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27/09/2023

William Carlos Williams, Scènes & Portraits

 

william carlos williams,fleurs au bord de la mer

Fleurs au bord de la mer

 

Au-dessus du bord net et fleuri des prés

invisible, l’océan salé soulève sa forme

 

les fleurs de la mer

apportent l’un à l’autre un changement

 

Pâquerettes et chicorées, serrées, mais relâchées

ne paraissent plus seulement des fleurs

 

mais couleur et le mouvement ­ ou les formes

de la tranquillité, alors que

 

l’idée de la mer décrit un cercle et

se balance paisiblement sur sa tige végétale

 

William Carlos Williams, Scènes et portraits, édition

bilingue, traduction et présentation Jacques Demarcq,

Seghers, 2023, p. 85.

26/09/2023

William Carlos Williams, Scènes & Portraits

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Le cheval

 

Le cheval avance

indépendamment

sans s’occuper

de sa charge

 

il a des yeux

de femme et

les tourne,

lance en arrière

 

ses oreilles et

reste en général

conscient

du monde. Mais

 

il tire quand

il faut et

tire bien, soufflant

de la brume par

 

ses naseaux

comme fument

les deux pots

d’une voiture.

 

William CarlosWilliams, Scènes & Portraits,

édition bilingue, traduit et présenté par

Jacques Demarcq, Seghers, 2023, p. 177.

25/09/2023

William Carlos Williams, Scènes & Portraits

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                                                      Le poivrot

 

Toi poivrot

titubante

cloche

 

 ô Jésus

malgré toute

ta crasse

 

 vraiment sordide

 je

 t’envie

 

C’est le visage

de l’amour

même

 

 abandonné

dans cet impuissant

enfermement

 

du désespoir

 

William Carlos Williams, Scènes &

Portraits, Anthologie inédite, édition

bilingue,traduit et présenté par

Jacques Demarcq, Seghers, 2023, p. 43.

24/09/2023

Ernst Jandle, Retour à l'envoyeur

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nocturne aux fleurs

 

dans la chambre où je ronfle

les fleurs ça me gonfle

c’est la punition du dormeur

la mouche quand l’odeur

des fleurs exhalée

l’incite à rappliquer

du côté du lit

les fleurs c’est du vivant

moi pareil vivant ;

et la mouche aussi

de mort y a que la fumée

que via bouche et nez

de mes poumons je souffle

pour chasser la mouche

sur les fleurs elle veut butiner

du coup me voilà levé

la tapette à la pogne

debout rn pyjama je grogne —

jamais mouche de son vivant

même si ça doit durer longtemps

n’atteindra ici le but

où l’attend l’autre mouche en rut

 

Ernst Jandle, Retour à l’envoyeur, traduction

Alain Jadot et Christian Prigent, grmx éditions,

2012, p. 105.

 

 

23/09/2023

Ernst Jandle, Retour à l'envoyeur

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sommaire

 

pour faire un poème

j’ai rien

 

qu’ne langue

qu’une vie

qu’une pensée

qu’une mémoire

 

pour faire un poème

j’ai rien

 

Enst Jandle,Retour à l’envoyeur,

traduction Alain Jadot et Christian

Prigent ; Drmx, 2012, p. 49.

 

 

22/09/2023

Jean Follain, Appareil de la terre

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Au seuil d’une porte, le balai en main, la servante ressent un bien-être à écouter : des gens en blouse, veste de coutil ou caraco de nuit, se parlent en plein jour. Dans l’agitation demeurent calmes découvreurs de charades et problèmes : il ne faut pas dit un homme, la croix et la bannière pour trouver la capacité des citernes. Une clef du pressoir détruit reste enfouie, rouillée. Un mulot, un instant, inspecte. Il semble tout d’un coup que le monde veuille basculer dans le vide pour en terminer avec les bavardages du présent.

Jean Follain, Appareil de la terre, Gallimard, 1953, p. 10.

21/09/2023

Jean Follain, Appareil de la terre

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Solitaires

 

Toujours leur porte s’ouvre mal

derrière eux s’endort la bête

couleur de feu

au seul pas d’homme ou de femme

ils reconnaissent qui passe

sur a route tournante

regardent un instant

pendant du plafond noir

la lampe ornée

une plante verte ocellée meurt

pleure un enfant perdu

sous le vaste ciel bas

puis il neige enfin.

 

Jean Follain, Appareil de la terre,

Gallimard , 1964, p. 79.

20/09/2023

Robert Desnos, Sirène-Anémone

    

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  Sirène-Anémone

 

  Qui donc pourrait me voir

  L’anémone du soi

  Fleurit sous mes fougères

   Moi la flamme étrangère

 

O fougères mes mains

Hors l’armure brisée

Sur le bord des chemins

En ordre sont dressées 

 

Et la nuit s’exagère

Au brasier de la rouille

Tandis que les fougères

Vont aux écrins de houille

 

L’anémone des cieux

Fleurit sur mes parterres

Fleurit encore aux yeux

À l’ombre des paupières

 

Anémone des nuits

Qui plonge ses racines

Dans l’eau creuse des puits

Aux ténèbres des mines

 

Poseraient-ils leurs pieds

Sur le chemin sonore

Où se niche l’acier

Aux ailes de phosphore

 

Verraient-ils les mineurs

Constellés d’anthracite

Paraître l’astre en fleur

Dans un ciel en faillite

 

En cet astre qui luit

S’incarne la sirène

L’anémone des nuits

Fleurit sur son domaine

 

Alors que s’ébranlaient avec des cris d’orage

Les puissances Vertige au verger des éclairs

La sirène dardée à la proue d’un sillage

Vers la lune chante la romance de fer

 

Sa nage déchirait l’hermine des marées

Et la comète errant rouge sur un ciel noir

Paraissait par mirage aux étoiles ancrées

Rayait de feu le ciel et d’écume les eaux

 

L’anémone fleurie aux jardins des miroirs

Et parallèlement la double chevelure

Fougères surgissez hors de la déchirure

Par où l’acier saigna sur le fil des roseaux

[…]

 

Robert Desnos, Sirène-Anémone [1929], dans Domaine public, Le Point du jour, Gallimard, 1953, p. 155-156.

 

 

19/09/2023

Robert Desnos, Langage cuit

 

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La colombe de l’arche

 

Maudit !

soit le père de l’épouse

du forgeron qui forgea le fer de la cognée

avec laquelle le bûcheron abattit le chêne

dans lequel on sculpta le lit

où faut engendré l’arrière-grand-père

de l’homme qui conduisit la voiture

dans laquelle ta mère

rencontra ton père.

                                            (14 novembre 1923)

 Robert Desnos, Langage cuit, dans Domaine public, Gallimard, 1953, p. 89.

18/09/2023

Robert Desnos, L'aumonyme

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                     Autant pour les crosses

 

Autant pour les crosses, évêques caducs qui baptisez les Êves aux aqueducs.

Autant pour les crosses, gens qui associez à l’amour votre sorte.

Flexible, Flexible, ma chère Flexible,

Est-ce ma chair, ma chère, sont-ce des crosses que vous cherchez ?

         Autant pour

         Autant dire.

                  Ici c’est Charles Cros.

                  Jamais plus pour Charles Cros.

 

Robert Desnos, L'aumonyme, dans Domaine public, Gallimard, 1953, p. 67.

16/09/2023

Robert Desnos, Rrose Sélavy

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Rrose Sélavy

 29. Ah ! meurs, amour !

 35. Si le silence est d’or, Rrose Sélavy abaisse ses cils et s’endort.

 39. Rrose Sélavy propose que la pourriture des passions devienne la nourriture des nations.

 49. Rrose Sélavy vous engage à ne pas prendre les verrues des seins pour les vertus des saints

  53. Devise de Rrose Sélavy

        Plus que poli pour être honnête

        Plus que poète pour être honni.

       

Robert Desnos, Rrose Sélavy, dans Domaine public, Gallimard, 1953, p.41, 42, 42, 43, 43.

15/09/2023

Robert Desnos, Rrose Sélavy

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Rrose Sélavy

1.Dans un temple en stuc de pomme le pasteur distillait le suc des psaumes.

7. Ô mon crâne, étoile de nacre qui s’étiole.

10. Rrose Sélavy se demande si la mort des saisons fait tomber un sort sur les maisons.

19. Rrose Sélavy voudrait bien savoir si l’amour, cette colle à mouches, rend plus dures les molles couches.

21. Croyez-vous que Rose Sélavy connaisse ces jeux de fous qui mettent le feu aux joues ?

 

Robert Desnos, Domaine public, Gallimard, 11953, p.39, 39, 40, 40, 41.

14/09/2023

Tristan Tzara, Où boivent les loups

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errer errer dans une tête pleine

où j’attends la seule l’absente

la mal choisie d’entre les belles

la pierre au cou

 

par les profondes ruelles du sourire

tant d’hommes s’égarent près du pont

toujours partie — ni rides ni vents

parmi les rares

 

vieille l’ombre s’est rompue

de la branche sans amis

et la dernière est morte

qui voulait revivre une jeunesse morte

 

toute le neige toute

le ciel où demeurent toutes

ancrées désespérément

dans un cri — d’avoir trop compris

 

Tristan Tzara, Où boivent les loups, dans

Œuvres complètes, 2, 1925-1933, éditions

Henri Béhar, Flammarion, 1977, p. 207.

13/09/2023

Tristan Tzara, Où boivent les loups

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il y a des heures, blanches épreuves

qu’engloutissent les maudites

sur le fente irréductible

d’un espoir trop plein

 

il y a tant de sens  à l’aube qui sombrent

 

qu’il n’y ait qu’une aube de ce monde

seule et qu’elle ne fut que l’ombre

d’une raison parée de mille méduses

de ses clairs éclats  ou des cendres

revivront les souffles oubliés

dans une aube nouvellement débordante

de vérités dures de pierres dures

 

et les aubes écrasées dans l’invisible sang

en laine au regard du fer jaloux

d’une croissance si pesante si grave

que le jour ne résiste au sourire avançant

dans la chaleur des mortifications où brûle encore

la constance du verre et se rue et se délasse

le tourment hideux de la vague à voir sans repos

 

Tristan Tzara, Où boivent les loups, dans Œuvres compères, 2,

1925-1933, éditions Henri Béhar, Flammarion, 1977, p. 233.

Robert Desnos, Les Ténèbres

 

                         

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Il fait nuit

Tu t’en iras quand tu voudras

Le lit se ferme et se délace avec délies comme un cordet de velours noir

Et l’insecte brillant se pose sur l’oreiller

Éclate et rejoint le Noir

Le flot qui martèle arrive et se tait

Samos la belle s’endort dans l’ouate

Clapier que fais-tu des drapeaux ? tu les roules dans la boue

À la bonne étoile et au fond de toute boue

Le naufrage s’accentue sous la paupière

Je conte les flacons de nuit et je les range sur une étagère

Le ramage de l’oiseau de bois se confond avec le bruit des bouchons en forme de regard

N’y pas aller n’y pas mourir la joie est de trop

Un convive de plus à la table ronde dans la clairière de vert émeraude et de heaumes retentissants près d’un monceau d’épées et d’armures cabossées

Nerf en amoureuse lampe éteinte de la fin du jour

Je dors

 

Robert Desnos, Les Ténèbres, dans Domaine public, Gallimard, 1953, p. 132.