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09/09/2023

Tristan Tzara, Premiers poèmes

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          La mort de Guillaume Apollinaire

 

                           nous ne savons rien

                  nous ne savions rien de la douleur

la saison amère du froid

                           creuse de longues traces dans nos muscles

il aurait plutôt aimé la joie de la victoire

                           sages sous les tristesses calmes     en cage

                                                            ne pouvoir rien faire

                           si la neige tombait en haut

si le soleil montait chez nous pendant la nuit

                                                            pour nous chauffer

                  et les arbres pendaient avec leur couronne

          • unique pleur —

si les oiseaux étaient parmi nous pour se mirer

dans le lac tranquille au-dessus de nos têtes

                                          ON POURRAIT COMPRENDRE

                           la mort serait un beau voyage

et les vacances illimitées de la chair des structures et des os

 

Tristan Tzara, Premiers poèmes, dans Œuvres Complètes, I,

(1912-1924),  édition Henri Béhar, Flammarion, 1976, p. 209.

08/09/2023

Tristan Tzara, Premiers poèmes

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                            Incertitudes

 

J’ai sorti le vieux rêve de la boîte comme tu sors un chapeau

Quand tu mets la robe aux boutons nombreux

Comme tu sors le lièvre par les oreilles

Quand tu retournes de la chasse

Comme tu choisis la fleur parmi les mauvaises herbes

Et l’ami parmi les courtisans

 

Voici ce qui m’est arrivé

Lorsque vint le soir lentement comme un insecte

Pour beaucoup le remède qu’il leur faut

À l’heure où j’allume en mon âme un feu de branches mortes

Je me suis couché. Le sommeil est un jardin clôturé de doute

On ne sait pas ce qui est vrai, ce qui ne l’est pas

On pense que c’est un voleur et l’on tire au fusil

Ensuite le bruit court que c’était un soldat

Avec moi ce fut tout à fait pareil

C’est pourquoi je t’ai appelée pour me dire — sans faute

Ce qui est vrai — ce qui ne l’est pas.

 

Tristan Tzara, Premiers poèmes, dans Œuvres Complètes, I

(1912-1924),  édition Henri Béhar, Flammarion, 1976, p. 45.

21/10/2020

T. S. Eliot, Premiers poèmes

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                  Matin à la fenêtre

 

La vaisselle du breakfast tinte dans les sous-sols

Et le long des trottoirs piétinés de la rue

J’ai conscience que l’âme humide des servantes

Perce languissamment aux entrées de service,

 

Les vagues rousses du brouillard lancent sur moi

Du fin fond de la rue des visages distors

Tirant d’une passante à la jupe boueuse

Un sourire sans but qui flotte dans les airs

Et s’évanouit le long des toits.

 

                                             Oxford, 1915

 T. S. Eliot, Premiers poèmes, dans Poésie, traduction

Pierre Leyris, Seuil, 1969, p. 19.