13/12/2024
Oscar Wilde, Poèmes
La tombe de Shelley
Comme des torches éteintes près de la couche d’un malade,
De maigres cyprès veillent la pierre que le soleil décolore,
La petite chouette y a établi sa demeure
Et le rapide lézard comme un joyau pointe sa tête.
Là où s’embrasent les calices des coquelicots,
Dans la chambre tranquille de cette pyramide,
Un Sphinx antique se tapit dans la pénombre,
Noir gardien de ce lieu de plaisir des morts.
Ah ! qu’il est doux de reposer dans le sein
De la Terre mère accomplie de l’éternel sommeil,
Mais pour toi bien plus douce une tombe inquiète
Dans la caverne bleue des profondeurs peuplées,
Ou bien là-haut, où les hautes nefs sombrent dans la nuit
Comme les rochers escarpés brisés par les vagues.
Oscar Wilde, Poèmes, traduction Bernard Delvaille,
Pléiade/Gallimard, 1996, p.10.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : oscar wilde, poèmes, tombe, shelley | Facebook |
10/12/2024
Oscar Wilde, Poèmes
Impressions
Le jardin
Le calice fané du lis tombe
Sur l’ombre du pistil doré
Et, dans les bouleaux de la lande,
Roucoule un ultime ramier.
Le tournesol à crinière de lion,
Noir et flétri, penche sur sa tige
Et, dans les allées du jardin venteux,
Volettent les feuilles mortes.
Les blancs pétales des blancs troènes
Forment des boules de neige,
Et les roses tombent dans l’herbe
Tels haillons de soie cramoisie.
Oscar Wilde, Poèmes, traduction Bernard
Delvaille, dans Œuvres, Pléiade/Gallimard,
1996, p. 17-18.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : oscar wilde, poèmes, impression, jardin | Facebook |
09/12/2024
Oscar Wilde, Poèmes
Désespoir
Les saisons avec elles amènent leur ruine,
Au printemps le narcisse apparaît
Qui ne se fane avant que n’ait rougi la rose
Et, à l’automne, fleurissent les violettes
Et le frêle crocus trouble alors la blancheur de la neige ;
Puis, les arbres dénudés reverdissent,
Comme font les gris labours sous les pluies de l’été
Et renaissent les primevères qu’un enfant cueillera.
La belle vie ! dont le flot amer et avide
Monte à nos pieds et sombre dans la nuit
Pour revêtir des jours qui ne reviendront plus !
L’ambition, l’amour, brillantes rêveries,
Nous les perdons trop vite, et ne trouvons plaisir
Que dans quelques fragments de souvenirs enfuis.
Oscar Wilde, Poèmes, traduction Bernard Delvaille, dans
Œuvres, Pléiade/Gallimard, 1996, p. 8-9.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : oscar wilde, poèmes, désespoir, saison | Facebook |
20/07/2024
Constatin Cavafy, Poèmes
Les fenêtres
Dans ces chambres obscures où je passe
des jours qui m’oppressent, je rôde de long en large
cherchant à trouver les fenêtres — Lorsqu’il s’en ouvrira
une, ce me sera une consolation —
Mais il n’y a point de fenêtre, ou c’est moi
qui ne puis les trouver. Peut-être en est-il mieux ainsi.
Peut-être la lumière ne serait que nouvelle tyrannie.
Qui sait quelles choses nouvelles elle ferait surgir…
Constantin Cavafy, Poèmes, traduits par Georges Papoutsakis, Les Belles Lettres, 1977, p. 37.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : constatin cavafy, poèmes, fenêtre | Facebook |
Constantin Cavafy, Poèmes
Mélancolie de Jason, fils de Cléandre : Poète en Commagène ; 505 ap. J.C.
Vieillissement de mon corps et de ma figure —
c’est une blessure d’un effroyable couteau.
Je n’ai plus d’endurance.
A toi je recours, Art de la Poésie,
qui, tant soit peu, te connais en remèdes :
tentatives d’assoupissement de la douleur,
par l’Imagination et par le Verbe.
Blessure d’un effroyable couteau —
Art de la Poésie, apporte tes remèdes,
pour endormir — pour quelque temps — la douleur.
Constantin Cavafy, Poèmes, traduction Georges Papoutsakis, Les Belles Lettres, 1958, p. 153.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : constantin cavafy, poèmes, blessure, poésie, douleur | Facebook |
18/07/2024
Marguerite Yourcenar, Présentation critique de Constantin Cavafy
Autant que possible
Si tu ne peux façonner ta vie comme tu le voudrais, tâche du moins de ne la point avilir par de trop nombreux contacts avec le monde, par trop de gesticulations et de paroles.
Ne la galvaude pas en traînant de droite et de gauche, en l'exposant à la sottise journalière des relations humaines et de la foule, de peur qu’elle ne se transforme ainsi en une étrangère importune.
Marguerite Yourcenar, Présentation critique de Constantin Cavafy, suivie d’une traduction intégrale de ses poèmes, Gallimard, 1958, p. 113.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : constantin cavalry, poèmes, monde, foule | Facebook |
13/02/2023
Cavafy, Poèmes
Lustre
Dans une chambre vide et petite — seuls quatre murs
couverts d’étoffes toutes vertes —
un lustre superbe brûle et flambe ;
et dans chacune de ses flammes s’embrase
une lascive passion, un lascif élan.
Dans la petite chambre qui étincelle,
éclairée du feu violent du lustre,
point familière est cette lumière qui en sort ;
ni faite pour des corps timides
la volupté de cette chaleur.
Cavafy, Poèmes, traduction Georges Papoutsakis, Les Belles Lettres, 1977, p. 82.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cavafy, poèmes, lustre, volupté | Facebook |
26/03/2021
Gaspara Stampa, Poèmes
Vous qui écoutez mes poèmes,
ces tristes, tristes voix, ces accents désolés
de mes lamentations, échos de mon amour
et de mes tourments sans pareils.
si vous savez, en nobles cœurs, apprécier la grandeur,
j’attends de votre estime
pour mes plaintes mieux que pardon, acclamation,
leur raison étant si sublime.
J’attends aussi que plus un dira : « Heureuse
est celle qui, pour le plus illustre idéal,
a subi si illustre épreuve !
Ah ! que n’ai-je eu la chance de ce grand amour,
grâce à un si noble seigneur !
Je marcherais de pair avec telle héroïne ! »
Gaspara Stampa, Poèmes, traduction Paul Bachmann, Poésie/Gallimard, 1991, p. 57.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gaspara stampa, poèmes, lamentation, tourment | Facebook |
09/03/2021
Georg Trakl, Poèmes
Paysage
Soir de septembre ; les sombres appels des
bergers tristement résonnent
À travers le village au crépuscule ; du feu jaillit dans la forge.
Puissamment se cabre un cheval noir ; les boucles de jacinthe de la [servante
Happent l'ardeur de ses pourpres naseaux.
Doucement se fige à la lisière du bois le cri de la biche
Et les fleurs jaunes de l'automne
Se penchent muettes sur la face bleue de l'étang.
Dans une flamme rouge un arbre a brûlé ;
figures sombres de chauve-souris s'élevant en battant des ailes.
Landschaft
Septemberabend ; traurig tönen die dunklen Rufe der Hirten
Durch das dämmernde Dorf ; Feuer sprüht in der Schmiede.
Gewaltig bäumt sich ein schwarzes Pferd ; die hyazinthenen Locken [der Magd
Haschen nach der Inbrunst seiner purpurnen Nüstern.
Leise estarrt am Saum des Waldes der Schrei der Hirschkuh
Und die gelben Blumen des Herbstes
Neigen sich sprachlos über das blaue Antlitz des Teichs.
In roter Flamme verbrannte ein Baum , aufflattern mit dunklen [Gesichtern die Fledermäuse.
Georg Trakl, Poèmes, traduits et présentés par Guillevic, Obsidiane, 1986, p. 25 et 24.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Trakl, Georg | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : georg trakl, poèmes, paysage, guillevic | Facebook |
10/11/2020
Gottfried Benn, Poèmes
Un mot
Un mot, une phrase — ; des lettres montent
vie reconnue et sens qui fulgurent,
le soleil s’arrête, les sphères se taisent,
tout se concentre vers ce mot.
Un mot — un éclat, un vol, un feu,
un jet de flammes, un passage d’étoiles —
puis à nouveau le sombre le terrible
dans l’espace vide autour du moi et du monde.
Gottfried Benn, Poèmes, traduction Pierre Garnier,
Gallimard, 1972, p. 249.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gottfried benn, poèmes, pierre garnier, mot, phrase | Facebook |
23/06/2020
Gaspara Stampa (1523-1554), Poèmes
Vous qui écoutez mes poèmes,
ces tristes, tristes voix, ces accents désolés
de mes lamentations, échos de mon amour,
et de mes tourments sans pareils,
si vous savez, en nobles cœurs,
apprécier la grandeur, j’attends de votre estime
pour mes plaintes ieux que pardon, acclamation
leur raison étant si sublime.
J’attends aussi que plus d’un dira : « Heureuse
est celle qui, pour le plus illustre idéal
a subi si illustre épreuve !
Ah ! que n’ai-je eu la chance de ce grand amour,
grâce à un si noble seigneur !
Je marcherais de pair avec telle héroïne ! »
Gaspara Stampa, Poèmes, traduction de l’italien Paul Bachman, Poésie / Gallimard, 1991, p. 57.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gaspara stampa, poèmes, amour, renaissance | Facebook |
13/05/2020
Salvatore Quasimodo, Poèmes
Élégie
Froide messagère de la nuit
tu es revenue limpide au balcon
des maisons ravagées
pour éclairer des tombes sans nom
et les restes abandonnés de la terre fumante.
Ci-gît notre songe. Solitaire
tu montes vers le Nord où toute chose
s’achemine sans lumière à sa mort,
et tu résistes.
Salvatore Quasimodo, Poèmes, traduction
Pericle Patocchi, Mercure de France, 1958, p. 58.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : salvatore quasimodo, poèmes, élégie, songe, lune | Facebook |
26/03/2020
Eduard Mörike (1804-1875), Poèmes
À l’aimée
Lorsqu’à te contempler je me sens apaisé
Comblé, sans faim, sans voix, près de ton ssanctuaire
Je crois alors tout bas entendre respirer
L’ange qui te ressemble et habite en toi.
Un sourire étonné et qui doute, incrédule
Vient naître sur ma lèvre : est-ce leurre, illusion,
Puis-je croire enfin que on unique désir,
Mon vœu le plus hardi, en toi sera comblé ?
Quand plonge mon esprit d’abîmes en abîmes
J’entends dans l’antre noir de la divinité,
Les sources du Destin au bruit mélodieux.
Je porte mon regard chancelant vers les cieux :
Au firmament, là-haut, me sourient les étoiles ;
Et j’écoute à genoux leur beau chant lumineux.
Eduard Mörike, Poèmes, traduction Nicole Taubes,
Les Belles Lettres, 2010, p. 151.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eduard mörike, poèmes, à l'aimée, destin, ange | Facebook |
08/01/2020
Cavafy, Poèmes
C’est fini
Dans la crainte et les soupçons,
l’esprit tourmenté, les yeux horrifiés,
nous nous consumons, cherchant, avec angoisse,
comment éviter le danger que nous croyons certain
et si terriblement menaçant.
Pourtant, nous nous trompons, ce danger n’est pas notre route ;
faux étaient les messages
(nous les avons mal entendus ou mal compris).
Une autre catastrophe, que nous n’imaginions pas,
soudain, violente, s’abat sur nous
et non préparés — trop tard, à présent — elle nous emporte.
Cavafy, Poèmes, traduction Georges Papoutsakis, Les Belles-Lettres,
1977, p. 59.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cavafy, poèmes, danger, catastrophe | Facebook |
08/11/2019
James Joyce, Poèmes
Bahnofstrasse
Les yeux qui rient de moi signalisent la rue
Où je m’engage seul à l’approche du soir,
Cette rue grise dont les signaux violets
Sont l’étoile du rendez-vous et de l’adieu.
O astre du péché ! Astre de la souffrance !
Elle ne revient pas, la jeunesse au cœur fou
Et l’âge n’est pas là qui verrait d’un cœur simple
Ces deux signaux railleurs cligner à mon passage.
James Joyce, Poèmes, traduction Jacques Borel,
Gallimard, 1967, p. 113.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Joyce James | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : james joyce, poèmes, jacques borel, adieu, jeunesse, âge | Facebook |