06/04/2014
Bashô, Seigneur ermite, L'intégrale des haïkus
Toutes ces fleurs écloses
dans le vent printanier,
éclat de rire
Mes yeux étincellent
d'avoir tant désiré la floraison —
Cerisiers pleureurs
Regagnant la côte
sur une feuille, le petit insecte
où dort-il ?
Oreiller d'herbes —
est-il triste, trempé par l'averse d'hiver,
ce chien hurlant à la nuit ?
Blanc coquelicot —
en souvenir du papillon
aile arrachée
Lune éclatante —
je tourne autour de l'étang
toute la nuit
Bashô, Seigneur ermite, L'intégrale des haïkus, édition bilingue par Makoto Kemmoku et Dominique Chipot,
La Table ronde, 2012, p.50, 57, 79, 111, 126, 133.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bashô, seigneur ermite, l'intégrale des haïkus, vent, printemps, fleurs, lune | Facebook |
09/12/2013
E. E. Cummings, 1 x 1 [une fois un]
toute ignorance dévale en que ne sais-je
avant de regrimper vers l'ignorance encore :
mais l'hiver n'est pas sans fin, même la neige
fond ; et si le printemps gâte le plaisir, alors ?
toute l'histoire n'est qu'un sport d'hiver ou trois :
mais serait-ce huit ou dix, je persiste et redis
que toute l'histoire c'est bien petit pour moi ;
pour toi et moi, excessivement petit.
Fonce ouvrit (strident mythe collectif) ton tombeau
pour mieux gravir l'échelle des surstridences
au fond de caque marie martin marc et margot
— demain est notre adresse en permanence
et peu de chance qu'on nous dérange (si cependant
nous déménagerons plus loin dans l'à présent
E. E. Cummings, 1 x 1 [une fois un], traduit et présenté par Jacques Demarcq, La Nerthe, 2013, p. 49.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : e. e. cummings, 1 x 1 [une fois un], jacques demarcq, histoire, hiver, printemps | Facebook |
12/02/2013
Umberto Saba, Trente poèmes, traduction Georges Mounin
Printemps
Printemps que je n'aime pas, je veux
raconter que tournant au coin
d'une rue, le présage de ta venue me blessait
comme un coup de couteau. L'ombre mince encore
des rameaux, sur la terre encore
nue, me trouble aujourd'hui comme si je pouvais,
comme si je devais
renaître. La tombe elle-même
semble mal sûre à ton retour, antique
printemps, qui, plus que nulle autre saison,
cruellement, ressuscites et tues.
Paroles
Paroles
où le cœur de l'homme, aux origines,
se regardait surpris et nu ; je cherche
un coin dans le monde, une oasis
propice où, par toutes mes larmes, vous laver
du mensonge qui vous aveugle. Du même coup
l'entassement des souvenirs épouvantables
fondrait comme neige au soleil.
Umberto Saba, Trente poèmes, traduction Georges Mounin,
L'apprentypographe, 1986, p. 17 et 26.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : umberto saba, trente poèmes, traduction georges mounin, printemps, parole, souvenir | Facebook |
11/04/2012
Michel Leiris, Ondes, Images de marque
Leiris par Giacometti
Printemps
De gauche à droite
ou de cour à jardin
égrener le chapelet du vocabulaire
et malaxer chacun de ses grains
pour qu'il devienne fruit mûr
sinon germe d'étoile.
Automne
Ce que j'écris et qui,
doré par mon orgueil,
me semble traits de feu
n'est peut-être que lueurs sur un marécage
ou flamboiement de feuilles mortes.
Michel Leiris, Ondes, Le temps qu'il fait, 1987, np.
*
Images de marque...
Un roi sans bouffon autre que lui-même.
Un initié à une confrérie qui ne comprend que lui.
Un homme dont le malheur est de n'avoir autant dire jamais su être un fou.
Quelqu'un qui fut un enfant quelconque mais se voudrait vieillard prodige.
Un moraliste qui se juge sans tache quand il a dîné sans salir sa cravate.
Un égaré accroché à la poésie comme un clochard à son kilo de rouge.
Un vivant que seule l'idée qu'elle finira empêche de goûter la vie.
Un foutu trou où la foudre s'engouffre.
Un écrivain qui ne brigue pas l'immortalité relative que vous assure la gloire mais a soif de l'impression qu'il ressent quand il est au travail et que cela marche à souhait : n'être plus sous la coupe de la mort.
Celui qui, désenchanté, parle ici pour essayer de s'enchanter encore.
Michel Leiris, Images de marque, Le temps qu'il fait, 1989, np.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Leiris Michel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michel leiris, ondes, images de marque, printemps, automne | Facebook |