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25/09/2024

Francis Ponge, Pratiques d'écriture ou l'achèvement perpétuel

 

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                  Les sujets d’art littéraire

 

         Le peintre fait voir sa vue du paysage. C’est un sujet d’art pour la vue, une occasion convenable. Ainsi pour le littérateur, tel ton de langage (le ton des sentiments), le ton de la colère est un sujet, une occasion, le ton de la timidité un autre sujet, et aussi tel type de discours, tel type de raisonnement (mais c’est déjà un empiètement). Il n’est pas d’autres sujets littéraires. C’est là qu’on s’applique : au « beau » langage.

         La façon dont parle un homme dans tel sentiment : voilà proprement un sujet d’art littéraire. Ainsi il semble qu’il faille toujours 1° faire parler (et un mortel) 2° garder une unité de ton.

         Mais plus loin on peut créer des tons monstrueux c’est-à-dire divins, comme le peintre crée des ensembles mythologiques imaginaires. Certes il ne crée pas de nouvelles formes, mais il peut faire des monstres. De même la littérature peut dans certains cas créer des ensembles monstrueux pourvu qu’ils soient dans des rapports intelligibles et aimables aux mortels.

 

Et après tout s’ils ne le sont pas ils le deviennent.

 

Francis Ponge, Pratiques d’écriture ou l’inachèvement perpétuel, Hermann, 1984, p. 57.

24/09/2024

Francis Ponge, Pratiques d'écriture ou l'inachèvement perpétuel

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29 janvier 1954

 

À partir du moment où l’on considère les mots (et les expressions verbales) comme une matière, il est très agréable de s’en occuper. Tout autant qu’il peut l’être pour un peintre de s’occuper des couleurs et des formes.

    Très plaisant d’en jouer.

    Et pourquoi n’y aurait-il pas un public, une clientèle pour goûter ces jeux ?

    Par ailleurs c’est seulement (peut-être) à partir de propriétés particulières à la matière verbale que peuvent être exprimées certaines choses — ou plutôt les choses.

    On me dira que telle n’est pas la fin de la parole. C’est possible. Et qu’on préfère aussi d’autres écrits, cela peut certes se concevoir.

Mais s’agissant de rendre le rapport de l’homme au monde, c’est seulement de cette façon qu’on peut espérer réussir à sortir du manège ennuyeux des sentiments, des idées, des théories, etc.

 

Francis Ponge, Pratiques d’écriture ou l’inachèvement perpétuel, Hermann,1984, p.89.