30/11/2025
Robert Desnos, Domaine public

Hommes
Hommes de sale caractère
Hommes de mes deux mains
Hommes du petit matin
La machine tourne aux ordres de Deibler
Et rouages après rouages dans le parfum des percolateurs qui suinte des portes des bars et le parfum des croissants chauds
L’homme qui tâte ses chaussettes durcies par la sueur de la veille et qui les remet
Et sa chemise durcie par la sueur de la veille
Et qui la remet
Et qui se dit le matin qu’il se débarbouillera le soir
Et le soir qu’il se débarbouillera le matin
Parce qu’il est trop fatigué
Et celui dont les paupières sont collées au réveil
Et celui qui souhaite une fièvre typhoïde
Pour enfin se reposer dans un beau lit blanc…
Et le passager émigrant qui mange des clous
Tandis qu’on jette à la mer sous son nez
Les appétissants reliefs de la table des premières classes
Et celui qui sort dans les gares du métro et que le chef de gare chasse jusqu’à la station suivante…
Hommes de sale caractère
Hommes de mes deux mains
Hommes du petit matin
Robert Desnos, Les sans cou, dans Domaine public,
Gallimard/Le Point du jour, 1953, p. 243.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Desnos, Robert | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert desnos, domaine public, caractère |
Facebook |
30/05/2016
August Strindberg, Le Fils de la servante
Premier amour
Si le caractère de l’homme se compose finalement du rôle qu’il choisit de jouer dans la comédie de la vie sociale, Johan fut […] celui qui manquait le plus de caractère ; cela veut dire qu’il était passablement sincère. Il cherchait, ne trouvait rien et ne pouvait s’arrêter à rien. Sa nature brutale, qui rejetait tous les harnais qu’on rentait de lui imposer, ne se pliait pas et son cerveau, qui était né rebelle, ne pouvait pas devenir automatique. Il était un miroir qui renvoyait tous les rayons qui le frappaient. Un ensemble de toutes sortes d’expériences, d’impressions diverses et bourré d’éléments contradictoires.
De la volonté, il en avait mais elle travaillait par à-coups et le faisait alors avec fanatisme ; en même temps, il ne voulait au fond pas grand-chose ; il était fataliste, croyait à la malchance ; il était optimiste et espérait tout. Dur comme la glace, à la maison, il était entre-temps sensible jusqu’à la sensiblerie ; il aurait pu entrer sous un porche et retirer sa veste pour la donner à un pauvre, il pourrait pleurer à la vue d’une injustice. Sa vie sexuelle, à laquelle il avait mis fin depis qu’il avait découvert le péché, se déchainait maintenant la nuit dans ses rêves qu’il attribuait au diable et contre lesquels il appelait Jésus en aide. Il était désormais piétiste ; sincère ? Aussi sincère que quelqu’un peut l’être en voulant se pénétrer d’une vision du monde périmée.
[…]
August Strindberg, Le Fils de la servante, dans Œuvres autobiographiques, I,éditon C. G. Bjurström, mercure de France, 1990, p. 162-163.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : august strinberg, le fils de la servante, premier amour, caractère, volonté |
Facebook |

