rempli
à bloc elle est le seul grand rapace
flingués autres vivants jusqu’à l’oubli
mais voilà qu’à la fin elle faiblit
les animaux refoulés lui refilent
un truc à décimer les grandes villes
rongées jusqu’au trognon de passions viles
où ça pullule avec obscénité
l’a-t-on assez dédaignée la sibylle
que peut-elle dire sinon : ite
missa est ?
Laurent Fourcaut, Sacrée marchandise, hein ?
Le Merle moqueur, 2025, p. 47.
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23/06/2025
Tristan Corbière, Les Amours jaunes
Le crapaud
Un chant dans une nuit sans air…
La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.
… Un chant ; comme un écho, tout vif
Enterré, là, sous le massif…
— Ça se tait : Viens, c’est là, dans l’ombre…
— Un crapaud ! Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue… — Horreur !
… Il chante. — Horreur !! — Horreur pourquoi ?
Vois-tu pas son œil de lumière…
Non : il s’en va, froid, sous sa pierre…
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bonsoir — ce crapaud-là c’est moi.
Ce soir, 20 juillet.
Tristan Corbière, Les Amours jaunes, dans Charles Cros, Tristan Corbière, Œuvres complètes, Pléiade, Gallimard, 1970, p. 735.
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21/06/2025
Laura Tirandaz, J'étais dans la foule
Le cri dans une prairie quand on s’est perdu
Ce point à l’horizon quand les bêtes cessent leur repas
Ces draps qu’on repousse qu’on espère
Quelqu’un cherche mon prénom
et ne sait plus quelle lumière
sous quelle couture il m’a connue
Je n’ai rien gardé d’autre
que quelques terreurs
et le goût des portes qui fermaient mal
Mais toi
Ton corps se fait virgule
systole
marche
pierre
à lancer contre les murs
Tout n’est pas à l’usage des vivants
Laura Tirandaz, J’étais dans la foule,
Héros-Limite, 2025, p. 56.
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20/06/2025
Laura Tirandaz, J'étais dans la foule
Dans cette aube qui se refuse
se nouent de nouvelles présences
Un vêtement une trame une fuite en avant
J’étais encore là
témoin ou figurante
Je savais
ces lacs qu’on emporte avec soi
ces vieilles bâtisses
la douceur de tout ce qui tombe en ruine
et
tombant en ruine
s’invente un nouveau visage
Laura Tirandaz, J’étais dans la foule,
Héros-Limite, 2025, p.45.
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19/06/2025
Laura Tirandaz, J'étais dans la foule
Qu’un pauvre chemin
sans fruit sans ronce
sans brouillard qui affole
sans garçon en embuscade
Traverser
Un simple chemin
Il n’y avait pas de pierre
Rien à construire
Rien à détruire
Voilà
l’éclaircissement qu’apporte l’orage
Laura Tirandaz, J’étais dans la foule,
Héros-Limite, 2025, p. 42.
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