27/09/2014
Marie de Quatrebarbes, La vie moins une minute
I. Ça caille les belettes
Petit un
Bonjour barbe bleue comment vous dire ?
papa, maman, c'est papy Jeannot au téléphone
mais je pense qu'il pense à moi
Boule de suif est ta gueule et je l'emmène loin dans la mienne
grande gueule, hein !
Tu peux aller y boire, petite endive
étanche ta soif au goulot de la bourse ou la gueule
vous êtes pareil
c'est peine perdue
*
Bonjour barbe bleue comment vous dire ?
papa, maman, c'est papy Jeannot au téléphone
Il faut se couper les ongles, si on peut
il faut manger si on ne veut pas finir crevée
allongée en travers de la route
Peuh peuh peuh, dit la chinoise comme sourde
Tout t'excite
les bulles de savon
les rotules du pâtissier
les mains dans la glaise
une fois même, tu lèches le canapé
est-ce normal ?
o est le frisson ?
[...]
3. Sinon violette
Gratte-couille, pêche merle
violette sinon la perle
on ne va pas rester cinq minutes
comme ça perchée, musée du vin
petit musée, tourneur du vent
au revoir les magazines, frictions légères
printemps (été) où tu étais
dis-moi toujours, poussée violente
je vous connais sinon violette
dans le moussu, contrebandières
moisson girofle ça carabine
ou bien cliché petite chair
nuance givre : couleur papier
Marie de Quatrebarbes, La vie moins une minute,
Lanskine, 2014, p. 11, 12, 73.
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01/04/2012
Jules Renard, Journal, 1887-1910
La tombe : un trou où il ne passe plus rien.
Sans son amertume, la vie ne serait pas supportable.
Je ne me lie avec personne à cause de la certitude que j'ai que je devrai me brouiller avec tout le monde.
Famille. La recevoir du bout des lèvres, du bout des doigts et, enfin, du bout du pied.
Le paysan est peut-être la seule espèce d'homme qui n'aime pas la campagne et ne la regarde jamais.
La vie n'est pas si longue ! On n'a pas le temps d'oublier un mort.
Paris : de la boue, et toujours les mêmes choses. Les livres ont à peine changé de titres.
La vie est la mine d'où j'extrais la littérature qui me reste pour compte.
Il a perdu une jambe en 70 : il a gardé l'autre pour la prochaine guerre.
Dans l'ombre d'un homme glorieux, il y a toujours une femme qui souffre.
Les eaux vertes de la mémoire, où tout tombe. Et il faut remuer. Des choses remontent à la surface.
La sagesse du paysan, c'est de l'ignorance qui n'ose pas s'exprimer.
La vie est courte, mais l'ennui l'allonge. Aucune vie n'est assez courte pour que l'ennui n'y trouve pas sa place.
Résumer mes notes année par année pour montrer ce que j'étais. Dire : « J'aimais, je lisais ceci, je croyais cela. » Au fond, pas de progrès.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, texte établi par Léon Guichard et Gilbert Sigaux, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1965, p. 971, 979, 981, 991, 993, 1004, 1008, 1011, 1023, 1032, 1033, 1034, 1038, 1039.
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