28/01/2021
Rainer Maria Rilke, Chant éloigné
[Pour Madame Agnes Renold]
Nous ne sommes que bouche. Qui chantera le cœur lointain
que rien n’atteint, qui règne au plus profond de toutes choses ?
Sa grande pulsation se partage entre nous
en pulsations moindres. Et sa grande douleur,
comme sa grande exultation, sont trop fortes pour nous.
Ainsi, nous ne cessons de faire effort pour nous en détacher
et n’en être ainsi que la bouche.
Mais soudain fait irruption
secrètement la grande pulsation au plus profond de nous,
qui nous arrache un cri.
Et dès lors nous sommes aussi être, changement et visage.
Rainer Maria Rilke, Chant éloigné, traduction Jean-Yves Masson, 1990, p. 19.
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