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03/11/2023

Jules Renard, Journal, 1887-1910

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Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.

On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.

Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.

Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.

Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.

Jules Renard, Journal, 1887-1910

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Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.

On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.

Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.

Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.

Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.

Jules Renard, Journal, 1887-1910

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Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.

On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.

Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.

Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.

Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.

Jules Renard, Journal, 1887-1910

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Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.

On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.

Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.

Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.

Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.

17/02/2022

Pierre Vinclair, L'Éducation géographique

pierre vinclair,l’Éducation géographique,écriture,littérature,sonnet

je vois deux stratégies d’écriture : tenter

vénérant la littérature, une Aufhebung

dans un livre total dont quelque qualité

         littéraire (arrêtée par un secret

 

décret de qui ?) produira quoi ? l’admiration

plutôt que le salut dont nous aurions besoin,

un dédommagement des quinze années perdues

         à donner une forme à ce machin ;

 

ou plus modestement, passer quelques minutes

à écrire un sonnet sans plus de raison d’être

         qu’un pensum affranchi par sa musique,

 

amusé, amusant avant de regagner

le cimetière des ratés prétentieux

         qu’on vénère au rayon littérature.

 

Pierre Vinclair, L’Éducation géographique, Flammarion, 2022, p. 253.

25/12/2021

Esther Tellermann, Nous ne sommes jamais assez poète

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                        La lettre brûle : Franz Kafka

 

(...) Tentative bien plus radicale que celle de Mallarmé qui voulut faire du livre un « fait-étant », celle de Kafka poursuit une tâche infinie sans passé ni avenir, missive de K. sans cesse reconduite vers un château improbable. L’arpenteur d’une langue d’accueil fera mission d’impossibles retrouvailles. Car la littérature est ce « rien » à quoi dans ce mystère l’écrivain se voue : château inatteignable, procès infini, machine infernale — à inscrire.

   Et c’est pourquoi le nom de Kafka ouvre à cette théologie négative du XXe siècle qui est encore la nôtre : se faire servant de la lettre, c’est savoir y être condamné. Dès lors mieux vaudrait la brûler, si toutefois sa marque indélébile n’étair la marque d’un nom – Kafka – qu’une vie ne suffit pas à défaire. Le travail de la herse de verre lisible au grand jour, inconscient écrit et restitué au corps d’une inscription sur un sujet qui, dans La Colonie pénitentiaire, s’y réduit.

 

Esther Tellermann, "La lettre brûle : Franz Kafka", dans Nous ne sommes jamais assez poète, La Lettre volée, 2014, p. 136.

05/12/2021

Paul Valéry, Cahiers, II, Littérature

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Pour faire des romans, il faut considérer les hommes comme des unités ou éléments bien définis.

Il fit ceci. Elle dit cela.

On oublie aisément que c’est fit et dit, ceci et cela qui définissent et construisent Il et Elle dans tous les cas possibles.

 

Paul Valéry, Cahiers II, Littérature, Pléiade/Gallimard, 1975, p.1206.

29/05/2020

Leopoldo Maria Panero, Le dernier homme, poésie 1980-1986

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Motus

 

C’était peut-être plus romantique

quand je griffais la pierre et que

je disais par exemple, en louant

les ombres depuis les ombres,

étonné de mon propre silence,

par exemple : « il faut

labourer l’hiver

et il y a des sillons, et des hommes dans la neige. »

Aujourd’hui les araignées me font signe doucement

depuis les coins de ma chambre, et la lumière vacille,

et je commence à douter qu’elle soit vraie :

l’immense tragédie

de la littérature.

 

Leopoldo Maria Panero, Le dernier homme, poésie 1980-1986, traduction de l’espagnol Rafael Garido, Victor Martinez et Cédric Demangeot, fissile, 2020, p. 89.

19/05/2019

Thomas Bernhard, Mes prix littéraires

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[après la publication de Gel]

 

   [...] lorsque le déluge de critiques, incroyablement violent et complètement contradictoire, des éloges les plus embarrassants aux descentes en flèche les plus féroces, a pris fin, je me suis senti d'un seul coup comme anéanti, comme si je venais de tomber sans rémission dans un épouvantable puits sans fond. J'étais persuadé que l'erreur d'avoir placé tous mes espoirs dans la littérature allait m'étouffer. Je ne voulais plus entendre parler de littérature. Elle ne m'avait pas rendu heureux , mais jeté au fond de cette fosse fangeuse et suffocante d'où l'on ne peut plus s'échapper, pensai-je à l'époque. Je maudissais la littérature et ma dépravation auprès d'elle et j'allais sur des chantiers pour finalement me faire engager en tant que chauffeur-livreur pour la société Christophorus, située sur la Klosterneuburgerstrasse. Pendant des mois j'ai fait des livraisons de bière pour la célèbre brasserie Gösser. Ce faisant, j'ai non seulement très bien appris à conduire des camions, mais aussi à connaître encore mieux qu'avant la ville de Vienne tout entière. J'habitais chez ma tante et je gagnais ma vie comme chauffeur de poids lourds. Je ne voulais plus entendre parler  de littérature, j'avais placé en elle tout ce que j'avais, et elle m'avait récompensé en me jetant au fond d'une fosse. La littérature me dégoûtait, je détestais tous les éditeurs et toutes les maisons d'édition et tous les livres. Il me semblait qu'en écrivant Gel, j'avais été victime d'une escroquerie gigantesque. J'étais heureux quand, dans ma veste de cuir, je m'installais au volant du vieux camion Steyr et sillonnais la ville en faisant vrombir le moteur. C'est là que se montrait toute l'utilité pour moi d'avoir appris à conduire des camions depuis longtemps, c'était une des conditions pour  obtenir un poste en Afrique auquel je m'étais porté candidat, des années auparavant, ce qui finalement ne s'était pas fait, en raison d'un concours de circonstances en réalité très heureux, comme je sais aujourd'hui.

 

Thomas Bernhard, Mes prix littéraires, traduit de 'allemand par Daniel Mirsky, "Du Monde entier", Gallimard, 2009, p. 41-42.

20/01/2019

Jules Renard, Journal 1887-1910

             Jules Renard, Journal 1887-1910, justice, socialiste, littérature, acteur, talent

Il y a une justice, mais nous ne la voyons pas toujours. Elle est là, discrète, souriante, à côté, un peu en arrière de l’injustice qui fait gros bruit.

 Un socialiste indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.

 Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.

 Travailler à n’importe quoi, c’est-à-dire faire de la critique.

 Combien d’acteurs paraissent naturels parce qu’ils n’ont aucun talent !

 

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade / Gallimard, 1965, p. 1094, 1096, 1097, 1104, 1107.

03/10/2017

Christian Prigent, Ça tourne, notes de régie

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Littérature = affrontement catastrophique à l’innommable. 

 

Je pars de ceci qui concerne empiriquement TOUS les êtres parlants : qu’aucun des discours positifs (science, morale, idéologie, religion…) ne rend compte de l’expérience que nous faisons intimement, chacun pour notre compte, du monde (de la manière dont le réel nous affecte). Parce que le monde (le monde dit « extérieur » société, politique, histoire — et le monde « intérieur » — nos « cieux du dedans » — mémoire, inconscient, imaginaire) ne nous vient pas comme sens, mais comme confusion, affects ambivalents, jouissance et souffrance mêlées, chaos, fuite, polyphonie insensée.

 

Christian Prigent, Ça tourne, notes de régie, L’Ollave, 2017, p. 22.

11/03/2017

Étienne Faure, Vues prenables

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Puis les crues avaient délogé les morts

et les cadavres d’animaux qi dormaient sous l’eau

en un boueux désordre.

Une table flottait dans la Seine,

à quel repas en aval conviée, emportée sans hâte

— ce fut à Rouen qu’elle s’arrêta

à l’auberge où Flaubert l’attendait

avec d’autres ; toute la littérature

était là, à boire, à dévorer,

à ne vouloir jamais sortir de l’auberge

que la pluie ne coupât leur vin.

La vie,

sous la besogne outrancière des mots,

ils l’attrapaient comme idée,

pouce, index et majeur ramassés en grappe,

à s’aider de ces mains veinées

où coule en transparence une vieille vendange,

puis pour ne pas finir dans le vin aigre d’un tonneau

juraient, raturaient, buvaient

et contre Accoutumance, chien commun

tirant sa renommée de grammairien

d’une langue asséchée dans le jardin des maîtres,

aux jours de pluie rêvaient la canicule, en crevaient,

belle outre de vin noir — c’était du vent.

 

Littérature

 

Étienne Faure, Vues prenables, Champ Vallon, 2009.

05/05/2016

Paul Valéry, Littérature

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                                     Littérature

 

   Si l’on se représentait toutes les recherches que suppose la création ou l’adoption d’une forme, on ne l’opposerait jamais bêtement au fond.

 

   Quand l’ouvrage a paru, son interprétation par l’auteur n’a pas plus de valeur que toute autre par qui que ce soit.

 

   Ce qui plaît beaucoup a les caractères statistiques. Des qualités moyennes.

 

   Dire qu’on a inventé la « nature » et même « la vie » ! On les a inventées plusieurs fois et de plusieurs façons…

   Tout revient comme les jupes et les chapeaux.

 

   Le nouveau n’a d’attraits irrésistibles que pour les esprits qui demandent au simple changement leur excitation maxima.

 

Paul Valéry, Œuvres, II, édition établie par Jean Hytier, Pléiade / Gallimard, 1960, p. 554, 557, 559, 560, 561.

15/01/2016

Samuel Beckett, Les années Godot, Lettres II, 1941-1956

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                                          Lettre à Georges Duthuit, 11/08/ 1948

   L’erreur, la faiblesse tout au moins, c’est peut-être de vouloir savoir de quoi l’on parle. À définir la littérature, à sa satisfaction, même brève, où est le gain, même bref ? De l’armure tout ça, pour un combat exécrable. Je crois savoir ce que vous ressentez, acculé à des jugements, même suggérés, seulement, chaque mois, enfin régulièrement, arrachés de plus en plus difficilement à des critères haïs. C’est impossible. Il faut crier, murmurer, exulter, intensément, en attendant de trouver le langage calme sans doute du non sans plus, ou avec si peu en plus. Il faut, non, il n’y a que ça apparemment, pour certains d’entre nous, que ce petit bruit de hallali insensé, et puis peut-être le débarras d’au moins une bonne partie de ce que nous avons cru avoir de meilleur, ou de plus réel, au prix de quels efforts, et peut-être l’immense simplicité d’une partie au moins du peu redouté que nous sommes et avons.

 

Samuel Beckett, Les années Godot, Lettres II, 1941-1956, Gallimard, 2015, p. 186.

20/11/2015

Angela Lugrin, En-dehors : recension

 

                                                 Angela Lugrin.jpg

   Les prisons ne sont plus des lieux où ceux qui ont été mis à l’écart de la société après jugement sont totalement abandonnés à eux-mêmes ; même si le nombre de prisonniers qui souhaitent suivre un enseignement reste faible, il est en progression. Angela Lugrin a enseigné la littérature à la prison de la Santé pour les épreuves de français du baccalauréat, avec au programme Le Cid et Les Liaisons dangereuses, et c’est ce travail d’un an qui est l’objet de En-dehors. On ne lira pourtant pas un compte rendu des difficultés à enseigner en milieu carcéral : elles ne sont pas plus importantes qu’au collège ; on apprendra plus sur sa manière de faire lire des textes ‘’classiques’’ à des détenus qui, dans leur vie présente, sont fort loin des subtilités de la littérature — l’un d’eux écrit d’ailleurs fort justement : « Mon état actuel ne me permet pas d’avoir les idées claires ». La professeure abandonne les schémas scolaires, fondant la lecture des textes sur les réactions de ces lecteurs particuliers, quitte à longuement argumenter pour mettre en cause des propositions pour le moins conventionnelles vis-à-vis des femmes et de la société. Ainsi, quand ils voient en Chimène le modèle négatif de toutes les femmes, elle explique que les mots sont les seules armes de la jeune femme ; sachant cependant que pour les prisonniers Chimène, comme elle l’écrit, « c’est un peu moi et mes papiers ». Cependant, le fait d’insister sur la validité de toute « lecture libre » qui s’appuie sur le texte, de rejeter la lecture d’autorité finit par avoir des effets : au fur et à mesure que l’étude des Liaisons dangereuses progresse, « on avance [...] dans le texte avec une vérité que je ne connais plus dans les écoles au-dehors des murs. » L’année s’achève avec le succès de plusieurs à l’examen, mais le récit d’Angela Lugrin, d’une certaine manière, relate moins ce qu’a été sa pratique d’enseignante que sa vision des prisonniers et ses propres rapports au monde.

   Dans En-dehors, le lieu ‘’prison’’ est ambigu ; pour ceux qui y sont enfermés, ce n’est pas un lieu « où la langue interroge sans fin l’aurore et les ruines » — la littérature — mais où seule la question de la libération a un sens. Angela Lugrin, elle, revient régulièrement à cette idée qu’elle abandonne à la porte de la prison « la précipitation de la vie », et qu’elle entre chaque fois « dans un espace à l’abri, une terre de l’enfance, un lac noir de chagrins d’adultes ». On comprend alors qu’elle écrive, quand elle en sort : « la porte qui s’ouvre sur la rue de la Santé, sur Paris [...], on ne peut pas dire que ce soit un retour à la réalité. Ce serait plutôt le retour à nos enfermements respectifs. » L’enfance qu’elle évoque, c’est d’abord la sienne, quand elle rencontrait les malades que soignait son père dans un hôpital psychiatrique, quand elle se souvient aussi d’un « vieux rêve, un rêve de l’enfance, un rêve de prison », quand elle s’imagine à l’écart de toute institution, un peu « brigand ».

   C’est pourquoi elle ne se demande pas pourquoi ses étudiants ont été jugés et enfermés, et ce n’est pas seulement parce que ce savoir risquerait alors de gêner sa pratique d’enseignante : pour elle, ce qu’elle cherche à retenir des prisonniers, c’est « ce qui leur reste, lorsque même le crime les a désertés » ; voyant par exemple dans un rêve deux jeunes détenus, ce qui la frappe c’est que « leur visage est celui d’enfants ». Cette enfance, elle est constamment présente, dans la « fragilité d’un regard », dans une voix, dans la lecture d’un texte ou quand un détenu tombe de sa chaise : sa chute provoque un rire général et « ils sont comme des enfants et j’ai encore le rôle de la maîtresse ». Parallèlement, dépouillés de leur passé, de leur échec à vivre au dehors, tous lui apparaissent beaux ; son frère, médecin, peut lui reprocher d’en faire des « portraits angéliques », elle les voit cependant « comme des pauvres, ou des seigneurs d’un autre âge » et, devant des initiales tatouées (VMI), elle écrit « je trouve ça beau » quand on lui en donne le sens, ‘’vaincu mais indompté’’.

   Si l’on ne retenait que ces passages du livre, on parlerait de fascination pour le monde carcéral. Les choses ne sont pas si simples. Angela Lugrin n’ignore pas du tout la violence qui règne dans la prison, pas plus que celle qui y a conduit ses étudiants ; elle observe aussi que l’enfermement marque les corps jusque dans la démarche et elle a en tête cette remarque d’un détenu, « Vous ne pouvez rien pour nous ». Plus encore, elle a vite compris qu’il lui fallait être « en-dehors », refuser toute ambiguïté dans sa relation avec les uns et les autres, pas au nom d’on ne sait quel principe mais pour conserver le regard particulier qu’elle porte sur les détenus, et il faut bien entendre ce qu’elle définit comme ‘’distance’’ ; « La distance comme une pudeur, une prudence face au réel de la douleur. Si la distance est trahie, la beauté disparaît, l’impensable peut surgir. »

Angela Lugrin, En-dehors, éditions isabelle sauvage, 160 p., 18 €.