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07/02/2015

Jean Tortel, Relations

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         Phrases pour un orage

 

                         I

 

Le ciel un peu trop lent pour cette heureuse

Matinée, l’arbre un peu trop

Chargé d’épaisseur tendre.

 

Le jardin transpirait

Au point du jour.

 

Il respire encore.

 

                           II

 

Vogue et scintille

Avant midi

Ce nuage.

 

(Il vient du sud), et nu

Le risque d’un azur

Quand sa blancheur l’éprouve

Dès qu’elle est suscitée.

 

Plus pure si possible

Que lui, touché par elle

Et dénoncé.

 

Ou son langage,

Ou son éclat.

 

                             III

 

On n’est pas heureux

Sous l’azur fragile.

 

En ce jardin je sais je ne sais quoi.

Les feuilles sont un peu plus larges,

Un peu moins vertes que leur nom.

 

L’azur enfante l’ombre

(Le fruit sa pourriture).

 

La terre aborde son silence

Qui l’attendait.

 

[...]

 

Jean Tortel, Relations, Gallimard, 1968, p. 29-31.

 

18/04/2014

Issa, Sous le ciel de Shinano

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pluies de printemps

réchappé des menus de fête

un canard chante

 

sous les cerisiers ce soir

aujourd'hui déjà

est bien loin

 

quiétude

au fond du lac

la cime des nuages

 

herbes échevelées

le froid se sent

rien qu'à vue d'œil

 

sur l'azur

tracer un caractère

— couchant d'automne

 

au soir

parlant avec la terre

les feuilles tombent

 

Issa, Sous le ciel de Shinano, choix et

traduction par Alain Gouvret et Nobuko

Imamura, Arfuyen, 1984, np.

08/06/2011

Mario Luzi, Pour le baptême de nos fragments

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Genera azzurro, l’azzurro,

si sfalda e si riforma

nelle sue terse rocce,

si erge in obelischi, scende

nelle sue colate e frane

di buio e trasparenza, migra

nell’azzurro fumigando, azzurro

in azzurro sempre —

    sale

su, a volte,

affonda

il desiderio

in quella luminosa carne

di quel nume

  di quel caos

ed ecco

gli si apre,

cielo, sì, e gorgo

lo spazio da ogni parte —

ma è lo spazio

quello ? o il tempo

prima e dopo il tempo, l’onnipresente ?

o l’uno e l’altro o niente di questo…

 

oscilla e vi si perde,

desiderio d’uomo

lasciato dalla sua storia, oh sola

felicità, s’inebria

egli di quella, non ha sede, non ha memoria…

 

 

L’azur engendre l’azur,

s’effrite et se reforme

dans ses roches limpides, s’érige en obélisques, dévale

ses coulées, ses éboulis

de nuit et transparence, migre

dans l’azur en fumant, azur

dans l’azur toujours —

il monte

parfois,

     il sombre

le désir

     dans la chair lumineuse

de ce génie

de ce chaos

       et voici

que s’ouvre à lui,

        ciel, oui, et gouffre

l’espace de toutes parts —

mais est-ce là

l’espace ? ou le temps

avant et après le temps, l’omniprésent ?

ou l’un et l’autre ou rien de cela…

 

il oscille et s’y perd,

désir d’homme

     abandonné par son histoire, oh seul

bonheur, dont il

s’enivre, il n’a pas d’assise, pas de mémoire…

 

Mario Luzi, Pour le baptême de nos fragments, traduit de l’italien par Philippe Renard et Bernard Simeone, Flammarion, 1987, p. 236-237.