12/11/2024
Shakespeare, Le Pèlerin passionné
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Bonne nuit, bon repos.. Je n’ai ni l’un ni l’autre.
Son « bonne nuit » n’a fait que m’ôter le repos,
Me renvoyant aux mille tourments d’une hutte
Où ressasser les peurs du déclin qui m’attend.
« Bien le bonsoir ! dit-elle, et revenez demain ! »
Mais quel bon soir, avec le chagrin pour convive ?
Pourtant à mon départ elle eut un doux sourire :
Dédain ou amitié je ne saurai le dire.
Rire de mon exil la réjouissait peut-être ;
Peut-être voulait-elle que j’erre encore au loin.
« Errer » : un mot fait pour les ombres comme moi,
Livrées à la souffrance, privées de récompense.
Seigneur ! comme mes yeux se tournent vers l’orient !
Mon cœur presse le guet ; le matin qui se lève
Somme les autres sens de n’être plus oisifs,
Méfiant qu’il est du seul office de mes yeux.
Pendant que Philomèle chante, moi je guette
Et voudrait que sa gamme soit celle de l’alouette !
Shakespeare, Le Pèlerin passionné, dans Sonnets et autres poèmes,
Gallimard, Pléiade, 2021, p. 213.
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29/04/2024
Franz Kafka, Lettres à Felice, II
Chacun se hisse à sa manière hors du souterrain, moi je me hisse grâce à la littérature. C’est pourquoi, si je dois me maintenir en haut, je ne puis le faire qu’à l’aide de la littérature, et non pas à l’aide de repos et de sommeil. J’obtiendrais plutôt le repos par la littérature que la littérature par le repos.
Franz Kafka, Lettres à Felice, II, traduction Marthe Robert, Gallimard, 1972, p. 681.
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27/01/2017
Georges Perec, Un homme qui dort
Il fait nuit. De rares voitures passent en trombe. La goutte d’eau perle au robinet du palier. Ton voisin est silencieux, absent peut-être ou mort déjà. Tu es étendu, tout habillé, sur la banquette, les mains croisées derrière la nuque, genoux haut. Tu fermes les yeux, tu les ouvres. Des formes virales, microbiennes, à l’intérieur de ton œil ou à la surface de ta cornée, dérivent lentement de haut en bas, disparaissent, reviennent soudain au centre, à peine changées, disques ou bulles, brindilles, filaments tordus dont l’assemblage dessine comme un animal à peine fabuleux. Tu perds leur trace, tu les retrouve ; tu te frottes les yeux et les filaments explosent, se multiplient.
Georges Perec, Un homme qui dort, 10/18, 1976, p. 95.
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