03/12/2025
Anne Malaprade, épuiser le viol

Solution : renoncer, se cacher, trouver un placard, un coin, un espace retranché, se terrer, fermer les yeux pour ne plus entendre, se boucher les oreilles, ne plus percevoir. devenir animal, existence nyctalope. Tout ce qui dépasse du corps se replie. Nul bras, aucune jambe ne doit paraître. Violette devient boule, tête dans les muscles, dos dans le ventre sphérique. L’espace-cagibi recueille l’émotion-porc-épic. On y trouve des réserves de chaleur, d’obscurité, de lait, d’eau, un sol collant, des planches assez larges pour figurer une couche. Les foulards sentent le cuir, les tissus sont usagés, les talons abîmés. C’est un concentré d’odeur familiale.
Anne Malaprade, épuiser le viol, éditions isabelle sauvage, 2025, p. 31.
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02/12/2025
Anne Malaprade, épuiser le viol

Échapper à soi, fuir de soi, quitter son corps, déplacer le regard, le monde, le monde, résoudre un problème, lire Wittgenstein, Musil, Proust, les plus difficiles, suivre des cours de logique, donner de l’argent et pas simplement du temps, pas uniquement de l’écoute, sourire dans le vide, translater la vitre.
Entrer dans un tableau, caresser une sculpture, posséder un son, monter l’échelle qui mène aux livres, dormir dans l’atelier, jouer avec les coussins multiples, essayer tous les parfums de Louve, se laver les yeux, construire sans copier, expliquer sans recopier, concevoir un raisonnement, aller chercher les preuves dans une bibliothèque, repérer les pages, retenir les généalogies grecques, placer les îles sur une carte vierge de toute mémoire.
Anne Malaprade, épuiser le viol, éditons isabelle sauvage, 2025, p. 79.
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07/09/2018
Anne Malaprade, notre corps qui êtes en mots

Blonde. Il y a le miel et la confiture, l’acacia et les mûres, les mirabelles et les framboises, le théâtre et le cinéma, l’ordre de l’esprit et celui du cœur, géométries et finesses conjointes. Les pépins frottent et grattent : cachés, semés, recouverts, les noyaux déclinant renaissance. Je dors encore contre toi, mère-sœur, comme les premiers jours dans ce berceau transparent. L’une coule, l’autre pique. Je donne ma main, tu la retires. Mon père est ce héros lointain avec lequel se joue une première séduction. Voitures, ballons, coiffures, vernis. Tout ce qui entoure, cache, aimante. Je pense aux morts de la Méditerranée. Je pleure avec les enfants qui jouent sur les ordures. Celui qui a le bras cassé parle déjà de vengeance armée.
Anne Malaprade, notre corps qui êtes en mots, isabelle sauvage, 2016, p. 51.
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01/06/2018
Anne Malaprade, parole, personne

Corps publié
« une ancienne et très vague mais jalouse pratique »
touts et toutes reconnaissent, les faunes
à travers le feuillage lisent
et déchirent, ils se nourrissent de ce que
les mots progressent sous la peau
ce cauchemar au cours duquel les fourmis nageaient sur
l’expression sanguine
je consens à coagulation ne donne âme sans corps
tous et toutes évoquent les oiseaux, la glace sur feu
une musique russe module le temps des cerises et je suis
moqueuse
merle noir court sur tes lignes
un corps en soie dont l’odeur entête nos vêtements
les élèves coulent l’ennui fleuve j’y jette ce que le rose doit à la rose
tous les mots pour un corps
tous et toutes jouent leur travail de malice
ma lecture sans aucun doute incapable puis coupable
Anne Malaprade, parole, personne, isabelle sauvage, 2018, p. 83.
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