10/11/2020
Gottfried Benn, Poèmes
Un mot
Un mot, une phrase — ; des lettres montent
vie reconnue et sens qui fulgurent,
le soleil s’arrête, les sphères se taisent,
tout se concentre vers ce mot.
Un mot — un éclat, un vol, un feu,
un jet de flammes, un passage d’étoiles —
puis à nouveau le sombre le terrible
dans l’espace vide autour du moi et du monde.
Gottfried Benn, Poèmes, traduction Pierre Garnier,
Gallimard, 1972, p. 249.
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27/01/2020
Gottfried Benn, Poèmes
Les grilles
Les grilles sont refermées,
mieux : le mur est clos.
Certes tu t’es sauvé,
mais qui as-tu sauvé ?
Trois peupliers près d’une écluse
une mouette qui vole vers la mer
c’est la manière des plaines
et c’est des plaines que tu viens,
puis chaque année te tortillant
tu te dépouillas des poils et des peaux,
tu te nourris des boissons set des proies
qu’un autre te donna,
un autre — silence — cet air-là
commence par l’amertume —
tu te sauvas à l’intérieur des grilles
que plus rien ne peut ouvrir.
Gottfried Benn, Poèmes, traduction Pierre
Garnier, Gallimard, 1972, p. 305.
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01/11/2012
Gottfried Benn, Poèmes, traduction Pierre Garnier
Brume
Toi, son qui s'évanouit
et déjà passe,
plaisir à peine né
et déjà fondu dans la bouche,
c'est ainsi qu'heure tu t'écoules,
tu n'as pas d'être
depuis toujours déjà tu t'enveloppes
dans les brumes
Et nous répétons toujours
que cela ne peut finir
et nous oublions que l'éclat de la neige
est toujours neige d'antan
dans le constellé de baisers de larmes
de nuits et de sanglots
coule ce qui s'emprunte aux flots
les brumes tissent leur voile.
Ah, nous appelons et souffrons
les dieux les plus anciens :
toujours au-dessus de nous
« toi : tout et toujours »
mais aux béliers et aux branches
aux autels et aux pierres
où le sacrifice se consume
haut vers les dieux qui se taisent
les brumes tissent leur voile.
Gottfried Benn, Poèmes, traduit de l'allemand
et préfacé par Pierre Garnier, Gallimard, 1972,
p. 147.
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