25/05/2022
Liliane Giraudon, Le travail de la viande
(...) j’ai eu envie de marcher
dans de l’herbe
et je me suis demandé pourquoi
il devient si difficile
de tout simplement marcher
dans de l’herbe
russe ou française
la soviétique n’existant plus
puisqu’il n’y a plus
d’Union soviétique
il n’y a plus d’herbe soviétique
mais Poutine est devenu
l’allié de Bachar el-Assad
ensemble ils bombardent
et affament la Syrie
là-bas comme ailleurs
ici bientôt peut-être
les grandes puissances ont délivré
au régime une licence pour tuer
il y a peut-être un lien
entre déni de crime
et déni de révolution
Liliane Giraudon, Le travail de la viande,
P. O. L, 2019, p. 78-79.
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12/12/2019
Victor Hugo, Tas de pierres
La misère chargée d’une idée est le plus redoutable des engins révolutionnaires.
— Pourquoi ces terreurs du drapeau rouge ?
— Le drapeau rouge signifie feu et sang.
— Soit ; mais le sang dans les veines, et le feu dans le foyer.
Révolution, mais civilisation.
L’une et l’autre, l’une par l’autre, l’une dans l’autre.
Savoir, c’est pouvoir.
Victor Hugo, Tas de pierres, dans Œuvres politiques complètes, œuvres diverses, Jean-Jacques Pauvert, 1964, p. 856.
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24/08/2017
Robert Desnos, Deuil pour deuil
Écoutez ! des tambours et des cris, le roulement funeste d’une puissante auto présagent la Révolution prochaine. Des hommes seront guillotinés, les drapeaux s’envoleront comme des cigognes mais d’inguillotinables femmes décevront, laisseront songeurs au haut des estrades sanglantes les sympathiques, les pensifs bourreaux.
Robert Desnos, Deuil pour deuil, dans La liberté ou l’amour !, L’imaginaire/Gallimard, 1962, p. 131.
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28/05/2017
Boris Pasternak, L'an 1905
L’an 1905
Dans notre prose pleine de laideur
Dès octobre, l’hiver se glisse.
Le rideau du ciel de ses franges
Vient frôler la terre.
Prémices de neige, confuse encore,
Encore subtile, troublante comme un message,
Dans la nouveauté céleste de ce jour
Révolution, tu es là tout entière.
Jeanne d’Arc des bagnes de Sibérie,
Captive et chef, tu es de celles
Qui se jetaient dans le puits de la vie
Trop ardentes pour mesurer leur élan.
Socialiste du crépuscule tu faisais jaillir la lumière
En battant des monceaux de briquets
Tu sanglotais, et ton regard de basilic
Nous illuminait et nous glaçait à la fois.
Absorbée par le grondement des champs de tir
Qui là-bas, au loin, s’éveillaient
Tu faisais vaciller les feux dans la solitude
Comme si la rue tournoyait autour de ta main.
Et dans l’égarement des flocons noceurs
Toujours le même geste fier de refus
Tel un artiste rongé par le doute
Tu t’écartes des triomphes.
Tel un poète, la pensée consumée,
Tu marches pour oublier.
Tu ne fuis pas seulement les gros écus
Mais tout le mesquin te répugne aussi.
Boris Pasternak, L’an 1905, Debresse, traduction
Benjamin Goriely, 1958, p. 27-28.
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04/09/2016
Jacques prévert, Choses et autres
Les prisons trouvent toujours des gardiens.
*
La révolution est quelquefois un rêve, la religion, toujours un cauchemar.`
Jacques Prévert, Choses et autres, Gallimard, 1972, p. 110.
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01/01/2016
André Frénaud, Nul ne s’égare, précédé de Hæres
Petite révolutionnaire
Les yeux ardents
provoquant le soleil
qu’elle aimerait mieux caresser,
et la faille mince marquée
sous les embarras du mépris
pour l’homme qui n’est pas grand :
Révolutionnaire
O mon amant,
homme de demain
et peut-être de jamais,
ô front de gloire inexistant,
mon absurde frénésie.
La hache qui cheminait se déploie.
— Je porterai des hardes.
Je chanterai dans les cours avec ma voix.
J’irai sur la grand-route s’il le faut.
Rien ni personne
qui me guérira.
André Frénaud, Nul ne s’égare, précédé de
Hæres, Poésie :Gallimard, 2005, p. 266-267.
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03/08/2014
Max Ernst, Écritures
Réponse à une enquête de Commune, 1935
Pour Max Ernst, art et poésie ne font qu’un. Il assimile la recherche poétique au travail sous-marin du scaphandrier. L’océan doit être sondé autour de ces pics dont le jaillissement signale un monde englouti. De tout ce qu’il aura amené à la surface, le plongeur retiendra les éléments qui lui semblent « trouvailles ». Il rejettera le reste, sans se soucier des chances d’erreur que comporte une telle sélection :
… Ce n’est pas une Atlantide morte que ce monde submergé, précise Max Ernst. Il est fleuri de volcans qui, pour ne pas atteindre le niveau de la conscience, n’en agissent pas moins sur cette conscience, donc sur toute vie individuelle ou collective. Le surréalisme est né en plein déluge dada, quand l’arche eut buté contre un pic. Les navigateurs n’avaient pas la moindre envie de réparer leur bateau, de s’installer dans l’île. Ils ont préféré piquer une tête. Grâce à l’écriture automatique, aux collages, aux frottages et à tous les procédés qui favorisent l’automatisme et la connaissance irrationnelle, ils ont touché le fond de cet invisible et merveilleux univers, « le subconscient », à décrire dans toute sa réalité.
Avant sa plongée, nul scaphandrier ne sait ce qu’il va rapporter. Ainsi, le peintre n’a pas le choix de son sujet. S’en imposer un, fût-il le plus subversif, le plus exaltant et le traiter d’une manière académique, ce sera contribuer à une œuvre de faible portée révolutionnaire. De même celui qui prétend fixer sur une toile les rêves de ses nuits n’accomplira pas une autre besogne que l’artiste acharné à copier trois pommes, sans se soucier de rien d’autre que de la ressemblance. Le contenu idéologique — manifeste ou latent — ne saurait dépendre de la volonté consciente du peintre. Le devenir de l’auteur et de l’œuvre sont indéniablement, indissolublement liés. Sinon, il y a tricherie.
La psychologie concrète a démontré que le subconscient individuel se trouve englobé dans le subconscient collectif. La question de la propriété artistique s’est donc modifiée. La vanité du créateur apparaît dans tout son ridicule éclat. L’exhibitionnisme même perd de sa valeur documentaire. Justice est faite de tant d’autres notions dont l’ensemble constituait le mythe artistique. Les méthodes d’exploration consciente sont à la portée de tous et l’idolâtrie du talent n’est pas moins risible que les autres.
Max Ernst, Écritures, Gallimard, collection Le Point du Jour, 1970, p. 401-402.
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12/06/2014
Bernard Noël, "Qu'est-ce qu'écrire", dans La Place de l'autre, Œuvres III
Écrire aujourd'hui
[...]
L'écriture de recherche [....] ne travaille pas à l'écart d'ici et d'aujourd'hui, pas à l'écart de l'état social dans lequel nous vivons. Au lieu de le contester par le témoignage ou la description, elle l'attaque au niveau de la langue. C'est ce qu'il m'importe maintenant d'essayer d'éclairer.
Une collectivité existe en fonction de la relation qui unit ses membres. Cette relation a deux supports : le lieu et la langue. Traditionnellement, cette langue a pour référence l'ordre qui gère la collectivité, c'est-à-dire l'État. De même que l'État met en circulation la monnaie qui règle es échanges, de même il fait circuler un discours qui, si je puis dire, est l'étalon de la communication par le langage. Cela est encore plus vrai dans les sociétés démocratiques et laïques, nées de la révolution. Symboliquement, d'ailleurs, l'Encyclopédie précède la grande Révolution, car elle est le livre qui, en donnant réponse à tout, donne congé à Dieu. Seulement qu'est-ce qui se passe ? qu'est-ce qui va toujours s'accélérant dans nos sociétés libérales ? C'est que le discours du pouvoir, non seulement est de plus en plus vide, mais par là même vide le discours collectif de son sens. Alors que la censure nous prive de parole, ce phénomène nous prive de sens, et cette nouvelle Sensure équivaut à un très discret et d'autant plus efficace lavage de cerveau.
L'écriture de recherche s'inscrit contre cette dégradation, d'où l'importance dans son travail du mot "langue", d'où la grande place du souci "linguistique". Évidemment un danger formaliste guette ce travail au niveau de la théorisation, mais ce qui le guette surtout, c'est la récupération sous forme de savoir. On peut s'approprier le savoir, on ne peut pas s'approprier le sens, car il nous conduit vers une limité où lui ne s'arrête pas.
Bernard Noël, "Qu'est-ce qu'écrire", dans La Place de l'autre, Œuvres III, P. O. L, 2014, p. 225.
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05/06/2014
Raymond Queneau, Courir les rues
Traduit du latin
Il avaitdu bois de chêne et trois lames de bronze autour du cœur
celui qui le premier osa mettre un pied devant l'autre
traverser la chaussée de l'avenue de l'Opéra vers six heures
affrontant les milliers de ouatures se frottant mutuellement le râble
et se glissant entre rostres d'acier et leurs abdomens de métal
pour aller d'un trottoir relativement abrité vers un jumeau incertain
cependant que le tonnerre des impatients retentit jusqu'aux étages
[supérieurs
emportant avec lui les fumées tétraplombées des pots expectorateurs
il avait du bois de chêne et trois lames, autour du cœur, de bronze
celui qui le premier osa traverser une rue sur le coup de dix-huit
[heures onze
Une révolution culturelle
Les restaurants chinois se multiplient
d'une croissance exponentielle
pas de doute le péril
jaune en gastronomie
le tigre de papier et le nid d'hirondelle
détrônent le steak sur le gril
Encore le péril jaune
Dans le bus des touri-
tes chi-
nois ri-
ent avec autant de vulgari-
té
que des Français
Raymond Queneau, Courir les rues, Gallimard, 1967, p. 179, 137, 142.
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09/05/2014
Pier Paolo Pasolini, La Rage
Heureuse coïncidence de l'édition : la traduction de La Rabbia suit la publication de Sentir le grisou(1), de Georges Didi-Huberman, où l'on peut lire (p. 34-94) une analyse du film replacé dans l'œuvre de Pasolini. On pourra ainsi avec cette traduction précise mieux apprécier les enjeux du "cinéma de poésie" tel qu'il a été pensé et construit par le poète. Le texte de La Rabbia est en effet d'abord celui du film sorti en avril 1963 en Italie. L'été 1962, un producteur, Gastone Ferranti, a proposé à Pasolini de réaliser un montage documentaire à partir des archives d'un ciné-journal, "Mondo libero" ; le réalisateur a travaillé dès l'automne, visionnant 90000 mètres de pellicule, ajoutant des images filmées tirées des archives Italia-Urss et des photographies. Son but était d'utiliser ces images des années cinquante et de montrer ce qu'est l'idéologie de la normalité ; il y était parvenu puisque le producteur, comprenant parfaitement ce qui avait été fait, demanda à Giovannino Guareschi (l'auteur des Don Camillo) de proposer parallèlement un autre montage.
La préface de Roberto Chiesi (qui a dirigé un volume d'études sur le film) éclaire les circonstances de la création du film, les traducteurs ont ajouté des notes à propos des événements évoqués et, outre des passages non repris dans le film, ont publié un texte, Traitement, qui précise les intentions du cinéaste. Un constat : après la Seconde Guerre mondiale et le retour à la paix, « L'homme tend à s'assoupir dans sa propre normalité, il oublie de réfléchir sur soi » (15) ; il s'agit donc de créer un état d'urgence, de faire apparaître que la normalité dissimule la réalité de ce qui est autour de soi — « La normalité, ou notre catastrophe insue » (Sentir le grisou, p. 35). C'est là, pour Pasolini, la tâche des poètes, « ces champions de la rage intellectuelle » (15). Il s'est expliqué ailleurs sur « la rage du poète » (16), distinguant le révolutionnaire de l'enragé, distinction analysée par Didi-Huberman : « le révolutionnaire a pour but de substituer au système existant un autre système dont l'enragé a toutes les raisons de craindre qu'il restaurera ce que Pasolini nomme alors le "moralisme" et le "conventionnalisme" (...) de tout système établi. » (Sentir le grisou, p. 75)
Le montage des images repose ainsi sur une mise en cause de la notion de normalité, mise en cause fondée sur le refus de l'exploitation de l'homme par l'homme, de la société divisée en maîtres et en esclaves : « De cette division naissent la tragédie et la mort. » (19) Le point de départ du travail est sans ambiguïté, Pasolini démonte et remonte les images d'actualités en suivant « [s]es raisons politiques et [s]son sentiment poétique » (23), politique et poésie indissociables. C'est pourquoi les textes qui accompagnent les images sont essentiels dans la stratégie du cinéaste, ils mettent en évidence que les images peuvent être regardées de différentes manières ; à la voix officielle, qui correspond à la voix du pouvoir, s'opposent une voix pour la prose et, la plus importante quantitativement, une voix pour la poésie, toutes deux critiques.
Les séquences portent sur des sujets variés, le retour des prisonniers et les camps de concentration, la naissance de l'Europe, la guerre de Corée, les manifestations anticommunistes au moment de l'invasion soviétique de la Hongrie, la libération de la Tunisie, du Togo, l'emploi de la bombe atomique... ; elles sont nombreuses à propos de la libération de Cuba et de la lutte pour l'indépendance en Algérie. Il s'agit toujours de fustiger la violence de la classe dominante, de proposer un message d'espoir contre cette domination ; par exemple à propos du racisme des colonialistes : « Gens de couleur, c'est en étant dans l'histoire / que l'homme n'a pas de couleur, 63 » et, avec une force propre à la poésie : « L'unique couleur de l'homme / est dans la joie de se confronter à sa propre obscurité, 56 ». Pour chaque séquence, la prose ou le poème défont le caractère "normal" de l'information ; ainsi, au moment de la naissance de la télévision (« une nouvelle arme a été inventée pour la diffusion de l'insincérité, du mensonge, du mauvais latin ! », 45), ou à propos de l'uniformisation des esprits dans la démocratie américaine (« La joie de l'Américain qui se sent identique à un autre million d'Américains dans l'amour et la démocratie : voilà la maladie du monde futur ! », 70).
Les séquences apparaissent selon un ordre précis analysé dans Sentir le grisou : indiquons seulement que les deux premiers vers du livre, refrain dans la séquence 1, posent d'emblée la question de la mémoire (« Le temps fut une lente victoire / qui vainquit les vainqueurs comme les vaincus » (25), et quant aux derniers vers, dans la bouche du cosmonaute Guerman Titov, ils indiquent une voie possible (« la Révolution veut une seule guerre, / celle dans les esprits / qui abandonnent au passé / les vieux sanglants chemins de la terre. » (111) — on sait qu'ensuite avec sa « mélancolie historique », selon l'expression d'Alain Badiou(2), Pasolini approfondira sa réflexion poétique sur l'Histoire. Ici, il affirme clairement à plusieurs reprises que la poésie ne peut en aucun cas être étrangère à ce qui se passe dans le monde. Les industriels, écrit-il, « deviennent poètes, à condition que la poésie n'ait pas de contenu » (67) : doit triompher la forme, c'est pourquoi « Le poète servile s'anéantit, rendant vains les problèmes et réduisant tout à la forme » (18). La forme au service du contenu explique les choix de Pasolini ; si une forme est jugée efficace, elle est reprise, comme par exemple celle adoptée par Éluard dans "Liberté" devient (1ère strophe, 94) :
Sur mes haillons souillés
sur ma nudité squelettique
sur ma mère gitane
sur mon père berger
j'écris ton nom.
Les questions que soulève pour nous La Rage concernent toujours la question de l'Histoire et la possibilité pour la poésie de penser le temps présent, sans imaginer une fin qui arriverait « quand l'industrie aura rendu inarrêtable le cycle de la production et de la consommation » (70).
______________________
1. Georges Didi-Huberman, Sentir le grisou, Les Éditions de Minuit, 2014, 112 p.
2. Alain Badiou, "La lecture dialectique du poème", dans Europe, n° 947, mars 2008, "Pasolini", p. 41. Le numéro présente un ensemble passionnant sur l'œuvre de Pasolini.
Pier Paolo Pasolini, La Rage, traduit par Patrizia Atzei et Benoît Casas, préface de Roberto Chiesi, éditions NOUS, 2014, 128 p., 16 €.
Sitaudis a publié cette recension le 8 mai 2014.
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26/07/2011
Henri Kréa, La Révolution et la poésie sont une seule et même chose
Morale de l’histoire
L’heure brisée par le gel de la patience
Une attente mortelle
Les larmes prises par la fatigue
Trop voir ceux que je hais
Pour ma peine victorieuse
Avec toujours au bout la lassitude
Le poing serré
Comme un parjure somnambule
Qui s’égare aux bouches des métros
Je calcule un mal qui se fait centenaire
À quoi rime la vie
Conçue à partir du malheur
À quoi rime ce présent
Où l’assassinat est de règle
J’avoue ma honte d’être vivant
J’oublie ceux qui m’aiment
Ceux qui ne m’aiment plus
Je reste sur l’espace qui nous est coutumier
Je peste contre l’histoire
Et je demeure contemporain
Des caprices des saisons
Des mœurs des intrigues
J’avoue je suis perméable
À tout ce qui tressaille sur ce globe
Et parfois je songe
Qu’il faudrait changer de vie
Changer de mort
Rester de marbre face aux événements
Oui tout ça existe c’est horrible
Mais mon peuple est solide comme un immense plan d’eau
Il me montre le droit chemin
Je lui sais gré de sa bonté
Je le regarde comme un être infini
Qui me tient lieu de père
Moi qui fus orphelin avant que de naître
Dans ma cité infirme
Je sais l’aube est lucide
Mortelle impatience
Le peu de prix D’un seul sourire
La même fin
Le même recommencement
La même angoisse
De te perdre à jamais
Toi
Insaisissable trop belle
Qu’une lèvre remémore
Henri Kréa, La Révolution et la poésie sont une seule et même chose, Pierre Jean Oswald, 1957, non paginé.
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