22/05/2023
Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux

Tous les blés flambent
et la brève alouette est un fragment ascendant de ce feu.
Elle ne gravit tous les paliers de l’air
que parce que le sol est trop brûlant.
Il est une beauté que les yeux et les mains touchent
et qui fait faire au cœur un premier degré dans le chant.
Mais l’autre se dérobe et il faut s’élever plus haut
jusqu’à ce que nous autres ne voyions plus rien,
la belle cible et le chasseur tenace
confondus dans la jubilation de la lumière.
Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux,
Gallimard, 2021, p. 30.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Jaccottet Philippe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe jaccottet, le dernier livre de madrigaux |
Facebook |
21/05/2023
Jean Follain, Appareil de la terre

Solitaires
Toujours leur porte s’ouvre mal
derrière eux s’endort la bête
couleur de feu
au seul pas d’homme ou de femme
ils reconnaissent qui passe
sur la route tournante
regardent un instant
pendant du plafond noir
la lampe ornée
une plante verte ocellée meurt pleure un enfant perdu
sous le vaste ciel bas
puis il neige enfin.
Jean Follain, Appareil de la terre, Gallimard, 1964, p. 79.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Follain Jean | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean follain, appareil de la terre, solitaires |
Facebook |
20/05/2023
Jean Follain, Appareil de la terre

Une fille penchée
Une fille à traits purs
se penche sur des chaudrons.
Le paisible entre ddans la cour
près du seuil lavé
à grandes eaux
tousse pour avertir
des lueurs voguent
autour des pieds féminins
restés nus.
Les volailles à peine s’effarent
sans besoin de consolation
dans le soleil levant.
Jean Follain, Appareil de la terre,
Gallimard, 1964, p . 56.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Follain Jean | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean follain, appareil de la terre, ue fille penchée |
Facebook |
19/05/2023
Jean Follain, Usage du temps

Fouilles d’’enfance
Les enfants qui vont fouiller dans les greniers où sont les mannequins noirs les oignons, les issues le sac de papier brun où reste de l’anis étoilé connaîtront un jour les tracas et sauront ce qu’il en coûte de rechercher les voluptés et d’épouser la courbe délicieuse.
Jean Follain, Usage du temps, Poésie/Gallimard, 1984, p. 91.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Follain Jean | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean follain, usage du temps, fouilles d'enfance |
Facebook |
18/05/2023
Jean Follain, Usage du temps

Pain de nuit
Au fond de certains songes est un gros pain de chair bise volé un jour de neige mais là, cette nuit de la femme était totale sans étoiles avec un pain étroit émietté de minute en minute et porté jusqu’à sa bouche mauve et tout un chacun disait d’elle : il faut lui tenir la dragée haute.
Dérision, ô dragées jetées aux enfants assistés et dont l’amande éclate sous leurs dents par le triomphal matin d’un printemps qui ne revient pas !
Jean Follain, Usage du temps, Poésie/Gallimard, 1983, p. 171.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Follain Jean | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean follain, usage du temps, pain de nuit |
Facebook |
17/05/2023
Jacques Roubaud, C et autre poésie

Un moment interne troue l’onde d’urgence que raye d’ortie le néant d’attente sans trace
La mémoire, la mort, la main maudit, mélange, montre,
L’instant, l’infini, l’image, irréel, insu, incroyable
Où le terre, où la terre, où la terre, ternit, trafique, tord,
Où le sens, où le non, où la syntaxe siffle, sèche, s’émiette,
D’obole, d’orbite, d’ordre opaque, ozone, organique
Ruisseau, râteau, règle renonce !, racle, rumine !
Oublie, ossifie, oscille, ombre, ongle, onde
Du nuage, du néant, du nombre nié, non-dit, nourris
Que l’arbre, que l’âme, que l’art accorde, annihile, affirme
À la trace, au terreau, à la tombe, sa trace, sa tourmente, son triomphe.
Jacques Roubaud, C et autre poésie, NOUS, 2015, p. 270.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Roubaud Jacques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : allitération, jacques roubaud, c et autre poésie |
Facebook |
15/05/2023
Jacques Roubaud, C et autre poésie
État du monde
N’est pas joyeux l’état du monde, formidable
n’est pas, n’est pas, du tout, en tout, il va venir
le temps en temps, mais peu joyeux, rien réussir
en nul revoir, démontre ta construction, table.
Mais s’il se révélait, nous qu’en indéchiffrable
complicité avec le dispositif (etc), fuir
n’est pas non plus possible. Alors quoi ? au plaisir
de te mâcher, terre, avec tes cailloux en sables ?
Les oiseaux nivelés, les arbres compresseurs
entament la nature à l’horizon factice
recyclés de longs bois déportant nos couleurs
du rouge vers le brun et les verts s’évanouissent
Que nous reconnaissions comme clefs : autre temps
Où du contrôle il sembla qu’un jour il serait temps.
Jacques Roubaud, C et autre poésie, NOUS, 2015, p. 320.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Roubaud Jacques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques roubaud, c et autre poésie, état du monde |
Facebook |
14/05/2023
Jacques Roubaud, C et autre poésie
Un moment interne troue l’onde d’urgence que raye d’ortie le néant d’attente sans trace
La mémoire, la mort, la main maudit, mélange, montre,
L’instant, l’infini, l’image, irréel, insu, incroyable
Où le terre, où la terre, où la terre, ternit, trafique, tord,
Où le sens, où le non, où la syntaxe siffle, sèche, s’émiette,
D’obole, d’orbite, d’ordre opaque, ozone, organique
Ruisseau, râteau, règle renonce !, racle, rumine !
Oublie, ossifie, oscille, ombre, ongle, onde
Du nuage, du néant, du nombre nié, non-dit, nourris
Que l’arbre, que l’âme, que l’art accorde, annihile, affirme
À la trace, au terreau, à la tombe, sa trace, sa tourmente, son triomphe.
Jacques Roubaud, C et autre poésie, NOUS, 2015, p. 270.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Roubaud Jacques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacqes roubaud, c et autre poésie, allitération |
Facebook |
13/05/2023
Jacques Roubaud, C et autre poésie

Nuit puis jour à Paris
val urbain cousu d’oisons
brun noir noircir fut doux plus
tard un air froid par l’afflux
sourd du matin aux maisons
tordit son azur prison
sous un pont pour chalands (glu
d’un tourbillon) l’or inclus
dans l’ourcq parut sans raison
alors dut d’un blanc gris d’ail
couvrant carton soupirail
loup fuir puis au bois vacant
un chat donna coloris
qui sut avant tout passant
qu’un jour abordait Paris
Jacques Roubaud, C et autre poésie,
NOUS, 2015, p. 109.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Roubaud Jacques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques roubaud, c et autre poésie, paris |
Facebook |
12/05/2023
Jacques Roubaud, C et autre poésie

Présent
On n’écrit plus au passé. Il paraîtrait
Le temps des dominateurs du monde devoir être
Le présent. L’imparfait est solipsiste
Nominatif. Qu’un langue dérive en autre
N’étonne pas. La langue du bel aujourd’hui
Est statistique spasmodique : téléphones
Portables dans vos mains déportables du bord
Inférieur des jours aux soirs du peu de constat
La terre que tu lus n’était pas confortable
Les mots dits l’’avenir flottaient dans un bouillon
De sang épais où baignait beau le bleu factice.
Cela ne veut pas dire qu’il faudrait abso-
Lument que cette morasse* te satisfasse
*dernière épreuve faite généralement
à la Bourse quand la mise en forme du jour
est terminée
Jacques Roubaud, C et autre poésie (1962-2012),
NOUS, 2015, p. 321.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Roubaud Jacques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques roubaud, c, présent |
Facebook |
11/05/2023
Franco Fortini, Feuille de route

À une ouvrière milanaise
Toute détruite, née toute nouvelle ;
Pierres déchirées sans pitié,
Ressurgie pour toi, devenue
Toute à nous, cette ville.
Ensevelie et rien qu’esprit est la mère tremblante
Qui nous angoissa asservis de baisers.
Et douloureusement en doigts de flamme l’amante
Efface ces signes tenaces.
Mais ici où entre être et non-être hésite
Prisonnière en elle-même notre figure,
Libérée tu apportes la justice certaine
Qui connaît les vivants et les morts.
Et te regardant s’humilie en nous un triste
Esclave tyran et l’espérance est entière :
Dans les matins mon peuple debout
Attend la grande sirène.
Franco Fortini, Feuille de toute, traduction Giulia
Camin et Benoît Casas, NOUS, 2023, . p. 17.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : franco fortini, feuille de route, ouvrière, peuple |
Facebook |
10/05/2023
Franco Fortini, Feuille de route

La rose ensevelie
Là où nous irons chercher les couronnes de fleurs
La musique des violons et les torches du soir
Là où seront les pupilles dorées
Les ténèbres, les voix — quand à travers les pleurs
Descendront les cavaliers aux manteaux gris
Sur les prés sans couleur faisant signe Et de nous
Derrière ce trot sans bruit par les vallées
D’exil irrévocable, les images suivront.
Mais le destin le plus brisé est liberté,
Et embaume éternelle la rose ensevelie,
Là où rayonnait notre joie fidèle
Un autre retrouvera les couronnes de fleurs.
Franco Fortini, Feuille de route, traduction Giulia
Carmin et Benoît Casas, éditions NOUS, 2022, p. 47.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : franco fortini, feuille de route, rose, couronne |
Facebook |
08/05/2023
EstherTellermann, Ciel sans prise

Oui nous
comptions
un jour l’autre
un lendemain n’est-il
un jadis suspendu
à l’aurore
un front où se
module
les traversées ?
Je notais les intervalles
pour
nous ensevelir
et vous faire
naître.
Esther Tellermann, Ciel sans prise,
éditions Unes, 2023, p. 19.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Tellermann Esther | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : esther tellement, ciel sans prise, naissance |
Facebook |
07/05/2023
Esther Tellermann, Ciel sans prise

Puis soudain
je vous perds
et me fige
reste aux portes
car rien n’avait
prêté serment
peut-être un
secret que le
corps porte
et soudain
irradie
la brûlure.
Esther Tellermann, Ciel
sans prise, éditions Unes,
2023,p. 43.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Tellermann Esther | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : esther tellermann, ciel sans prise, serment, brûlure |
Facebook |
06/05/2023
Esther Tellermann, Ciel sans prise

Devons-nous
puiser d’autres abandons
pour renaître ?
Et la terre nous
porte encore
vers l’incertain
une fois encore vient
le vertige
des rues vides
et des senteurs acides
pour encore vous
bercer
décliner
tous les verts.
Esther Tellermann, Ciel sans prise,
éditions Unes, 2023, p. 79.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Tellermann Esther | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : esther tellermann, ciel sans prise, abandon, vertige |
Facebook |

