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13/09/2023

Robert Desnos, Les Ténèbres

 

                         

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Il fait nuit

Tu t’en iras quand tu voudras

Le lit se ferme et se délace avec délies comme un cordet de velours noir

Et l’insecte brillant se pose sur l’oreiller

Éclate et rejoint le Noir

Le flot qui martèle arrive et se tait

Samos la belle s’endort dans l’ouate

Clapier que fais-tu des drapeaux ? tu les roules dans la boue

À la bonne étoile et au fond de toute boue

Le naufrage s’accentue sous la paupière

Je conte les flacons de nuit et je les range sur une étagère

Le ramage de l’oiseau de bois se confond avec le bruit des bouchons en forme de regard

N’y pas aller n’y pas mourir la joie est de trop

Un convive de plus à la table ronde dans la clairière de vert émeraude et de heaumes retentissants près d’un monceau d’épées et d’armures cabossées

Nerf en amoureuse lampe éteinte de la fin du jour

Je dors

 

Robert Desnos, Les Ténèbres, dans Domaine public, Gallimard, 1953, p. 132.

25/05/2016

Ariane Dreyfus, Iris, c'est votre bleu

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Je veux bien essayer au bord mais avec toi.

 

Je vois ta main ton bras, et le deuxième aussi m’entoure quand la lumière baisse.

Chacun s’allonge avec l’autre, calmant son ombre.

 

Un doigt parfois suffit

Au vertige de te toucher

Pas disparu

 

Et puis le ciel !

 

Qui restera,

Lui, immense,

Mais toi aussi, immense et tiède.

 

Serrée entre tes bras et le regard sur la montagne,

Je ne l’aime pas autant, l’éternelle,

Tendres flancs humains.

 

C’est léger une main qui caresse, qui va revenir,

Si légère que nous continuons.

 

Il faut car le temps nous pose plus haut.

 

Ariane Dreyfus, Iris, c’est votre bleu, Le Castor Astral,

2008, p. 30-31.

17/01/2016

Gaspara Stampa (1523-1554), Poèmes

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   Pleurez, dames, et toi amour, pleurez ensemble,

car il ne pleure pas celui qui tellement

me blessa, que bientôt mon âme va quitter

     ce corps supplicié !

 

   Et si jamais cœur noble et sensible exauça

les ultimes soupirs d’une voix qui s’éteint,

lors, par vos soins, ma sépulture portera

     la cause de mes peines.

 

   « Un grand amour trop mal aimé fut le malheur

de ma vie, et j’en suis morte. Ici repose

     l’amoureuse la plus fidèle du monde.

 

   Tes prières, passant, pour qu’elle dorme en paix,

victime qui t’enseigne à ne point t’attacher  

     à cœur cruel toujours insaisissable. »

 

   Piangete, donne, e con voi pianga, Amore,

poi che non piange lui, che m’ha ferita

si, che l’alma farà tosto partita

da questo corpo tormentato fuore.

 

   E, s emai da pictoso e gentil core

l’estrema voce altrui fu essaudita,

dapoi ch’io sarò lorta e sepelita,

scrivete la cagion del mio dolore :

 

   « Per amar molto ed esser poco amata

visse e morì infelice, ed or qui giace

la più fidel amante che sia stata.

 

   Pregale, viator, riposo e pace,

od impara da lei, si mal trattata,

a non seguir un cor ceudo e fugace. »

 

Gaspara Stampa, Poèmes, traduction Paul Bachmann,

Poésie / Gallimard, 1991, p. 105 et 104.

11/07/2013

Jude Stéfan, Disparates

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1930

 

          ce dimanche

l'amoureuse penche la tête

au mont des martyrs à la

goutte d'or des vignes

la conductrice de tramway

sur l'épaule reconquise

du chiffonnier aux guenilles

que les yeux meurent les premiers

et les ongles les derniers Ils

          s'en raillent

          en chantonnant

en descendant enlacés vers

          la rumba la java

          par les rampes

vers les casquettes et les tournures

          suées et fumées

          avant de s'aliter

pour s'enlanguer s'endormir vers

          leur lendemain ouvrable

 

 

Jude Stéfan, Disparates, Gallimard, 2012, p. 27.

©Photo Chantal Tanet