28/10/2023
Rainer Maria Rilke, Chant éloigné
... Quand donc, quand donc, quand donc y en aura-t-il assez de la plainte et de la parole ? N’y eut-il pas des maîtres
experts dans l’art de lier les mots humains ? Pourquoi donc les nouvelles tentatives ?
Est-ce donc, est-ce donc, est-ce donc que du livre
les hommes ne sont pas là comme d’une cloche qui ne cesse de sonner ?
Et lorsqu’entre deux livres le ciel silencieux t’apparaît : jubile ! – ou aussi bien un coin de simple terre dans le soir...
Plus que les orages, plus que les mers, ils ont
lancé des cris, les humains... Quelles surcharges de silence
doivent habiter le cosmos pour que le chant du grillon
nous soit demeuré audible, à nous, hommes vociférants, et pour que les étoiles
nous semblent silencieuses, dans cet éther que nous invectivons !
Mais c’est à nous qu’ils ont parlé, les très lointains, les anciens, les très anciens pères !
Et nous : écoutons-les enfin ! Nous, les premiers à les écouter.
.Hann wird, wann wird, wann vird es genügen
das Klagen und Sagen ? Waren nicht Meister im Fügen
menschlicher Worte gekommen ? Warum die neuen Versuche ?
Sind nicht, sind nicht, sind nicht vom Buche
die Menschen geschlagen wie von fortwährender Glocke ?
Wenn dir, zwischen zwei Büchern, schweigender Himmel erscheint : frohlocke...,
oder ein Ausschnitt einfacher Erde im Abend.
Meht als die Stürme, mehr als die Meere haben
die Menschen geschrieen... Welche Übergewichte von Stille
müssen im Weltraum wohnen, da uns die Grille
hörbar blieb, uns schreienden Menschen. Da uns die Sterne
schweigende scheinen, im angeschrieenen Äther !
Redeten uns die fernsten, die alten und ältesten Väter !
Und wir : Hörende endlich ! Die ersten hörenden Menschen.
Rainer Maria Rilke, Chant éloigné, Poèmes et fragments, édition bilingue, traduit de l’allemand par Jean-Yves Masson, Verdier, 1990, p. 26-27, et Verdier / poche, 2007.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Rilke Rainer Maria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rainer maria rilke, chant éloigné | Facebook |
04/05/2021
Rainer Maria Rilke, Sonnets à Orphée
Sonnets à Orphée, VI
Est-il d’ici ? Non, sa vaste nature
a grandi dans l’un et l’autre royaume.
Qui a savoir des racines du saule
sera plus apte à ployer ses rameaux.
Allant au lit, ne laissez sur la table
ni pain ni lait : ils attirent les morts.
Mais leur apparition, lui qui conjure,
sous sa paupière à la douceur clémente,
qu’il la mêle, lui, à tout ce qu’il voit,
et que fumeterre et rue aient pour lui
charme aussi vrai que le plus clair rapport.
Rien ne peut altérer sa juste image,
rien, serait-elle ou de tombe ou de chambre,
célèbrerait-il agrafe, anneau, cruche.
Rainer Maria Rilke, Sonnets à Orphée, traduction Maurice Regnaut, dans Œuvres, Pléiade/Gallimard, 1997, p. 588.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Rilke Rainer Maria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rainer maria rilke, sonnets à orphée, célébration | Facebook |
03/05/2021
Rainer Maria Rilke, Correspondance
À Lou Andreas-Salomé
Château de Muzot sur Sierre (Valais)
Suisse, le 11 février au soir [1922]
Lou, chère Lou, ainsi donc :
En cet instant précis, samedi 11 février, à 6 heures, je pose la plume, la dernière Élégie, la dixième. Celle (alors déjà destinée à être la dernière) dont le début avait été écrit à Duino déjà : « Dass ich dereinst, am Ausgang der grimmigern Einsicht / Jubel und Ruhm aufsinge zustimmenden Engeln... » Je t’avais lu tout ce qui existait, mais seuls les douze premiers vers ont subsisté, tout le reste est nouveau et, oui, très, très, très superbe ! — Songe ! J’ai pu surmonter jusque-là. À travers tout. Miracle. Grâce. — Tout cela en quelques jours. Ce fut un ouragan, comme à Duino, jadis : tout ce qui était en moi fibre, tissu, bâti a craqué.
Rainer Maria Rilke, Correspondance, édition Philippe Jaccottet, Seuil, 1976, p. 502.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Rilke Rainer Maria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rainer maria rilke, correspondance, élégie, ouragan | Facebook |
02/05/2021
Rainer Maria Rilke, Correspondance
À Ilse Erdmann,
11.0.1915, samedi
(...) les sécurités que vous avez trouvées dans mes livres ne sont plus celles dont je vis. Spirituellement et, à bien des égards, physiquement, tout appui m’a été momentanément retiré, je me maintiens, en quelque sorte, dans l’impossible ; mais puisque je m’y maintiens, il doit y avoir à l’œuvre en moi une énergie que je finirai peut-être par faire mienne, puisqu’elle persiste malgré tout. Le fait qu’autour de cette épreuve intérieure se soit refermé un monde non moins éprouvé enveloppe mon cœur épuisé d’indescriptibles ténèbres. Pour comprendre à quel point l’époque actuelle m’est difficile à supporter, il est nécessaire de savoir que mes sentiments ne sont d’aucune manière « allemands » ; bien que je ne puisse être étranger à la réalité allemande puisque je suis enraciné dans sa langue, sa manifestation et ses revendications actuelles n’ont pu que me surprendre et me heurter ; quant à trouver dans le monde autrichien, qui est toujours resté pour moi un compromis artificiel (la déloyauté faite État), quant à trouver là une patrie, il me serait absolument impossible de le concevoir. Comment pourrai-je, moi dont le cœur a été formé par la Russie, la France, l’Italie, l’Espagne, le désert et la Bible, comment pourrai-je m’entendre avec ceux qui fanfaronnent ici autour de moi ! Passons.
Rainer Maria Rilke, Correspondance, éditions Philippe Jaccottet, Seuil, 1976, p. 382.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Rilke Rainer Maria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rainer maria rilke, correspondance, spiritualité, énergie, formation | Facebook |
28/01/2021
Rainer Maria Rilke, Chant éloigné
[Pour Madame Agnes Renold]
Nous ne sommes que bouche. Qui chantera le cœur lointain
que rien n’atteint, qui règne au plus profond de toutes choses ?
Sa grande pulsation se partage entre nous
en pulsations moindres. Et sa grande douleur,
comme sa grande exultation, sont trop fortes pour nous.
Ainsi, nous ne cessons de faire effort pour nous en détacher
et n’en être ainsi que la bouche.
Mais soudain fait irruption
secrètement la grande pulsation au plus profond de nous,
qui nous arrache un cri.
Et dès lors nous sommes aussi être, changement et visage.
Rainer Maria Rilke, Chant éloigné, traduction Jean-Yves Masson, 1990, p. 19.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Rilke Rainer Maria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rainer maria rilke, chant éloigné, cœur, cri | Facebook |
26/05/2020
Rainer Maria Rilke, Chant éloigné
[Pour Madame Agnes Renold]
Nous ne sommes que bouche. Qui chantera le cœur lointain
que rien n’atteint, qui règne au plus profond de toutes choses ?
Sa grande pulsation se partage entre nous
en pulsations moindres. Et sa grande douleur,
comme sa grande exaltation, sont trop fortes pour nous.
Ami, nous ne cessons de faire effort pour nous en détacher
et n’en être ainsi que la bouche.
Mais soudain fait irruption
secrètement la grande pulsation au plus profond de nous,
qui nous arrache un cri.
Et dès lors nous sommes aussi être, changement et visage.
Rainer Maria Rilke, Chant éloigné, traduction Jean-Yves Masson,
Verdier, 1990, p. 29.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Rilke Rainer Maria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rainer maria rilke, chant éloigné, chant, pulsation | Facebook |
02/10/2019
Rainer Maria Rilke, La mort de l'aimée
La mort de l’aimée
De la mort, il savait seulement ce que chacun sait :
qu’elle nous prend et nous précipite dans le silence.
Mais comme elle, non pas arrachée à lui,
non, mais doucement détachée de ses yeux,
glissait peu à peu vers des ombres inconnues,
et comme il sentait qu’eux, sur l’autre rive, avaient
à présent comme lune son sourire de jeune fille
et le halo de sa bonté :
alors les morts lui devinrent aussi familiers
que si son entremise l’apparentait étroitement
à chacun d’entre eux ; il laissait dire les autres
mais ne les croyait pas et nommait ce pays
le Bien-Situé, le Toujours-Doux —
et l’éprouvait pour elle
Rainer Maria Rilke, La mort de l'aimée,
traduction Rémy Lambrechts, dans Œuvres
poétiques et théâtrales, Pléiade / Gallimard,
1997, p. 423.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Rilke Rainer Maria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rainer maria rilke, la mort de l'aimée, jeune fille | Facebook |
01/02/2018
Rainer Maria Rilke, Le Livre des images
Solitude
La solitude est comme une pluie.
Montant de la mer à la rencontre des soirs,
venue des confins des plaines oubliées,
elle gravit le ciel, sa demeure,
et parvenue là-haut retombe sur la ville.
Elle pleut ici-bas, entre chien et loup,
quand toutes les rues virent au matin
et que les corps qui n’ont rien trouvé
déçus et tristes se désunissent ;
et quand des êtres qui se haïssent
doivent dormir dans le même lit ;
La solitude s’en va suivre le cours des fleuves…
Rainer Maria Rilke, Le Livre des images, traduction
Jean-Claude Crespy, dans Œuvres poétiques et théâtrales,
Pléiade / Gallimard, 1997, p. 213.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Rilke Rainer Maria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rainer maria rilke, le livre des images, solitude, pluie, ville | Facebook |
29/09/2017
Rainer Maria Rilke, Correspondance
À Annette Kolb
Château de Duino, 24 janvier 1912
(…) le triste rôle qu’il [l’homme] joue dans l’histoire de l’amour : la seule force qu’il y montre, ou presque, c’est la supériorité que la tradition lui assigne, et celle-là même, il l’assume avec une négligence qui serait simplement révoltante, si la distraction, les absence de son cœur n’avaient eu souvent de grands motifs, qui le justifient en partie. Mais personne ne m’empêchera de voir ce que le rapport entre cette amante absolue et son pitoyable partenaire manifeste de façon définitive : à quel point tout ce qui est réalité, accompli, supporté d’un côté, celui de la femme, s’oppose à l’absolue insuffisance de l’homme en amour. Elle se voit décerner, si vous me permettez cette image banalement explicite, le diplôme de capacité d’amour, quand il n’a encore en poche qu’une grammaire élémentaire où la nécessité lui a fait apprendre quelques mots dont il forme à l’occasion des phrases, aussi belles, aussi exaltantes que les fameuses premières phrases des manuels de langue pour débutants.
Rainer Maria Rilke, Œuvre, III, Correspondance, édition Philippe Jaccottet, Seuil, 1974, p. 195-196.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Rilke Rainer Maria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rainer maria rilke, Œuvre, iii, correspondance, philippe jaccottet, amour | Facebook |
09/07/2017
Rainer Maria Rilke, La mélodie de l'amour et de la mort du cornette Christoph Rilke
Chevaucher, chevaucher, chevaucher, le jour, la nuit, le jour.
Chevaucher, chevaucher, chevaucher.
Et la vaillance est maintenant si lasse et la nostalgie si grande. Il n’y a plus de montagnes, à peine un arbre. Rien n’ose se lever. Des cahutes étrangères sont accroupies assoiffées près de puits envasés. Nulle part une tour. Et partout le même tableau. On a deux yeux en trop. La nuit seulement, on croit parfois connaître le chemin. Peut-être que nous refaisons sans cesse la nuit le trajet que nous avons péniblement gagné sous un soleil étranger ? C’est possible. Le soleil est pesant, comme chez nous en plein été. Mais nous avons fait nos adieux en été. Les robes des femmes brillèrent longtemps sur la verdure. Et nous chevauchons maintenant depuis longtemps. On ne peut donc qu’être en automne. Du moins là où des femmes tristes nous connaissent.
Rainer Maria Rilke, La mélodie de l’amour et de la mort su cornette Christoph Rilke, traduction Roland Crastes de Paulet, Alia, 2017, p. 11.
06/12/2015
Rainer Maria Rilke, Pour te fêter (Pour Lou Andreas Salomé)
Rilke avec Lou Andreas Salomé en Russie, 1897
Pour Lou Andreas Salomé
Lorsque parfois dans mon souvenir
je compare une rencontre à l’autre :
tu es toujours la femme riche qui donne
tandis que je suis le mendiant indigent.
Lorsque tu viens à ma rencontre doucement,
et, à peine souriante, lèves soudain,
de tes vêtements, ta main,
belle, brillante, fine... ;
dans la sébile tendue de mes mains,
tu la déposes gracieusement
comme un présent.
*
Je continue de marcher, solitaire. Au-dessus de moi,
je sens le printemps frémir dans les branches.
Un jour, je viendrai, avec des sandales sans poussière,
attendre aux grilles du jardin.
Et tu viendras quand j’aurai besoin de toi,
et tu prendras mon hésitation pour un signe,
et silencieusement tu me tendras les roses épanouies de l’été
des tout derniers buissons.
Rainer Maria Rilke, Pour te fêter, traduction Marc de Launay, dans Œuvres poétiques et théâtrales, sous la direction de Gérald Stieg, Pléiade / Gallimard, 1997, p. 647-648, 650.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Rilke Rainer Maria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rainer maria rilke, pour te fêter, lou andreas salomé, souvenir, rencontre, solitaude, printemps, signe, rose | Facebook |
02/07/2015
Rainer Maria Rilke, Sonnets à Orphée
II
Et presque jeune fille alors et de surgir
de ce bonheur uni du chant et de la lyre
et tous ses voiles de printemps de resplendir,
si claire, et de se faire un lit dans mon oreille.
Et de dormir en moi. Et tout fut son sommeil.
Les arbres que j’ai pu quelque jour admirer,
ce lointain, ce touchable, et, touchés, les herbages,
et chaque étonnement m’atteignant en personne.
Elle dormait le monde. À quel point accomplie
tu la fis, dieu chanteur, qu’elle n’ait pas souhaité
être éveillée avant ? Vois, naquit et dormit.
Où est sa mort ? Ô ce motif, le créeras-tu
avant que ton chant ne se dévore ? — Où va-t-elle
sombrer hors de moi ?... Une jeune fille presque...
Rainer Maria Rilke, Sonnets à Orphée, traduction
Maurice Regnaut, dans Œuvres poétiques et théâtrales,
sous la direction de Gerald Stiec, Gallimard Pléiade,
1997, p. 16.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Rilke Rainer Maria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rainer maria rilke, sonnets à orphée, maurice regnaut, jeune fille, chant | Facebook |
17/01/2015
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète
Vous demandez si vos vers sont bons. C’est à moi que vous posez la question. Vous en avez interrogé d’autres auparavant. Vous les envoyez à des revues. Vous les comparez à d’autres poésies et vous vous inquiétez quand certaines rédactions refusent vos essais. Or (puisque vous m’avez autorisé à vous conseiller), je vous invite à laisser tout cela. Vous portez vos regards au-dehors ; or, c’est précisément ce qu’en ce moment vous devriez ne pas faire. Personne ne peut vous conseiller ni vous aider, personne. Il n’existe qu’un seul moyen, qui est de rentrer en vous-même. Cherchez le sol d’où procède ce besoin d’écrire ; vérifiez s’il étend ses racines jusqu’au plus profond de votre cœur ; faites-vous l’aveu de savoir si vous devriez mourir au cas où il vous serait interdit d’écrire. C’est cela surtout qui compte : demandez-vous à l’heure la plus silencieuse de votre nuit si vraiment il vous faut écrire. Creusez en vous-même jusqu’à trouver la réponse la plus profonde. Et si cette réponse est affirmative, si vous ne pouviez accueillir cette grave question qu’en disant simplement, fortement : « Oui, il le faut », alors construisez votre vie en fonction de cette nécessité ; votre vie doit être, jusqu’en ses instants les plus insignifiants et les plus minimes, la marque et le témoignage de ce besoin.
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète, traduction de Claude David, dans Œuvres en prose, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1993, p. 928.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, ESSAIS CRITIQUES, Rilke Rainer Maria | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rainer maria rilke, lettres à un jeune poète, écrire | Facebook |
13/08/2012
Rainer Maria Rilke, Chant éloigné, Poèmes et fragments
... Quand donc, quand donc, quand donc y en aura-t-il assez de la plainte et de la parole ? N’y eut-il pas des maîtres
experts dans l’art de lier les mots humains ? Pourquoi donc les nouvelles tentatives ?
Est-ce donc, est-ce donc, est-ce donc que du livre
les hommes ne sont pas là comme d’une cloche qui ne cesse de sonner ?
Et lorsqu’entre deux livres le ciel silencieux t’apparaît : jubile ! – ou aussi bien un coin de simple terre dans le soir...
Plus que les orages, plus que les mers, ils ont
lancé des cris, les humains... Quelles surcharges de silence
doivent habiter le cosmos pour que le chant du grillon
nous soit demeuré audible, à nous, hommes vociférants, et pour que les étoiles
nous semblent silencieuses, dans cet éther que nous invectivons !
Mais c’est à nous qu’ils ont parlé, les très lointains, les anciens, les très anciens pères !
Et nous : écoutons-les enfin ! Nous, les premiers à les écouter.
... Wann wird, wann wird, wann vird es genügen
das Klagen und Sagen ? Waren nicht Meister im Fügen
menschlicher Worte gekommen ? Warum die neuen Versuche ?
Sind nicht, sind nicht, sind nicht vom Buche
die Menschen geschlagen wie von fortwährender Glocke ?
Wenn dir, zwischen zwei Büchern, schweigender Himmel erscheint : frohlocke...,
oder ein Ausschnitt einfacher Erde im Abend.
Meht als die Stürme, mehr als die Meere haben
die Menschen geschrieen... Welche Übergewichte von Stille
müssen im Weltraum wohnen, da uns die Grille
hörbar blieb, uns schreienden Menschen.
Da uns die Sterne schweigende scheinen, im angeschrieenen Äther !
Redeten uns die fernsten, die alten und ältesten Väter !
Und wir : Hörende endlich ! Die ersten hörenden Menschen.
Rainer Maria Rilke, Chant éloigné, Poèmes et fragments, édition bilingue, traduit de l’allemand par Jean-Yves Masson, Verdier, 1990, p. 26-27, et Verdier / poche, 2007.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Rilke Rainer Maria | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |