27/12/2021
Esther Tellermann, Sous votre nom
Peut-être j’avais
voulu défaire
les écueils dans la
syllabe
voir où tu
dors
Si étions le même
arceau
même mèche
de l’incendie `
à l’un l’autre
l’épuisement de la
lumière ?
Voulus que corps
ait hâte.
Esther Tellermann, Sous votre nom,
Poésie/Flammarion, 2015, p. 163.
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26/12/2021
Esther Tellermann, Carnets à bruire
Quelle première
fois
chaque fois
reprise
irise la ligne
où se reflète
l’incendie ?
Je voulais
resserrer
la déchirure
rouges rouges
seraient les aubes
et les lampes
vous adossé
aux écarts
de la lumière.
Esther Tellermaznn, Carnets à bruire,
La Lettre volée, 2014, p. 67.
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25/12/2021
Esther Tellermann, Nous ne sommes jamais assez poète
La lettre brûle : Franz Kafka
(...) Tentative bien plus radicale que celle de Mallarmé qui voulut faire du livre un « fait-étant », celle de Kafka poursuit une tâche infinie sans passé ni avenir, missive de K. sans cesse reconduite vers un château improbable. L’arpenteur d’une langue d’accueil fera mission d’impossibles retrouvailles. Car la littérature est ce « rien » à quoi dans ce mystère l’écrivain se voue : château inatteignable, procès infini, machine infernale — à inscrire.
Et c’est pourquoi le nom de Kafka ouvre à cette théologie négative du XXe siècle qui est encore la nôtre : se faire servant de la lettre, c’est savoir y être condamné. Dès lors mieux vaudrait la brûler, si toutefois sa marque indélébile n’étair la marque d’un nom – Kafka – qu’une vie ne suffit pas à défaire. Le travail de la herse de verre lisible au grand jour, inconscient écrit et restitué au corps d’une inscription sur un sujet qui, dans La Colonie pénitentiaire, s’y réduit.
Esther Tellermann, "La lettre brûle : Franz Kafka", dans Nous ne sommes jamais assez poète, La Lettre volée, 2014, p. 136.
24/12/2021
Esther Tellermann, Un versant l'autre
Partie de toi me
laisse
l’autre encore
est étincelle
d’un point
où pousse l’hibiscus
un jour écorché
miettes de paroles
comme neige
halos de lunes
et obsidiennes
en mots simples
voulions
advenir
Esther Tellermann, Un versant l’autre,
Flammarion/Poésie, 2019, p. 69.
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23/12/2021
Christian Viguié, Fusain : recension
Christian Viguié a reçu début novembre le prix Mallarmé 2021 pour un livre de poèmes, Damages, publié en 2020 aux éditions Rougerie comme la majorité de ses livres ; ce prix récompense une œuvre qui s’est développée à partir de 1996, aujourd’hui riche d’une trentaine de titres. Damages, comme l’écrit son auteur, est « un chant de deuil, un presque murmure, la ligne brisée d’un horizon. » Fusain est très différent dans son propos ; le mot évoque une esquisse, un dessin qui doit être fixé par un vernis, ici il s’agit de très brefs poèmes, en majorité de trois vers, qui jouent souvent avec le sens des mots, interrogent leur rapport avec ce qu’ils désignent. C’est ce questionnement qui donne leur unité aux quatre parties du livre.
Le premier poème de "Possible indéfiniment" apporte une idée de l’ensemble : « À cause d’un parfum / le temps va recommencer ». L’énoncé perd son caractère étrange si l’on introduit un contexte pour que la relation causale devienne acceptable, comme : « au réveil, un parfum dans la chambre, etc. » Mais cette réduction, qui implique un préalable — « ça ne veut rien dire » — n’est pas nécessaire, le lecteur peut simplement accepter l’incompatibilité entre la cause et le résultat, et par la suite apprécier des rapprochements pour leur apparente incongruité ; ainsi à nouveau avec la présence d’un parfum, « Des milliers d’étoiles / tiennent à cause / d’un parfum. »
On se souvient des transformations qu’opérait Théophile de Viau dans ses visions d’un monde renversé (« Un ruisseau remonte vers sa source », etc.). Viguié, s’adressant à son lecteur, lui demande « As-tu vu un étang / se refléter dans l’arbre ? », ce qui n’est pas exclu quand telle photographie utilise l’illusion optique, mais hors de propos pour le poème. De nombreux poèmes impliquent cette hésitation devant la réalité ; si une observation simple établit une relation entre l’eau et la libellule, l’introduction d’un verbe qui rend vivante l’eau modifie cette relation et l’énoncé, sans du tout devenir incompréhensible, présente autrement la réalité : « La fontaine réclame / ses ailes de libellule. »
Les poèmes sont toujours lisibles sans le recours à une explication ; pour l’un d’eux, « Le vent / autour d’un puits /s’étonne qu’aucune parole / n’en sorte », on est tenté de penser à un énoncé sous-jacent, représenté précisément par le tableau de Jean-Léon Gérôme, dont le titre est l’amorce d’un récit, "La vérité sortant du puits avec son martinet pour châtier l’humanité", tableau qui, en 1896, semblait un manifeste contre ceux d’un Manet. La surprise du lecteur peut aussi naître d’un oxymore aussitôt annulé (« Pas plus étonné / que la neige chaude / d’un pêcher ») ou, plus classiquement, d’une analogie entre la couleur du soleil couchant et un fruit.
Dans la partie consacrée au brouillard, la nature de ce phénomène météorologique entraîne régulièrement les énoncés vers le fantastique, quand Viguié suggère, par exemple, que le brouillard cache le vrai brouillard ou qu’il ne dissimule pas tant les choses que leurs noms. De là le changement dans la manière de regarder, comme si le brouillard faisait gagner une certaine innocence, ou ignorance : « Le brouillard t’apprend / à regarder / comme un enfant / qui enlève tous les mots au paysage. » La partielle dissimulation par le brouillard des choses du monde est perçue comme un retour à un état antérieur, où les arbres, les chemins, etc., n’étaient pas entièrement formés et redevenaient « brouillons ». D’autres poèmes tournent autour de ce point, les choses existent indépendamment du fait qu’elles ont été nommées, et avant qu’elles l’aient été ; « Le brouillard / en avance sur le mot » « appelle » les choses « avec du silence ».
Le silence, « parmi les choses », constitue la « matière de la matière » ; on retrouve l’idée d’un monde où les langues n’étaient pas encore là pour nommer les choses, où les choses elles-mêmes n’étaient pas : avant ciel, arbres, oiseaux, « avant tout » « démarre l’opéra fabuleux du silence ». La parole ne serait pleine qu’appuyée sur le temps du silence, comme semble le conclure le dernier poème de cet ensemble, « Se taire / ou parler / pour moi / sont une seule et même chose. » Viguié demandait « Existe-t-il une marée du silence ? », c’est une évidence si l’on pense à l’ombre, « Plus vieille marée du monde ». Elle est partout et peut-être y a-t-il « une ombre de l’ombre ». La fonction fantastique de l’ombre, classique, est présente, elle qui transforme les figures qu’elle projette sur les murs ou qui soude les pas des passants « comme s’ils n’allaient nulle part ». On lira encore des poèmes avec des éléments incompatibles (l’ombre du cri du coq) ou un jeu entre le complément d’un nom, fonction grammaticale, et le sens de complément pour "ce qui s’ajoute à une chose donnée" : on passe de « l’ombre du cerisier » à « le cerisier de l’ombre » « pour ne pas oublier / que je [= l’ombre] suis d’abord / le complément d’un nom ».
Les poèmes de Fusain présentent des figures neuves dans un monde où les relations entre humains et choses sont modifiées. Ce sont les éléments de la nature qui dominent dans les énoncés (ciel, eau, arbres, fleurs, pierre, etc.), toujours vivants ; il n’y a cependant pas d’anthropomorphisme mais un humanisme orienté vers le non -humain et qui accepte le mystère des choses, mystère représenté par les arbres dessinés au fusain en frontispice.
Christian Viguié, Fusain, frontispice de Cécile A. Holdban, Le cadran ligné, 2021, 64 p., 14 €. Cette recension a été publiée dans Sitaudis le 14 novembre 2021.
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22/12/2021
Aubeterre (Charente)
Photos Chantal Tanet
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21/12/2021
Michel Leiris, Mots sans mémoire
Bagatelles végétales
ADAGE DE JADE :
Apprendre à parier pour la pure apparence
Idées, édits. Édifier, déifier.
La manne des mânes tombe des tombes.
L’âtre est un être, les chaises sont des choses.
Le sang est la sente du temps. L’ivresse est le rêve
de l’ivraie des viscères.
Ne rien renier. Deviner le devenir.
Pense au temps, aux taupes et à ton impotence pantin !
Affirmer, affermir, affermer.
Afrique sui fit refit et qui fera.
Aimer les mets des mots, méli-mélo de miel et de moelle.
ALERTE DE LAËRTE
« Ophélie
est folie
et faux lys :
aime-la »
Michel Leiris, Mots sans mémoire, Gallimard, 1970, p. 119.
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20/12/2021
Sergueï Essenine, Journal d'un poète
Ne m’en veuillez pas, c’est ainsi !
Je ne barguignerai pas avec les mots :
elle est alourdie, affaissée,
ma jolie tête dorée.
Ne plus aimer la ville, ni mon village
comment le souffrirai-je ?
Je largue tout. Me laisse pousser la barbe.
Et je vais bourlinguer en Russie.
J’oublierai livres et poèmes,
j’irai le ballot sur l’épaule
— au noceur dans la steppe, on le sait,
le vent fait fête comme à nul autre.
Je puerai le raifort et l’oignon.
Et troublant la torpeur du soir
me moucherai bruyamment dans les doigts.
Partout je ferai l’idiot.
Je ne réclame d’autre bonheur
que de me perdre dans le blizzard ;
car sans ces extravagances
je ne puis vivre sur terre.
Sergueï Essenine, Journal d’un poète, traduction
Christiane Pighetti, éditions de la Différence, 2014, p. 91.
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19/12/2021
Alexander Dickow, Déblais : recension
Aujourd’hui comme hier les écrits à propos de la poétique prennent diverses formes ; à côté d’essais véritables manifestes (Pierre Vinclair, Agir non agir) ou défense argumentée de choix d’écriture (Jacques Réda, Entretiens avec Monsieur Texte), d’essais qui débordent le domaine littéraire (Philippe Beck, Traité des sirènes), de recensions pour exposer sa propre pratique (Laurent Albarracin, dans Catastrophes et Poezibao), se maintiennent bien vivants des ensembles de notes à la manière de Reverdy ou de Jean-Luc Sarré, et c’est le choix qu’a fait Alexander Dickow, poète, romancier et essayiste. Les déblais, c’est ce que l’on ôte pour faciliter le travail, pour voir plus clair sur le chantier, ce qu’explicite la quatrième de couverture du livre, sans se dissimuler que, dans ce genre d’écrits, on « échoue nécessairement » et l’on se satisfait si l’on peut trouver quelques « splendides faux-fuyants » : le livre, composé de « fragments », d’« aphorismes », « chacun ouvert puisque sériel », vise à énoncer des « choses vraies ».
Pas de synthèse, donc, et dès l’ouverture Dickow manifeste sa méfiance vis-à-vis de la théorisation ; c’est laisser l’œuvre pour la « prose réflexive », or aucune thèse ne rend compte de la pratique. De plus, « le fragment aspire à parler de tout » et c’est sans doute pourquoi certains s’éloignent de la réflexion autour de la poésie ou du roman, ou la resituent dans une réflexion plus générale, l’écriture faisant partie de la vie – deux exemples de ce choix de l’hétérogénéité : « Pas d’amour sans ambivalence : l’amour nous coûte », « Le mythe de Pygmalion explique comment Galatée a elle aussi façonné Pygmalion ». C’est pourquoi aussi Dickow joue avec le genre en proposant des alexandrins rimés dans le style fin XIXesiècle ou un pastiche (« Obèle broche antique épingle des beaux vers/Douteux comme tes yeux étoilés d’univers »), aussitôt commenté avec une adresse au lecteur, « Ce pastiche d’un air/Digne d’Apollinaire/Te tape sur les nerfs/Je te dis na na naire ». Cette mise à distance semble encore s’affirmer quand un fragment renseigne seulement sur un choix musical de l’auteur (« Émouvoir comme la onzième Étude de Scriabine (op. 8 n° 11). Culbuter les attentes comme les dégringolades de la deuxième »), mais ce renvoi à une œuvre complexe, non littéraire, s’accorde avec un autre choix, le refus de la spontanéité, d’un prétendu « naturel ».
Si l’on accepte avec Dickow que le propos théorique soit toujours à côté de l’œuvre, on comprend qu’il écrive « J’essaie d’être ailleurs ». Il vise à briser les habitudes, se préoccupant plus des « fissures » que des surfaces et, ce faisant, se situe hors de certains choix contemporains qui prétendent « dépasser le cloisonnement des genres littéraires » ; il déplore avec ironie cette « erreur de marketing » en assurant que « les lecteurs aiment savoir quel genre de produit ils consomment ». C’est là mettre à l’écart tout un pan de la poésie d’aujourd’hui, mais Dickow ne craint pas la polémique, dénonçant notamment l’abus de « l’espace blanc » : pour lui, « ce sont les mots mêmes, à la rigueur, qui doivent atteindre à l’effacement ». De même, l’absence de ponctuation, si courante dans la poésie et la prose contemporaines ne fait le plus souvent que dissimuler une syntaxe convenue, tout comme les coupes au milieu d’un mot en fin de vers gêne la lecture sans qu’il y ait de véritable perturbation. Il énonce clairement ses choix quand il conseille de relire attentivement Paulhan et renvoie à Hopkins, Fondane et Beckett, mais aussi quand il se méfie des fleurs et des oiseaux, qui conduisent tout droit à Christian Bobin, et qu’il rappelle que Bonnefoy est comparé à Leconte de Lisle et Jaccottet à Lamartine.
Certes, il faut tenter de restituer quelque chose du réel en en mesurant toutes les difficultés, en sachant d’entrée que « Nulle valeur n’est plus fausse en art que l’authenticité », que rien n’est « naturel » en poésie pas plus que dans toute écriture, dans la « pleurnicherie romantique » comme dans la poésie blanche. Dickow défend d’ailleurs la présence du narratif en poésie, qu’il définit comme « un tissu de lacunes mouvantes », « jeu du vide et du plein » – dans un aphorisme, « Narrer : tisser des trous ensemble » –, par quoi le narratif rejoint « à la fois la poésie et le réel ». Il s’agit toujours dans ce jeu de déborder toutes les limites, celles de l’imagination comme celles du sens, de tenter chaque fois de « rendre le tremblé de la perception » pour « faire perdre l’équilibre » au lecteur avec l’auteur. Cet auteur a d’ailleurs un statut particulier : quand il écrit un de ses poèmes en anglais et en français, il en donne deux versions et non pas une traduction, ce qui donne « à voir le désir, impossible à assouvir, de se rejoindre » – ou « de se tenir définitivement à distance ». C’est bien encore s’éloigner du continu pour « l’intempestif », comme le veut Dickow.
Il s’appuie régulièrement sur une expérience d’enseignant à l’université, dit (trop modestement) le caractère composite de son essai, « Tout ceci relève autant de l’humble calepin que du grimoire d’initié » ; ces « déblais » sont bien l’un et l’autre, ils ne cherchent pas l’assentiment, ils suscitent la discussion et ce devrait être un des rôles de ce genre d’écrit.
Alexander Dixkow, Déblais, Louise Bottu, 2021, 104 p. 14 €. Cette recension a été publiée dans Libr-critique le 4 novembre 2021.
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18/12/2021
Michel Leiris, Le ruban au cou d'Olympia
Qui ne crie qu’en silence mais qu’un rien, parfois, fait donner de la voix.
Qui tâche de panser avec des mots sa plaie sans origine repérable.
Qui jamais ne met bas le masque, lui qu’a façonné la langue que d’autres ont façonnée.
Qui supporte la solitude avec peine mais n’est guère plus à l’aise en compagnie.
Qui se défie de ses dopings, alcool et café noir, car ils ne font mieux courir que son tourment.
Qui, du repas amical qu’il attendait comme une fête, revient généralement déçu, s’accusant lui le premier de n’avoir pas été à la hauteur.
Qui se voudrait en marge comme y appelle la poésie, mais tient à faire œuvre tant soit peu militante et, sans chercher plus loin, se réjouirait de subjuguer en racontant de belles histoires au lieu de se raconter.
Qui, pour se fuir, furète au fond de son moi.
(...)
Michel Leiris, Le ruban au cou d’Olympia, Gallimard, 1981, p. 254.
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17/12/2021
Michel Leiris, Le ruban au cou d'Olympia
À l’inverse d’Olympia nue, Nana corsetée et juponnée n’a auprès d’elle pour l’honorer ni domestique d’une autre race ni animal d’une autre espèce mais seulement — montré assis et de profil dans la partie droite du tableau — un bourgeois d’âge moyen à haut-de-forme, habit noir et plastron blanc, miché par qui la femme-objet semble jaugée tout comme l’œuvre elle-même le sera par l’amateur.
Olympia, Nana — nullement femmes fatales, mais fabricantes de plaisir comme il y a des gens qui fabriquent des armes et d’autres du chocolat.
Michel Leiris, Le ruban au cou d’Olympia, Gallimard, 1981, p. 259.
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16/12/2021
Michel Leiris, Le ruban au cou d'Olympia
Lumière chaude.
Frôlement trouble.
Baiser de miel.
Bruit percutant.
Couteau mou.
Alcool dur.
Mélodie plate.
Accord chatoyants.
Pa rfum pimenté.
Ha rmonie fade.
Vue insipide.
Peinture savoureuse.
Goût râpeux.
Musique caressante.
Parler rocailleux.
Sonorité brillante.
Ton aigre.
Voix veloutée.
Couleur acide.
Chant sirupeux.
Michel Leiris, Le ruban au cou
d’Olympia, Gallimard, 1981, 119-120.
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15/12/2021
Olivier Apert, Le point de voir
Veille 2
à table, l’assiette du Dr D est constamment vide , il s’en plaint et se lamente que la serveuse de la place François Jaumes ne le regarde pas. « je dois lui faire peur » dit-il en ricanant non sans fierté avant de chausser ses Ray-ban vintage. il ira s’en consoler devant la Mulata de Delacroix sans doute à cause des craquelures qui lézardent la toile. au pont d’Issenssac, l’un qui enjambait le parapet pour impressionner l’autre est encore mort.
Sommeil
(une partie de cartes à l’ombre d’un jardin luxuriant dans son abandon. Il est 1 heure du matin et le ciel est parfaitement bleu. Tapie dans un bosquet, une girafe dépose sa tête sur le sol, ouvre sa gueule à l’hippopotame en mastiquant un chat de chair & de plastique).
Olivier Apert, Le point de voir, éditions Lanskine, 2021, p. 10.
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14/12/2021
Stacy Doris, Mue
Je tombe car j’aime Si conscientiser
une crête est tout est mon ordinaire,
ce qui tue chez soi. motus prédis comble
Les pins lient ce qui moi d’autres possibles
ne salit. Tiens ma chaque aile affranchie.
main debout. L’espace La mite est réglisse
explicite il donne je la sauve, souple
à se battre et perdre, enquête de langue
le « creux » me dévore
quand je vois ta danse.
Stacy Doris, Mue, P. O. L, traduction Pierre Alferi, 2021, p. 64-65.
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13/12/2021
Liliane Giraudon, Le travail de la viande
Cadavre Reverdy
Monsieur Reverdy, j’ai passé une partie de cette fin d’été à vous relire.
À dire vrai, il y a plus d’un demi-siècle que je vous lis.
Et parmi ce demi-siècle, il y a bien un quart de siècle où j’essaie d’écrire quelque chose à propos de vous.
De ce que je vous dois.
Si le temps présent et celui qu’on projette ne peuvent s’éclairer et se comprendre qu’en remontant vers le passé (comme si tout était joué initialement), vous avez été, Monsieur Reverdy, par votre énigmatique conversion à la foi catholique, un des rares poètes vivants parcimonieusement dans la bibliothèque des nonnes trinitaires d’Avignon où je me retrouvais enfermée comme pensionnaire après la vie libre d’une petite enfance paysanne.
Longtemps j’ai partagé l’avis de Marguerite Duras qui déclarait que l’acte d’écrire ne sauvait de rien, n’apprend rien si ce n’est à éc rire... Aujourd’hui, où j’ai atteint l’âge où vous êtes mort, je peux, vous citant, faire mienne la formule : « Écrire m’a sauvée. A sauvé mon âme. Je ne peux pas imaginer ce qu’eût été ma vie si je n’avais pas écrit. J’ai écrit comme on s’accroche à une bouée. »
Liliane Giraudon, Le travail de la viande, P. O. L, 2019, p. 107-108.
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