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30/05/2022

Pierre Chappuis, La nuit moins profonde

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Que ne nous sépare pas

 

Que ne nous sépare pas, insensible abîme, le moindre écart.

 

Ce que nous étions, ce que nous sommes. N’ayant point souvenir des massifs d’ombre côtoyés, mouvants, dont les senteurs montaient à la tête.

 

 

Un courant de transparence, insensiblement, nous porte ; aurore, démarcation nulle.

 

Pierre Chappuis, La nuit moins profonde, éditions Empreintes, 2021, p.65.

 

 

31/01/2022

John Donne, Poésie

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Adieu : sur mon nom gravé sur un verre

 

I

         Mon nom gravé sur cette vitre

Communique ma fermeté au verre même

         Rendu par ce charme aussi dur

        Que l’instrument qui l’a gravé.

Ton œil lui donnera plus de prix qu’aux diamants

         Extraits de l’une et l’autre roche.

 

II

         Pour le verre, tout confesser

Et être autant que moi transparent, c’est beaucoup ;

         Plus encore, te montrer à toi-même,

         Offrant à l’œil l’image claire ;

Mais la magie d’amour abolit toute règle :

Là tu me vois et je suis toi.

 

III

         De même que nul point, nul trait

(De ce nom pourtant les simples accessoires),

         Averses ou tempêtes n’effacent,

         Tous les temps me verront de même :

Mais tu peux mieux encore intègre demeurer,

         Ayant près de toi ce modèle.

[...]

John Donne, Poésie, traduction Robert Ellrodt,

Imprimerie nationale, 1994, p. 161.

22/11/2019

Jacques Lèbre, Air

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          Poussière

 

Dans le rayon de soleil oblique

qui traversait la ggrande pièce à vivre

(je m’en souviens, c’était dans mon enfance

dans la maison des grands-parents maternels)

on voyait flotter des grains de poussière

pas plus gros que des atomes de brume

 

Des millions de lucioles de poussière

dansaient dans ce rayon lumineux

un peu comme dans le tube d’une éprouvette

alors qu’alentour dans toute la pièce

ce n’était que de l’air incolore inodore,

une sorte d’ombre pure et transparente,

mais transpercée par cette lance de soleil

à laquelle résistait le dossier du fauteuil.

 

Jacques Lèbre, Air, le phare du cousseix,

2019, p. 8.

© Photo Tristan Hordé

02/11/2019

Juan Gelman, Vers le sud, précédé de Notes

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Note XIX

 

homme / la vie est une chose

misérable / immortelle / ouvreuse

de blessures et douleurs / mais homme véritable /

regarde-la défaire

les tourments comme un bœuf humain

qui labourerait de l’autre côté de l’ombre /

ou qui te m’aimerait la transparence

pour souffrir pareillement

 

                                                  à jorge cedron

 

Juan Gelman, Vers le sud, précédé de Notes, traduction

de l’espagnol (Argentine) Jacques Ancet, Poésie /

Gallimard, 2014, p. 57.

15/04/2019

Esther Tellermann, Un versant l'autre

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Rose parfumée

trace un matin

     d’argent

l’eau exsude

la transparence

de la férule et

     du chardon.

Je voulus

morceau de vous

dans le vent

que l’instant

     vibre.

 

Esther Tellermann,

Un versant l’autre,

Flammarion, 2019, p. 59.

21/11/2014

Jean-Pierre Chambon, Tout venant

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À l'heure du petit déjeuner

la radio bourdonne dans la cuisine

la nuit n'a pas lavé le monde

de l'injustice et du malheur

comment vivre cette journée

 

Les mots

dans leur ombre insensée persiste

portant l'écho d'une voix à venir

le rêve d'une langue transparente

tenue en réserve depuis l'enfance

qui nous ferait traverser le miroir

et dirait enfin le secret des choses

 

Dans les carrés de lumière

que les fenêtres des immeubles

découpent sur la nuit

se démultiplient les silhouettes

d'un petit théâtre d'ombres

jouant les scènes triviales

de la fascinante

vie des autres

 

Jean-Pierre Chambon, Tout venant,

Héros-Limite, 2014, p. 108, 91, 187.

21/07/2012

Jean Daive, L'énonciateur des extrêmes

Jean Daive, L'énonciateur des extrême

Tard dans sa vie

le photographe André Kertész

met en scène  Elizabeth

sa femme qui vient de mourir

 

au moyen d'une figurine de verre

qu'il pose sur le rebord de la fenêtre

puis d'un buste de verre.

 

Il présente des transparences. Il conjugue

des transparences

ajoute une seconde figurine.

 

La lumière est mystifiée

en présence de deux anémones

un cœur de verre, un flacon

un fauteuil dépravant l'air.

 

Une existence à deux

recomposée, prise au polaroïd

se déroule translucide, transfigurée

jusqu'à une limpidité spectrale.

 

Un spectre

échappe à la trace

à l'empreinte, à la fouille

 

cœur et transparence, corps et transparence

langue et transparence, souvenir

et transparence — mémoire

glacée, vie glacée

 

ce monde photographié

proche, plus proche, très proche, familièrement

en équilibre sur l'accoudoir

d'un fauteuil

retient encore

le battement

le ciel bleu, le nuage passe —

d'une scène à l'autre, d'un buste

à l'autre

 

une archéologie à fond perdu —

                                                   se joue.

 

Jean Daive, L'énonciateur des extrêmes, éditions NOUS,

2012, p. 53-54.