29/04/2023
Marina Tsvétaïéva, Le ciel brûle
Tu m’aimas dans la fausseté
Du vrai — dans le droit du mensonge,
Tu m’aimas — plus loin — c’eût été
Nulle part ! Au-delà ! Hors songe !
Tu m’aimas longtemps et bien plus
Que le temps — la main haut-jetée ! —
Désormais :
-
-
-
-
-
- Tu ne m’aimes plus —
-
-
-
-
C’est en cinq mots la vérité.
(12 décembre1921)
Marina Tsvétaïéva, Le ciel brûle, traduction
P. Léon et E. Malleret, Poésie/Gallimard,
1999, p. 119.
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27/04/2023
Marina Tsvétaïéva, Tentative de jalousie
Tentative de jalousie
Comment ça va la vie avec une autre,
Plus simple, n’est-ce pas ? — Rames, claquez ! —
S’est-il vite, le profil de la côte,
Le souvenir s’est-il vite masqué,
De moi, de moi, île désamarrée ?
(Voguant de par le ciel, non sur les flots !)
Âmes ! Jamais amantes ne serez !
Sœurs vous serez ! Sœurs : vous ! C’est votre lot !
Comment ça va la vie près d’une femme
Simple ? C’est comment sans divinités ?
Votre souveraine, prince profane,
Détronâtes (ledit trône quitté),
Comment ça va la vie, les froissis d’ailes,
Les tracas ? Le lever, comment se passe ?
Pauvre créditaire de l’immortelle
Médiocrité, comment faites-vous face ?
« Tressauts et syncopes, stop ! Je suis quitte !
Un toit me louerai ! Suffit, le déluge ! »
Comment ça va avec n’importe qui,
Dites, comment, quand on est mon élu ?
Pour sûr plus comestible, domestique,
La table ? Qu’on s’en lasse, la faute à qui ?
Comment ça va la vie près d’un pastiche
Pour vous qui trahîtes le Sinaï ?
Marina Tsvétaïéva, Tentative de jalousie, traduction
E. Malleret, La Découverte, 1986, p.91.
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26/04/2023
Marina Tsvétaïéva, Le ciel brûle
Les nuits sans celui qu’on aime— et les nuits
Avec celui qu’on n’ aime pas, et les grandes étoiles
Au-dessus de la la tête en feu et les mains
Qui se tendent vers Celui
Qui n’est pas — qui ne sera jamais,
Qui ne peut être — et celui qui le doit…
Et l’enfant qui pleure le héros
Et le héros qui pleure l’enfant,
Et les grandes montagnes de pierre
Qur la poitrine de celui qui doit — en bas…
Je sais tout ce qui fut, tout ce qui sera,
Je connais ce mystère sourd-muet
Que dans la langue menteuse et noire
Des humains — on appelle la vie.
(1917 ?)
Marina Tsvétaïéva, Le ciel brûle, traduction P. Léon et E. Malleret, Poésie/Gallimard,1999, p. 79.
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25/04/2023
Johannes Bobrowski, Boehlendorff et quelques autres
À propos de poésies posthumes
Comme dans les monts d’Alk
Lorsqu’y court, aussi leste,
La bergère, qu’en plaine,
Et du roc fait son lit,
Mais dont le pied déli-
Cat, pour mille baisers,
Ne veut plus avancer,
Quand moi, pour l’approcher,
Je saute les rochers,
Tant l’amour a des ailes,
Nonobstant les cailloux
Courant au-devant d’elle
Je tombe à deux genoux
Et aperçois en haut
Ma vie et mon tombeau.
Johannes Bobrowski, Boehlendorff
et quelques autres, traduction
Jean-Claude Schneider, La Dogana,
1993, p. 61.
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24/04/2023
Johannes Bobrowski, Terre sarmate
Poème d’amour
Lune, éponge d’huile, lanterne
lune — ou une plante des champs,
lune, disparais,
melon d’eau ou verte, biscornue
courge, je veux
par moi-même éclairer, seul,
mon amie, je veux
m’éteindre plus haut que toi,
rien que d’une hauteur
d’herbe — dans un arbre
surplombant la rivière,
lorsque viendra, humide,
le matin, je serai là, couché,
respirant encore.
Et je t’interroge,
toi qui étais couchée près de moi,
au sujet d’une lune
hier : quand a-t-elle disparu . toi,
sans répondre, la lueur
qui vibre depuis ta voix
effleure le nuage.
Hier —
j’ai disparu —
aujourd’hui —
je t’ai entendue —
et je continue de respirer.
Johannes Bobrowski, Terre sarmate,
traduction Jean-Claude Schneider,
Atelier La Feugraie, 2005, p. 29.
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23/04/2023
Johannes Bobrowski, Terre d'ombres fleuves
Cris de l’hiver
Corneilles, corneilles,
vert de la glace, corneilles
au-dessus du fleuve. Hallier
figé, qui fuit sur la rive
vers l’amont.
Neige, elle ne retombe pas en poudre,
quand la frôle ton aile,
oiseau, oiseau de buisson, mais
un peu de sang,
ton cœur
pris dans la glace, ton cri
trace de fumée sur
le banc de sable,
où avaient lieu d’inlassables
étreintes, toujours
vivait le fleuve.
Johannes Bobrowski, Terre d’ombres fleuves,
traduction Jean-Claude Schneider,
Atelier La Feugraie, 2005, p. 43.
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17/04/2023
Johannes Bobrowski, Ce qui vit encore
Et voici que
Et voici que
nous avons les deux mains pleines de lumière —
les strophes de la nuit, les eaux
agitées heurtent de nouveau
la rive, le soleil âpre, sans regard,
des bêtes dans les roseaux
après l’étreinte — puis
nous voilà debout contre la pente
ders, contre le ciel
blanc, qui vient
par-dessus la montagne,
froid, cascade splendeur,
et demeure figé, glace
qui descendait des étoiles.
Sur ta tempe
je veux vivre cette petite
saison, oublieux, sans bruit,
laisser errer
mn sang à travers ton cœur.
Johannes Bobrowski, Ce qui vit encore,
L’Alphée,1087, p.73.
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15/04/2023
Benoît Casas, Combine
571
Nous
partageons
le monde
à nous deux
d’une manière
bizarre
peut-être est-ce
nous-mêmes
que nous
partageons
en deux.
580
Seuls
nous ne
sommes pas
nous ne sommes
jamais
sinon
vertige
et vide.
598
Alors
nous en
étions là
et que fallait-il
faire
continuer
bien sûr
continuer
alors j’ai
continué.
604
Maintenant
il faut
ne plus
être seuls
ne plus
attendre
ne plus
avoir peur.
Benoît Casas, Combine,
NOUS, 2023, np.
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14/04/2023
Benoît Casas, Combine
81
Vous êtes
l’objet
de la lecture
de l’autre
chacun lit
en l’autre
son histoire
non écrite.
92
S’il ne
Lisait
pas
il ne voyait
pas
le jour
dans le
jour.
96
Concerné
j’accepte
le temps
comme
j’accepte
les nuages.
98
Elle
m’a fait
découvrir
de quoi
il était
question
dans ma vie
dans
mon livre.
Benoît Casas, Combine,
NOUS, 2023, np.
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13/04/2023
Benoît Casas, Combine
47
Sous le
grand soleil
fermentent
les hommes
les femmes
les passions
les siècles.
60
Elle prépare
le feu
de l’ombre
où je resterai
visible.
63
Comment
déterminer
le moment
précis
où commence
une histoire ?
542
Ce n’était
qu’une question
de temps
mais le temps
ne nous a
pas bien
traités
quelque chose
s’est mal
passé.
Benoît Casas, Combine,
Nous, 2923, np.
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12/04/2023
Benoît Casas, Combine
16
La poésie
est expérience
qui subtilise
est apparence
qui varie
la poésie
est l’une des
expansions
de la vie.
19
Ce
travail
mettre
des mots
ensemble.
25
La poésie
crée
un rapport
de un
à un `
entre
le lecteur
et l’auteur.
42
Les poèmes
à chaque prise
à chaque
frappe
dispensent
le temps
et le monde
en surfaces.
Benoît Casas, Combine, NOUS, 2023, np.
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11/04/2023
Gustave Roud, Le Repos du cavalier
Je regarde le fleuve de brouillard s’élargir, noyer sa rive, cette pente de terre nue où côte à côte nous avons marché tout un après-midi d’automne, herseur le poing à la bride du gros rouan débonnaire, herseur qui riais dans le soleil et la bête à chaque halte au bord du champ refermait sa paupière cousue de gros crin pâle… Je regarde. Le brouillard déferle contre le verger, contre la ferme, la grange, contre toi-même. La batteuse étouffe son adieu ; le brouillard dévore ta main tendue. Tu es cendre, tu es vapeur, tu n’es plus rien. Tu n’es plus rien, mais là-bas tu vas reprendre poids et vie parmi toutes ces autres vies, et moi je glisse et repars au fil de la brume, sans voix, sans pensée, comme un bâton flottant dont nul bûcheron sur la rive ne pourrait tirer quelque flamme comme un vague flocon d’écume bientôt défait, dissous au ressac indéfini de l’attente et de l’absence.
Gustave Roud, Le Repos du cavalier, dans Œuvres poétiques, éditions Zoé, 2022, p. 1147.
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10/04/2023
Gustave Roud, Journal
Pourquoi, pourquoi ? Pourquoi cette destinée qui se développe et semble s’achever dans le temps ? qui a besoin d’une périssable vêture corporelle ? Cernée ainsi dans sa figure matérielle, dans sa présence de chair qui commence et finit entre deux chiffres précis, je sais bien qu’une vie demeure entièrement inexplicable. Mais je crois que le cœur seul peut comprendre qu’il y a une éternité de l’amour. Certains élans du cœur, leur puissance ne peut prendre fin.
Gustave Roud, Journal 1916-1976, Œuvres complètes, volume 3, éditions Zoé, 2022, p. 484.
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08/04/2023
Yves Bonnefoy, La Vie errante
Une pierre
J’ai toujours faim de ce lieu
Qui nous était un miroir,
Des fruits voûtés dans son eau,
De sa lumière qui sauve,
Et je graverai dans la pierre
En souvenir qu’il brilla
Le cercle, ce feu désert
Au-dessus le ciel est rapide
Comme au vœu la pierre est fermée.
Qe cherchions-nous ? Rien peut-être,
Une passion n’est qu’un rêve,
Nos mains ne demandent pas,
Et de qui aima une image,
Le regard a beau désirer,
La voix demeure brisée,
Ma parole est pleine de cendres.
Yves Bonnefoy, La Vie errante, dans Œuvres poétiques,
Pléiade/Gallimard, 2023, p. 682.
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05/04/2023
Yves Bonnefoy, Pierre écrite
Une pierre
Je fus assez belle,
Il se peut qu’un jour comme celui-ci e ressemble,
Mais la ronce l’emporte sur mon visage,
La pierre accable mon corps
Approche-toi,
Servante verticale rayée de noir,
Et ton visage court.
Répands le lait ténébreux qui exalte
Ma force simple.
Sois moi fidèle,
Nourrice encor, mais d’immortalité.
Yves Bonnefoy, Pierre écrite, dans Œuvres poétiques,
Pléiade/Gallimard, 2023, p. 130.
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