15/09/2023
Robert Desnos, Rrose Sélavy
Rrose Sélavy
1.Dans un temple en stuc de pomme le pasteur distillait le suc des psaumes.
7. Ô mon crâne, étoile de nacre qui s’étiole.
10. Rrose Sélavy se demande si la mort des saisons fait tomber un sort sur les maisons.
19. Rrose Sélavy voudrait bien savoir si l’amour, cette colle à mouches, rend plus dures les molles couches.
21. Croyez-vous que Rose Sélavy connaisse ces jeux de fous qui mettent le feu aux joues ?
Robert Desnos, Domaine public, Gallimard, 11953, p.39, 39, 40, 40, 41.
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14/09/2023
Tristan Tzara, Où boivent les loups
errer errer dans une tête pleine
où j’attends la seule l’absente
la mal choisie d’entre les belles
la pierre au cou
par les profondes ruelles du sourire
tant d’hommes s’égarent près du pont
toujours partie — ni rides ni vents
parmi les rares
vieille l’ombre s’est rompue
de la branche sans amis
et la dernière est morte
qui voulait revivre une jeunesse morte
toute le neige toute
le ciel où demeurent toutes
ancrées désespérément
dans un cri — d’avoir trop compris
Tristan Tzara, Où boivent les loups, dans
Œuvres complètes, 2, 1925-1933, éditions
Henri Béhar, Flammarion, 1977, p. 207.
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13/09/2023
Robert Desnos, Les Ténèbres
Il fait nuit
Tu t’en iras quand tu voudras
Le lit se ferme et se délace avec délies comme un cordet de velours noir
Et l’insecte brillant se pose sur l’oreiller
Éclate et rejoint le Noir
Le flot qui martèle arrive et se tait
Samos la belle s’endort dans l’ouate
Clapier que fais-tu des drapeaux ? tu les roules dans la boue
À la bonne étoile et au fond de toute boue
Le naufrage s’accentue sous la paupière
Je conte les flacons de nuit et je les range sur une étagère
Le ramage de l’oiseau de bois se confond avec le bruit des bouchons en forme de regard
N’y pas aller n’y pas mourir la joie est de trop
Un convive de plus à la table ronde dans la clairière de vert émeraude et de heaumes retentissants près d’un monceau d’épées et d’armures cabossées
Nerf en amoureuse lampe éteinte de la fin du jour
Je dors
Robert Desnos, Les Ténèbres, dans Domaine public, Gallimard, 1953, p. 132.
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Tristan Tzara, Où boivent les loups
il y a des heures, blanches épreuves
qu’engloutissent les maudites
sur le fente irréductible
d’un espoir trop plein
il y a tant de sens à l’aube qui sombrent
qu’il n’y ait qu’une aube de ce monde
seule et qu’elle ne fut que l’ombre
d’une raison parée de mille méduses
de ses clairs éclats ou des cendres
revivront les souffles oubliés
dans une aube nouvellement débordante
de vérités dures de pierres dures
et les aubes écrasées dans l’invisible sang
en laine au regard du fer jaloux
d’une croissance si pesante si grave
que le jour ne résiste au sourire avançant
dans la chaleur des mortifications où brûle encore
la constance du verre et se rue et se délasse
le tourment hideux de la vague à voir sans repos
Tristan Tzara, Où boivent les loups, dans Œuvres compères, 2,
1925-1933, éditions Henri Béhar, Flammarion, 1977, p. 233.
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12/09/2023
Tristan Tzara, L'homme approximatif
XII
le temps laisse choir de petits poucets derrière lui
il fauche les fines molécules sur les prairies d’eau
il dompte les poches d’air traverse leur jungle
il coupe le verde la vague et de chaque moitié s’illumine un papillon
dans le volcan il se faufile le long d’une note de violon
il boucle le cours filant du verre dans les fines heures de transparence
là où nos sommeils bousculent la chantante nourriture de lumière
Tristan Tzara, L’homme approximatif, dans Œuvres complètes 2, 1925-1933,
édition Henri Béhar, Flammarion, 1977, p. 131.
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11/09/2023
Tristan Tzara, L'arbre des voyageurs
à tour de rôle vainqueurs nous avons tous vaincus
dits et redits broyés — liseurs d’ombres —
aux enchères d’impossible quel survivant repentir
vous fera revivre l’un pour l’autre
ou trancher le nœud malade sans reproche
la perfidie des crimes où l’amère blancheur
se répand sur les seins san reproche
de tes nuits voyageur de dépit
nuits voyageuses je n’ai vu que clartés
de fruits charnus dans la chaleur de l’un et de l’autre
qu’une cruauté nouvelle vienne froissée dans l’enveloppe
toujours tu m’entendras venir dans le sang du mauvais signe
à l’aube elle se perd
au départ elle se regarde partir
la soir la fatigue
comme ma tête ne sait se reposer
Tristan Tzara, L’arbre des voyageurs, dans
Œuvres complètes, 2, 1925-1933, édition
Henri Béhar, Flammarion, 1977, p. 75.
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10/09/2023
Tristan Tzara, Premiers poèmes
Un beau matin aux dents fermées
je change le train en plume sonore
le pays n’a qu’un seul insecte
la maison aux narines d’or
est remplie de phrases correctes
découpons l’échelle matinale
de l’air et les nerfs de l’air
en différences irisées en cris de mal
pourquoi se regarder dans le blanc de l’air
Tristan Tzara, Premiers poèmes, dans Œuvres Complètes, I
(1912-1924), édition Henri Béhar, Flammarion, 1976, p. 217.
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09/09/2023
Tristan Tzara, Premiers poèmes
La mort de Guillaume Apollinaire
nous ne savons rien
nous ne savions rien de la douleur
la saison amère du froid
creuse de longues traces dans nos muscles
il aurait plutôt aimé la joie de la victoire
sages sous les tristesses calmes en cage
ne pouvoir rien faire
si la neige tombait en haut
si le soleil montait chez nous pendant la nuit
pour nous chauffer
et les arbres pendaient avec leur couronne
-
-
-
-
- unique pleur —
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si les oiseaux étaient parmi nous pour se mirer
dans le lac tranquille au-dessus de nos têtes
ON POURRAIT COMPRENDRE
la mort serait un beau voyage
et les vacances illimitées de la chair des structures et des os
Tristan Tzara, Premiers poèmes, dans Œuvres Complètes, I,
(1912-1924), édition Henri Béhar, Flammarion, 1976, p. 209.
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08/09/2023
Tristan Tzara, Premiers poèmes
Incertitudes
J’ai sorti le vieux rêve de la boîte comme tu sors un chapeau
Quand tu mets la robe aux boutons nombreux
Comme tu sors le lièvre par les oreilles
Quand tu retournes de la chasse
Comme tu choisis la fleur parmi les mauvaises herbes
Et l’ami parmi les courtisans
Voici ce qui m’est arrivé
Lorsque vint le soir lentement comme un insecte
Pour beaucoup le remède qu’il leur faut
À l’heure où j’allume en mon âme un feu de branches mortes
Je me suis couché. Le sommeil est un jardin clôturé de doute
On ne sait pas ce qui est vrai, ce qui ne l’est pas
On pense que c’est un voleur et l’on tire au fusil
Ensuite le bruit court que c’était un soldat
Avec moi ce fut tout à fait pareil
C’est pourquoi je t’ai appelée pour me dire — sans faute
Ce qui est vrai — ce qui ne l’est pas.
Tristan Tzara, Premiers poèmes, dans Œuvres Complètes, I
(1912-1924), édition Henri Béhar, Flammarion, 1976, p. 45.
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07/09/2023
Li Bai, Florilège
Pensée d’une nuit calme
La lune luit, claire, devant mon lit,
On jurerait le sol couvert de givre.
Levant les yeux, j’ai la lune qui luit ;
Baissant les yeux, mon pays de revivre.
*
Dans la cité de la Luo, une nuit de printemps, j’entends une flûte
Chez qui la flûte en jade au son qui vole noir ?
Grâce au vent de printemps la ville en est emplpie !
J’entends « Coupons un saule ! » au sein des airs du soir ;
Qui donc du vieux jardin ne sent la nostalgie ?
Li Bai, Florilège, traduit du chinois, présenté et annoté par
Paul Jacob, Connaissance de l’Orient/Poésie /Gallimard,
2023, p. 165, 166.
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06/09/2023
Li Bai, Florilège
Trois, cinq, sept mots
Par le vent de l’automne
Dont la lune rayonne
Feuilles, tombant, s’assemblent et s’en vont ;
Le corbeau froid se perche puis frissonne.
Pour nous aimer et pour nous voir, quel jour ? le connait-on ?
En ce moment, en cette nuit, ce qu’on sent s’emprisonne.
*
Sentiment de peine
Une beauté lève un store fluide,
S’assoit, et fronce un sourcil papillon.
Si de ses pleurs on voit la trace humide,
À qui son cœur en veut-il ? Le sait-on ?
Li Bai, Florilège, traduit du chinois, présenté
et annoté par Paul Jacob, Connaissance de
l’Orient/Poésie /Gallimard, 2023, p. 97 et 99.
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05/09/2023
Olivier Domerg, La Verte traVersée
VERT, la rassérénante vibration !
VERT, l’apaisante ivresse du regard !
VERT, la puissance des commencements ;
Champ des possibles et des rénovations,
Virginité toujours réactivée !
VERT pur de l’herbe pure dans l’air pur :
Fraîcheur. Espace un brin velouté,
Le Cantal aura pour nous cet égard !
La peau du monde est la peau du mont,
Douce, et caressante au toucher, bien sûr !
Les sensations sont celles du dehors :
VERT, le vif surgissement de la flore !
Les vagues, nous viennent, plus lumineuses,
VERT, l’émotion de l’émulsion herbeuse !
Aucun mot ne rend grâce à la prairie,
À son assomption, son événement.
C’est une ouverture, une épiphanie ;
N’y cherchez pas l’ombre d’un sentiment :
Elle exprime le besoin nécessaire
Que nous avons du VERT, parfois du VERS.
Olivier Domerg, La Verte traVersée,
L’Atelier contemporain, 2022, p. 278-279.
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04/09/2023
Olivier Domerg, La Verte traVersée
Haut-plateau herbu, sitôt quittées les
Zones qui le gangrènent — cancer des
ZI et des ZAC, dépeçant le "PARC" ;
Ce mol foisonnement de la prairie
D’habitude de part en part fleurie,
Et vaguement compartimentée par
Des restes de haies / murets / barbeLAIDS —
Et bientôt relief des monts en pâture,
Cette « douce et odorante vêture »
Occultant l’ancien volcan(TAL ?),
dessous,
Par-ci ou par-là des vaches paissent,
Prés cloisonnés de murets (pierre sèche)
À demi-écroulés et de clôtures.
Gazouillis d’oiseaux malgré la rature
Sonore des camions et des voitures,
Sur la route bientôt paysagère,
Même lorsqu’elle suit une rivière
Qui court, coupant l’épais tapis herbu,
Au fond d’une vallée lovée en « U » :
Trait vif et tortueux que l’eau éclaire !
Olivier Domerg, La Verte traVersée,
L’atelier contemporain, 2022, p. 7.
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