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12/09/2019

Novarina, Le Théâtre des paroles

 

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Tout acteur qui entre en scène, c’est un qui veut quitter l’homme, un qui passe devant tous pour y détruire ses chairs, ses verbes, ses corps et ses esprits. L’homme avance sur le théâtre pour ne plus s’y reconnaître. L’acteur émet des figures négatives, détruit les gestes qu’on nous prête et les mots qu’on prétend.

 

Valère Novarina, Le Théâtre des paroles, P. O. L, 2017, p. 173.

20/01/2019

Jules Renard, Journal 1887-1910

             Jules Renard, Journal 1887-1910, justice, socialiste, littérature, acteur, talent

Il y a une justice, mais nous ne la voyons pas toujours. Elle est là, discrète, souriante, à côté, un peu en arrière de l’injustice qui fait gros bruit.

 Un socialiste indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.

 Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.

 Travailler à n’importe quoi, c’est-à-dire faire de la critique.

 Combien d’acteurs paraissent naturels parce qu’ils n’ont aucun talent !

 

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade / Gallimard, 1965, p. 1094, 1096, 1097, 1104, 1107.

17/04/2016

Aragon, Théâtre / Roman

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Thérèse, ou L’acteur ne parvient pas à s’endormir

 

   Des pas dans l’épaisseur des murs des meubles, des méandres

   De ma mémoire Des soupirs Ce que je fus ce que je suis

   Me tiennent éveillé La maison la rue À cette heure de l’ombre

   Tous les bruits les plus bas les plus forts Un passant

   Qui me ressemble les freins d’une voiture et je n’arrive pas

   À comprendre si c’est au dehors ou dans moi

   Tous les bruits sont contre-nature

 

   J’écoute invinciblement j’écoute la rumeur mortelle de ma vie

   J’entends battre un volet la voile d’un navire

   Un vent je ne sais d’où venu m’apporte de partout

   Le chant morne des drapeaux en berne

 

   Je chavire ou le lit Je m’enfonce je verse

   Vers toi ma Terre qui m’attires

   Comme tu fais le plomb

 

   Terre ma femme ma faiblesse à la fois

   Et ma force

   Terre ma terre où je tombe

   Terre profonde à mon fléchir

   À la mesure de ma pesée

   Terre couleur de mon sommeil

   Terre ma nuit mon insomnie

 

Aragon, Théâtre / Roman, Gallimard, 1974, p. 217-218.

 

01/12/2015

Étienne Faure, Ciné-plage

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T’as perdu ta langue

 

T’as perdu ta langue — effroyablement seule

et soudain exacte est la phrase

entendue quand on se sait plus —­ stupeur —

lire, écrire, ni rêver dans la langue

qu’on avait crue acquise de longue date,

à cet instant frappé d’hébétude

de n’avoir su garder racine en elle,

mots précaires, locutions locales

qui s’immisçaient vaguement jusqu’à l’âme,

et que noué jusqu’à la glotte par l’émotion

de la perte on revit le mutisme

de l’enfant d’alors qui savait à peine

la langue qu’on lui parlait quand l’autre,

la maternelle, était déjà en voie de partance

sans plus d’espoir de la retrouver, enfouie,

t’as perdu ta langue.

 

perdue

                         ***

Entrée, sortie

 

Qui est là — et voilà, debout

après les trois coups pour entrer dans l’histoire

à dormir sur les planches, il déclame

face aux assis en rang sur les fauteuils

qui attendront la fin, cramoisis, pour éclater,

ou transis regardent dans leurs lorgnettes

l’avenir de loin,

entrer le vieil acteur au teint farineux,

un crâne en plastique à la main pour dire,

mis en branle par le corps, son texte

appris par cœur, lui donner le souffle

que la langue et la voix fusionnent

dans l’illusion qui se fait attendre

jusqu’à l’applaudissement, premier rappel

quand, se dit-il, revenu à pas caverneux pour saluer,

le tour est joué.

ceci est du théâtre

 

Étienne Faure, Ciné-plage, Champ Vallon, 2015,

  1. 103 et 118.

 

 Rencontre avec Étienne Faure et lecture, le mercredi

9 décembre, à partir de 19h à la librairie "Libralire",

116, rue St-Maur, Paris, 75011.