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21/12/2022

Jean Tardieu, Une Voix sans personne

jean tardieu, une voix sans personne,

Le monde immobile

 

Poètes de ténèbres

fontaine sourde

lac sans éclat

 

présence épaisse

battement faible

l’instant est là

 

rien ni personne

une ombre lourde

et qui se tait

 

j’attends des siècles

rien ne résonne

rien n’apparaît

 

sur ce tombeau

l’espace bouge

c’est ma pensée

 

pour nul regard

pour nulle oreille

la vérité.

 

Jean Tardieu, Une Voix sans personne,

Gallimard, 1954, p. 38-39.

08/10/2021

Philippe Jaccottet, Taches de soleil, ou d'ombre

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8 mai 1995

Le mot « élucubration » : « veille, travail qu’un ouvrage a coûté », « ouvrage composé à force de veilles et de travail » ; le mot souvent entendu comme synonyme de pensées plus ou moins laborieusement extravagantes. Il pourrait me servir de titre pour certain ensemble de textes, avec cette note : « Élucubrations : travaux accomplis à la lueur de la lampe, souvent entendus comme laborieux sinon extravagants ; quoi qu’il en soit, accomplis pendant les heures nocturnes, dans les ténèbres et contre les ténèbres ; dans ce cas-ci, avant qu’elles ne l’emportent définitivement, sans que l’on puisse mesurer qu’elle avance on garde encore sur elles. »

 

Philippe Jaccottet, Taches de soleil, ou d’ombre, le bruit du temps, 2013, p. 154.

13/09/2021

Baudelaire, Fusées

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L’amour, c’est le goût de la prostitution. Il n’est pas de plaisir noble qui ne puisse être ramené à la prostitution.

Dans un spectacle, dans un bal, chacun jouit de tout.

Les ténèbres vertes dans les soirs humides de la belle saison.

Les peuples adorent l’autorité.

La maigreur est plus nue, plus indé&cente que la graisse.

 

Baudelaire, Fusées, dans Œuvres complètes, Pléiade/Gallimard, 1961, p.1247, 1247, 1248, 1248, 1251.

11/08/2017

Emond Jabès, Le Soupçon Le Désert

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   Le livre de la prime enfance serait-il l’avant-livre dont nous mourrons ? Serait-il le livre de la mort que nous feuilletons tout au long de nos livres sans savoir jamais avec certitude s’il nous accompagne et s’il est « le livre qui est dans le livre » ?

   Ainsi, être nommé serait accepter, de la mort, un destin de vivant : serait pour qui reçoit un nom, s’élever des ténèbres vers le jour ; un jour, lui aussi, dans le jour, plus ancien que celui de notre naissance et dont nous saurons, par le biais fébrile d’une signature, marquer l’avènement. Rien ne se fait, cependant, qui n’ait été préparé dès longtemps avec minutie et comme en dehors de nous, ce qui laisserait supposer que ce « dehors » serait, peut-être, le tréfonds, car le corps écrit, comme le livre, est sans limites et, de surcroît, nous amènerait à penser que c’est bien l’écriture qui fait éclater les limites, qu’il n’y aurait point d’illimité vécu hors de l’écriture laquelle, ayant pouvoir incontesté de délimiter, simultanément assigne à ce qu’elle limite de nouvelles bornes, elles-mêmes, aussitôt, dépassées.

 

Edmond Jabès, Le Soupçon Le Désert, Gallimard, 1978, p. 93.

15/06/2017

James Joyce, Poèmes

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               Seul

 

Les mailles d’or gris de la lune

Toute la nuit tissent un voile,

Les fanaux dans le lac dormant

Traînent des vrilles de cytise.

 

Les roseaux malicieux murmurent

Aux ténèbres un nom — son nom —

Et toute on âme est délice,

Mon âme défaille de honte.

 

James Joyce, Poèmes, traduction Jacques

Borel, Gallimard, 1967, p. 109.