06/04/2023
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière
Le tout, le rien
C’est la dernière neige de la saison,
La neige de printemps, la plus habile
À recoudre les déchirures du bois mort
Avant qu’on ne l’emporte puis le brûle.
C’est la première neige de ta vie
Puisque, hier, ce n’étaient encore que des taches
De couleur, plaisirs brefs, craintes, chagrins
Inconsistants, faute de la parole.
Et je vois que la joie prend sur la peur
Dans les yeux que dessille la surprise
Une avance, d’un grand bond clair : ce cri, ce rire
Que j’aime, et que je trouve méditable.
Car nous sommes bien proches, et l’enfant
Est le progéniteur, de qui l’a pris
Un matin dans ses mains d’adulte et soulevé
Dans le consentement de la lumière.
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière,
Poésie/Gallimard, 1991 [1987], p. 139.
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14/12/2019
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière
La neige
Elle est venue de plus loin que les routes,
Elle a touchz le pré, l’ocre des fleurs,
De notre main qui était en fumée,
Elle a vaincu le temps apr le silence.
Davantage de lumière ce soir
À cause de la neige.
On dirait que des feuilles brûlent, devant la porte,
Et il y a de l’eau dans le bois qu’on rentre.
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière, Poésie/Gallimard,
2007, p. 67.
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03/07/2016
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière
En hommage à Yves Bonnefoy, 1923-1er juillet 2016
L'agitation du rêve
I
Dans ce rêve le fleuve encore : c'est l'amont,
Une eau serrée, violente, où des troncs d'arbres
S'entrechoquent, dévient ; de toute part
Des rivages stériles m'environnent,
De grands oiseaux m'assaillent, avec un cri
De douleur et d'étonnement, — mais moi, j'avance
À la proue d'une barque, dans une aube.
J'y ai amoncelé des branches, me dit-on,
En tourbillons s'élève la fumée,
Puis le feu prend, d'un coup, deux colonnes torses,
Ont un porche de foudre. Je suis heureux
De ce ciel qui crépite, j'aime l'odeur
De la sève qui brûle dans la brume.
Et plus tard je remue des cendres, dans un âtre
De la maison où je viens chaque nuit,
Mais c'est déjà du blé, comme si l'âme
Des choses consumées, à leur dernier souffle,
Se détachait de l'épi de matière
Pour se faire le grain d'un nouvel espoir.
Je prends à pleines mains cette masse sombre
Mais ce sont des étoiles, je déplie
Les draps de ce silence, mais découvre
Très lointain, très proche la forme nue
De deux êtres qui dorment, dans la lumière
Compassionnée de l'aube, qui hésite
À effleurer du doigt leurs paupières closes
Et fait que ce grenier, cette charpente,
Cette odeur du blé d'autrefois, qui se dissipe
C'est encore leur lieu, et leur bonheur.
[...]
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière, Poésie / Gallimard, 1995 (1987), p. 85-86.
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03/02/2013
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière
L'agitation du rêve
I
Dans ce rêve le fleuve encore : c'est l'amont,
Une eau serrée, violente, où des troncs d'arbres
S'entrechoquent, dévient ; de toute part
Des rivages stériles m'environnent,
De grands oiseaux m'assaillent, avec un cri
De douleur et d'étonnement, — mais moi, j'avance
À la proue d'une barque, dans une aube.
J'y ai amoncelé des branches, me dit-on,
En tourbillons s'élève la fumée,
Puis le feu prend, d'un coup, deux colonnes torses,
ont un porche de foudre. Je suis heureux
De ce ciel qui crépite, j'aime l'odeur
De la sève qui brûle dans la brume.
Et plus tard je remue des cendres, dans un âtre
De la maison où je viens chaque nuit,
Mais c'est déjà du blé, comme si l'âme
Des choses consumées, à leur dernier souffle,
Se détachait de l'épi de matière
Pour se faire le grain d'un nouvel espoir.
Je prends à pleines mains cette masse sombre
Mais ce sont des étoiles, je déplie
Les draps de ce silence, mais découvre
Très lointain, très proche la forme nue
De deux êtres qui dorment, dans la lumière
Compassionnée de l'aube, qui hésite
À effleurer du doigt leurs paupières closes
Et fait que ce grenier, cette charpente,
Cette odeur du blé d'autrefois, qui se dissipe
C'est encore leur lieu, et leur bonheur.
[...]
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière, Poésie / Gallimard
1995 (1987), p. 85-86.
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