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08/12/2025

Ossip Mandelstam, Poésies complètes

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Pour la gloire grondante des siècles futurs,

pour l’éminente tribu des hommes

je perds le droit de boire au festin des  pères,

ainsi que l’allégresse et l’honneur.

 

Le siècle chien-loup m’a bondi sur l’épaule,   

mais je n’ai de sang de loup ; fourrez-moi  

ainsi qu’une chapka, dans la manche  

d’une pelisse pour steppe sibérienne. 

 

Que je ne voie ni froussard ni boue morbide,

ni ossements sanglants dans la roue,

et que pour moi dans la nuit les renards bleus

luisent de leur beauté primitive.

 

Mène-moi de nuit où l’Ienisséï coule,

là où le pin touche jusqu’aux étoiles,

parce que loup par le sang je ne suis pas

et que seul me tuera mon semblable.

                                                          17-18 mars 1931

Ossip Mandelstam, Œuvres poétiques, traduction Jean-Claude Schneider, Le Bruit du temps/La Dogana, 2018, p. 364.

 

 

 

 

 

 

 

17/11/2022

Jacques Roubaud, Autobiographie, chapitre dix

             

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                     La mémoire

 

ma mémoire se brouille souvent,

la neige incessante des sensations recouvre de son grand

silence blanc les pistes plus anciennes.

Avec quelle bêche creuserai-je ce manteau pour découvrir

sans les effacer les traces du renard de la jeunesse ?

Alors, je pisse dedans.

 

Jacques Roubaud, Autobiographie, chapitre dix, Gallimard, 1977,

p. 114.

 

16/02/2020

Eugène Savitzkaya, Au pays des poules aux œufs d'or

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   L’une était renarde et l’autre était héron sans avoir jamais choisi le poste qu’ils occupaient dans les classifications établies depuis belle lurette par des hommes en bésicles apparentés aux universités du monde. L’une pratiquait l’anglais avec facilité et le russe avec plaisir. L’autre ne connaissait qu’une seule langue dont il usait avec modération. Les deux vénéraient le soleil et la lune, son déflecteur de roche usée. Il portait les nuages et elle traînait les nuées.

   Comment s’étaient-ils acoquinés ? Le glapissement d’une renarde n’attire pas d’ordinaire les hérons errants. Le claquement d’un bec long et fin d’un héron n’émoustille pas plus que ça une renarde.

   Mais les temps varient et les cœurs changent comme varient les cieux et changent les formes des nuages.

 

Eugène Savitzkaya, Au pays des poules aux œufs d’or, Les éditions de minuit, 2020, p. 75.

06/08/2017

René Char, Les voisinages de Van Gogh

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Demi-jour en Creuse

 

Un couple de renards bouleversait la neige,

Piétinant l’orée du terrier nuptial ;

Au soir le dur amour révèle à leurs parages

La soif cuisante en miettes de sang.

 

René Char, Les voisinages de Van Gogh, Gallimard, 1985, p. 20.