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30/09/2024

Paul Éluard, Les yeux fertiles

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Hors de la masse

 

Une fenêtre en face

Est un trou noir

Un linge blanc s’en échappe

De perfection en perfection

De ciel en ciel

L’or têtu jette sa semence

 

Au son crevé des midis creux

Sur la fourchette des putains

Un bec de viande gonfle un air

D’usure et de cendre froides

La solitude des putains

 

Elles se cassent les vertèbres

À dormir debout et sans rêves

Devant les fenêtres ouvertes

Sur l’ombre coriace d’un linge.

 

Paul Éluard, Les yeux fertiles, dans

Œuvres complètes, I, Pléiade/Gallimard,

1968, p. 498.

14/12/2018

Paul de Roux, Entrevoir

 

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La condition humaine

 

« Si au moins je supportais l’alcool », dit-elle

(putain dans un roman célèbre)

et sa plainte depuis lors, souvent

me revient en mémoire : exclamation

qui exprime succinctement un manque

dans la condition qui nous est faite :

c’est que le vin, à en croire les poètes,

jette un voile pudique sur les nus fanés

et fait voir le monde à travers un bandeau

translucide comme la peau du raisin

et comme elle rose ou doré : il n’empêche

que l’hépatique, putain ou poète,

doit assurer à jeun son destin.

 

Paul de Roux, Entrevoir, préface de Guy

Goffette, Poésie / Gallimard, 2014, p. 263.

03/05/2014

Martial, DCL épigrammes recyclées par Christian Prigent

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III, 65

 

Haleine d'enfant qui mord dans un fruit,

Brise qui passa sur fleur de safran ;

Arôme de vigne aux grappes d'argent,

Le gazon aimé des dents de brebis ;

Le myrte épandu avec l'aromate.

L'ambre, l'encens d'orient qi éclate

Au feu pâle ; une pluie douce aux sillons,

Des cheveux brillants du nard des flacons ;

Voilà tout ce que sentent tes baisers.

Pourquoi donc veux-tu me les marchander ?

 

                               *

 

IV, 65

 

Elle pleure d'un seul œil à la fois

Impossible ? Non — mais borgne : voila !

 

                                 *

 

V, 13

 

J'ai pas un sou mais m'en bats l'œil :

Un peu partout j'ai des lecteurs

Qui s'écartent de mon soleil,

Disant : « C'est lui ! » — Que du bonheur !

Vivant, sur mes lauriers je dors

Mieux que bien d'autres déjà morts.

À toi tes cent mètres carrés,

Un coffre-fort plein  craquer,

Tes propriétés, tes chevaux,

Les revenus de tes troupeaux.

Y arriver, chacun le peut.

Mais être moi : essaie un peu !

 

                                   *

 

VII, 30

 

Putain romaine

Mais pute à Grecs.

Et si avec

Un Juif s'amène :

Putain pour lui.

Pute à Germains,

À Égyptiens,

Sand oublier

L'Indien bronzé

De la mer Rouge.

Elle se bouge

Le cul pour des

Petits Maltais,

Des grands Galois.

Même parfois

Tous à la fois.

Oui, mais voilà :

Pas de Romains.

Pour eux : « Tintin ! »

Dit la putain.

 

                             *

 

IX, 81

 

Mes lecteurs : « C'est bon ! »

Mes critiques : « Non ! »

Plutôt plaire aux invités

Que complaire au cuisinier.

 

Martial, DCL épigrammes recyclées par

Christian Prigent, P.O.L poche, 2014.