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18/04/2014

Issa, Sous le ciel de Shinano

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pluies de printemps

réchappé des menus de fête

un canard chante

 

sous les cerisiers ce soir

aujourd'hui déjà

est bien loin

 

quiétude

au fond du lac

la cime des nuages

 

herbes échevelées

le froid se sent

rien qu'à vue d'œil

 

sur l'azur

tracer un caractère

— couchant d'automne

 

au soir

parlant avec la terre

les feuilles tombent

 

Issa, Sous le ciel de Shinano, choix et

traduction par Alain Gouvret et Nobuko

Imamura, Arfuyen, 1984, np.

14/04/2014

Gerard Manley Hopkins, Reliquae

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      Printemps et automne

 

                                  À une jeune enfant

 

Marguerite, mènes-tu deuil

Sur le Bois-Doré qui s'effeuille ?

Ainsi, de feuilles, comme humaines,

Voici tes frais pensers en peine ?

Ah ! quand le cœur vient à vieillir

C'est, peu à peu, pour s'endurcir

Sans plus gratifier d'un soupir

Un monde effeuillé de bois mort ;

Alors pourtant tu pleureras

Sans laisser de savoir pourquoi.

Mais quelque nom qu'on donne aux peines,

Enfant leurs sources sont les mêmes.

L'âme a deviné, le cœur ouï

Ce qu'esprit ni lèvres n'ont dit :

Si l'homme naît, c'est pour qu'il meure,

C'est Marguerite que tu pleures.

 

            Spring and Fall

 

                                    To a young child

 

Margaret, are you grieving

Over Goldengrove unleaving ?

Leaves, like the things of man, you

With your fresh thoughts care for, can you ?

Ah! as the heart grows older

It will come to such sights colder

By and by, not spare a sigh

Though worlds of wanwood leafmeal lie ;

And yet you will weep and know why.

Now, no matter, child, the name :

Sorrow's springs are the same.

Nor mouth had, no nor mind, expressed

What heard heart of, ghost guessed :

It is the blight man was born for,

It is Margaret you mourn for.

 

Gerard Manley Hopkins, Reliquae, vers proses dessins

réunis et traduits par Pierre Leyris,  Seuil, 1957, p. 79 et 78.

 

 

 

 

 

 

06/04/2014

Bashô, Seigneur ermite, L'intégrale des haïkus

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Toutes ces fleurs écloses

dans le vent printanier,

éclat de rire

 

Mes yeux étincellent

d'avoir tant désiré la floraison —

Cerisiers pleureurs

 

Regagnant la côte

sur une feuille, le petit insecte

où dort-il ?

 

Oreiller d'herbes —

est-il triste, trempé par l'averse d'hiver,

ce chien hurlant à la nuit ?

 

Blanc coquelicot —

en souvenir du papillon

aile arrachée

 

Lune éclatante —

je tourne autour de l'étang

toute la nuit

 

Bashô, Seigneur ermite, L'intégrale des haïkus, édition bilingue par Makoto Kemmoku et Dominique Chipot,

La Table ronde, 2012, p.50, 57, 79, 111, 126, 133.

 

 

 

 

 

 

09/12/2013

E. E. Cummings, 1 x 1 [une fois un]

E. E. Cummings,  1 x 1 [une fois un], Jacques Demarcq, histoire, hiver, printemps

toute ignorance dévale en que ne sais-je

avant de regrimper vers l'ignorance encore :

mais l'hiver n'est pas sans fin, même la neige

fond ; et si le printemps gâte le plaisir, alors ?

 

toute l'histoire n'est qu'un sport d'hiver ou trois :

mais serait-ce huit ou dix, je persiste et redis

que toute l'histoire c'est bien petit pour moi ;

pour toi et moi, excessivement petit.

 

Fonce ouvrit (strident mythe collectif) ton tombeau

pour mieux gravir l'échelle des surstridences

au fond de caque marie martin marc et margot

— demain est notre adresse en permanence

 

et peu de chance qu'on nous dérange (si cependant

nous déménagerons plus loin dans l'à présent

 

 

E. E. Cummings,  1 x 1 [une fois un], traduit et présenté par Jacques Demarcq, La Nerthe, 2013, p. 49.

12/02/2013

Umberto Saba, Trente poèmes, traduction Georges Mounin

Umberto Saba, Trente poèmes, traduction Georges Mounin, printemps, parole, souvenir

                Printemps

 

Printemps que je n'aime pas, je veux

raconter que tournant au coin

d'une rue, le présage de ta venue me blessait

comme un coup de couteau. L'ombre mince encore

des rameaux, sur la terre encore

nue, me trouble aujourd'hui comme si je pouvais,

comme si je devais

renaître. La tombe elle-même

semble mal sûre à ton retour, antique

printemps, qui, plus que nulle autre saison,

cruellement, ressuscites et tues.

 

                 Paroles

 

Paroles

où le cœur de l'homme, aux origines,

se regardait surpris et nu ; je cherche

un coin dans le monde, une oasis

propice où, par toutes mes larmes, vous laver

du mensonge qui vous aveugle. Du même coup

l'entassement des souvenirs épouvantables

fondrait comme neige au soleil.

 

Umberto Saba, Trente poèmes, traduction Georges Mounin,

L'apprentypographe, 1986, p. 17 et 26.

 

 

 

11/04/2012

Michel Leiris, Ondes, Images de marque

Michel Leiris, Ondes, Images de marque, printemps, automne

                                  Leiris par Giacometti


                       Printemps

 

De gauche à droite

ou de cour à jardin

égrener le chapelet du vocabulaire

et malaxer chacun de ses grains

pour qu'il devienne fruit mûr

sinon germe d'étoile.

 

                       Automne

 

Ce que j'écris et qui,

doré par mon orgueil,

me semble traits de feu

n'est peut-être que lueurs sur un marécage

ou flamboiement de feuilles mortes.

 

Michel Leiris, Ondes, Le temps qu'il fait, 1987, np.

 

                             *

Images de marque...

 

Un roi sans bouffon autre que lui-même.

 

Un initié à une confrérie qui ne comprend que lui.

 

Un homme dont le malheur est de n'avoir autant dire jamais su être un fou.

 

Quelqu'un qui fut un enfant quelconque mais se voudrait vieillard prodige.

 

Un moraliste qui se juge sans tache quand il a dîné sans salir sa cravate.

 

Un égaré accroché à la poésie comme un clochard à son kilo de rouge.

 

Un vivant que seule l'idée qu'elle finira empêche de goûter la vie.

 

Un foutu trou où la foudre s'engouffre.

 

Un écrivain qui ne brigue pas l'immortalité relative que vous assure la gloire mais a soif de l'impression qu'il ressent quand il est au travail et que cela marche à souhait : n'être plus sous la coupe de la mort.

 

Celui qui, désenchanté, parle ici pour essayer de s'enchanter encore.

 

Michel Leiris, Images de marque, Le temps qu'il fait, 1989, np.