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24/09/2025

Jacques Dupin, L'embrasure

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(…) Excédante, inexpiable, la poésie ne comble pas mais au contraire approfondit toujours davantage le manque et le tourment qui la suscitent. Et ce n’est pas pour qu’elle triomphe mais pour qu’elle s’abîme avec lui, avant de consommer un divorce fécond, que le poète marche à sa perte entière, d’un pied sûr. Sa chute, il n’a pas le pouvoir de se l’approprier, aucun droit de la revendiquer et d’en tirer bénéfice. Ce n’est qu’accident de route, à chaque répétition s’aggravant. Le poète n’est pas un homme moins minuscule, moins indigent et moins absurde que les autres hommes. Mais sa violence, sa faiblesse et son incohérence ont pouvoir de s’inverser dans l’opération poétique et, par un retournement fondamental, qui le consume sans le grandir, de renouveler le pacte fragile qui maintient l’homme ouvert dans sa division, et lui rend le monde habitable.

 

Jacques Dupin, L’Embrasure, dans L’Embrasure, précédé de GravirPoésie/Gallimard, 1971, p. 135.

26/03/2021

Gaspara Stampa, Poèmes

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Vous qui écoutez mes poèmes,

ces tristes, tristes voix, ces accents désolés

de mes lamentations, échos de mon amour

et de mes tourments sans pareils.

 

si vous savez, en nobles cœurs, apprécier la grandeur,

j’attends de votre estime

pour mes plaintes mieux que pardon, acclamation,

leur raison étant si sublime.

 

J’attends aussi que plus un dira : « Heureuse

est celle qui, pour le plus illustre idéal,

a subi si illustre épreuve !

 

Ah ! que n’ai-je eu la  chance de ce grand amour,

grâce à un si noble seigneur !

Je marcherais de pair avec telle héroïne ! »

 

Gaspara Stampa, Poèmes, traduction Paul Bachmann, Poésie/Gallimard, 1991, p. 57.

30/08/2019

Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours

Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, iconoclaste, effraie, tourment, temps

© photo Florence Trocmé

 

Iconoclaste est un mot auquel il m’est arrivé parfois de trouver quelque séduction, encore que dans mon cas, plutôt que de fureur il faille parler d’indifférence iconoclaste. Je ne détruis pas j’ignore.

Le cri de l’effraie légitime l’insomnie.

Sans doute est-ce à La Fontaine que je dois ma sympathie pour les rats.

Je me rends compte, à présent qu’elle ressurgit intacte, combien le vent furieux qui vient à peine de retomber avait chassé, transitoirement, mon intolérable conscience du temps.

Mes tourments, la plupart du temps, m’interdisent d’accéder à leur origine.

Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, Le bruit du temps, 2014, p. 131, 137, 140, 142, 150.