16/08/2019
Vitezslav Nezval, Prague aux doigts de pluie
Maïakovski à Prague
Entre les coiffeurs et les popes
Un athlète agile comme une antilope
Ses jeux préférés c'étaient
Les vers et le revolver à tambour
Qui veut de la vodka qui se bouche les intestins
Gauche gauche gauche
Quand Maïakovski vint à Prague
J'étais dans un théâtre au vestiaire
Haut-de-forme de maître de poste
Qu'il est impossible d'enlever
C'était futuriste
Comme nos vies brèves
Et comme ce passant superbe
Qui boitait de la jambe gauche
Il avait l'air trop sérieux pour un poète
Il était trop empâté pour une grenouille
Ah tout ce qui serait arrivé
Si la veste et la fiancée étaient de la même cuvée
C'était de la honte
Que naît la haine
Comme les éléphants il dédaignait toute chose
Plus le ciel est lointain plus il est monotone
Surtout dans les bars
Où n'importe qui admire le charlatan
Il l'avait vu danser à Harlem
Il aimait les palmiers autant que les pommes de terre
Des volets
Et Maïakovski est mort
Lui qui pleurait dès qu'il était seul
Tu connais cela et moi aussi je connais cela
Comme nous aimons Prague
Chaque fois qu'il venait quelqu'un de là-bas
Les tavernes et les ménages bouleversés
Et la Voltava tout à coup séduisante
comme une baigneuse
Nous nous éloignons dans la nuit
À l'angle d'une rue Maïakovski agite son chapeau
Tu te jettes tête baissée
Dans des vers indéfinissables comme la nuit
Et Prague est de nouveau vivante
Le charme des blondes de la petite charcuterie
Comme les ouvrières sont belles
Et nous ne le savions pas
Tu marches et tu parles
Les perspectives défilent
Belles et usées
Comme ton manteau marron
Je connais dans les faubourgs un immeuble
Auquel il ressemble
Comme la poésie à la réalité
Et comme la réalité à la poésie sa demi-sœur
Vitezslav Nezval, Prague aux doigts de pluie, et autres poèmes
(1919-1955), traduit du tchèque par François Kérel,
préface Philippe Soupault, Les Éditeurs Français Réunis,
1960, p. 63-64.
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15/08/2019
Elizabeth Browning, Poèmes portugais
Comment je t'aime ? — Laisse m'en compter les façons ! —
Je t'aime du profond, de l'ampleur, de la hauteur
Qu'atteint mon âme, quand elle se sent à l'écart
Des fins de l'Être et de la Grâce Parfaite.
Je t'aime à la mesure du besoin quotidien
Le plus paisible, au soleil et à la bougie.
Je t'aime librement, comme on tend au Droit, —
Je t'aime purement comme on fuit l'Éloge !
Je t'aime avec la passion que je mettais jadis
Dans mes chagrins... et avec ma foi d'enfant.
Je t'aime de l'amour que j'avais cru perdre
Avec mes mots sacrés ! — Je t'aime du souffle,
Des rires, des pleurs, de toute ma vie ! — et, si Dieu veut,
Je t'aimerai plus encore après la mort.
How do I love you ? —Let me count the ways!—
I love thee to the depht & breadth & height
My soul can reach, when feeling out of sight
For the ends of Being and Ideal Grace.
I love thee to the level of everyday's
Most quiet need, by sun & candlelight.
I love thee freely, as men strive for Right, —
How thee purely, as they turn from Praise !
I love thee with the passion, put to use
In my old griefs,... ad with my childhood's faith.
I love thee with th e love I seemed to lose
With my lost Saints ! —I love thee with the breath,
Smiles, tears, of all my life!—and, if God choose,
I shall but love thee better after death.
Elisabeth Barrett Browning, Sonnets portugais, traduction
de l'anglais et présentation de Claire Malroux, Le Bruit
du Temps, 2009, p. 107 et 106.
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14/08/2019
Jean Tardieu,Comme ceci comme cela
Au conditionnel
Si je savais écrire je saurais dessiner
Si j'avais un verre d'eau je le ferais geler et
je le conserverais sous verre
Si on me donnait une motte de beurre je
la ferais couler en bronze
Si j'avais trois mains je ne saurais où
donner de la tête
Si les plumes s'envolaient si la neige fondait
si les regards se perdaient, je
leur mettrais du plomb dans l'aile
Si je marchais toujours tout droit devant
moi, au lieu de faire le tour du
globe j'irais jusqu'à Sirius et
au-delà
Si je mangeais trop de pommes de terre je
les ferais germer sur mon cadavre
Si je sortais par la porte je rentrerais
par la fenêtre
Si j'avalais un sabre je demanderais
un grand bol de Rouge
Si j'avais une poignée de clous je les
enfoncerais dans ma main
gauche avec ma main
droite et vice versa.
Si je partais sans me retourner, je
me perdrais bientôt de vue.
Jean Tardieu, Comme ceci comme cela, Gallimard, 1979, p. 65.
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13/08/2019
Jacques Réda, Les ruines de Paris
Car finalement nous ne sommes, me confie ce livreur, que de passage et pour très peu de temps sur terre, mais trop de gens ont tendance à l’oublier Si bien que tout se déroule à l’envers de ce qui devrait être : partout la haine au lieu de l’amour. Tels sont les propos qu’il me tient dans une langue aussi difficile à reproduire que son accent : le parigot où sous la gouaille pointe une espèce de morgue. Nous en sommes arrivés là, d’ailleurs, je ne sais comment : parce que les feux de l’avenue de Suffren restent bloqués au rouge, et que cet embouteillage invite à la méditation. Lui je suppose qu’il livre, qu’il en infère de même pour moi : la grosse boîte qu’un sandau arrime derrière ma selle (et où je transporte en fait des lettres, des brouillons, des élastiques, des disques rares et coûteux de Sonny Clarke ou d’Eddie Costa), la casquette rabattue sur une face plutôt brutale, le k-way avec trois rayures blanches le long des bras. Et c’est vrai que d’une certaine manière on se ressemble, pas rien que par le vêtement. Mais je me borne à opiner sobrement de la tête, je ne risque pas un mot. Si je n’avais énoncé, moi, que le tiers de ce début d’évangile, aussitôt j’en suis sût il m’aurait traité de cureton. Cependant c’est à cela qu’il songe tandis qu’il patiente ou qu’il fonce, j’y pense aussi parfois. Ainsi donc un moment anonymes au coude à coude, dans le brassage hostile des moteurs, peut-être qu’on s’aime, qu’on se comprend. Mais enfin tout le carrefour se remet à clignoter orange : il rentre à fond dans le paquet, se faufile, me sème, puis, tout à coup, se retourne, et (appelons les choses par leur nom), se fend la tirelire, carrément.
Jacques Réda, Les Ruines de Paris, Gallimard, 1977, p. 60-61.
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12/08/2019
Eugène Fromentin, Les Maîtres d'autrefois
Pendant des siècles, on a cru, on croit encore dans beaucoup d’écoles qu’il suffit d’étendre des teintes aériennes, de les nuancer tantôt d’azur et tantôt de gris pour exprimer la grandeur des espaces, la hauteur du zénith et les ordinaires changements de l’atmosphère. Or considérez qu’en Hollande un ciel est souvent la moitié du tableau, quelquefois tout le tableau, qu’ici l’intérêt se partage ou se déplace. Il faut que le ciel se meuve et nous transporte, qu’il s’élève et qu’il nous entraine ; il faut que le soleil se couche, que la lune se lève, que ce soit bien le jour, le soir et la nuit, qu’il y fasse chaud ou froid, qu’on y frissonne, qu’on s’y délecte, qu’on s’y recueille. Si le dessin qui s’applique à de pareils problèmes n’est pas le plus noble de tous, du moins on peut se convaincre qu’il n’est ni sans profondeur ni sans mérites. Et si l’on doutait de la science et du génie de Ruysdael et de Van der Neer, on n’aurait qu’à chercher dans le monde entier un peintre qui peigne un ciel comme eux, dise autant de choses et les dise aussi bien. Partout c’est le même dessin serré, concis, naturel, naïf, qui semble le fruit d’observations journalières, qui, je l’ai fait entendre, est savant et n’est pas su.
Eugène Fromentin, Les Maîtres d’autrefois, dans Œuvres complètes, Texte établi, présenté et annoté par Guy Sagnes, Pléiade / Gallimard, 1984, p. 663.
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11/08/2019
Cesare Pavese, Travailler fatigue
La putain paysanne
Le grand mur qui est en face et clôture la cour
a souvent des reflets d’un soleil enfantin
qui rappellent l’étable. Et la chambre en fouillis
et déserte au matin, quand le corps se réveille,
sait l’odeur du premier parfum gauche.
Même le corps enroulé dans le drap est pareil à celui
des premières années, que le cœur bondissant découvrait
On s’éveille déserte à l’appel prolongé
du matin et dans la lourde pénombre resurgit
la langueur d’un autre réveil : l’étable
de l’enfance et le soleil ardent pesant las
sur les seuils indolents. Léger,
un parfum imprégnait la sueur coutumière
des cheveux, et les bêtes flairaient. Le corps
jouissait furtivement de la caresse du soleil
insinuante et paisible comme un attouchement.
La langueur du lit engourdit les membres étendus,
jeunes et trapus, presqu’encore enfantins.
L’enfant gauche flairait les senteurs
du tabac et du foin et tremblait au contact
fugitif de l’homme : elle aimait bien jouer.
Quelquefois elle jouait étendue dans le foin
avec un homme, mais il ne humait pas ses cheveux :
il cherchait dans le foin ses membres contractés,
puis il les éreintait, les brisant comme l’eût fait son père.
Comme parfum, des fleurs écrasées sur les pierres.
Bien souvent, pendant le long réveil
revient cette saveur sure des fleurs lointaines,
d’étable et de soleil. Aucun homme ne sait
la subtile caresse de cet âcre souvenir.
Aucun homme ne voit par-delà le corps étendu
cette enfance passée dans une attente gauche.
Cesare Pavese, Travailler fatigue [Lavorare stanca],
édition bilingue, traduit de l’italien par Gilles de Van, `
Gallimard, 1962, p.107.
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10/08/2019
Colette, Pour un herbier
Jacinthe cultivée
Du côté de Marly, dans la forêt, on m'assure que sous les feuilles mortes les cornes des jacinthes sauvages sont déjà longues d'un doigt. Menaces, autant que promesse, du dix-neuf janvier dix-neuf cent quarante-huit. Je recueille les pronostics des bouches informées qui s'en vont « voir », en fin de semaine, « si le printemps s'avance ». Or, il s'avance en effet, diversement accueilli. Une folle bat des mains : « Les sureaux verdissent ! On ira camper à Pâques !» Mais une sage baisse le sourcil : « Et les bourgeons de marronniers qui changent déjà de forme ! Et les marguerites déjà dans les prés ! Et les bourgeons des lilas qui gonflent ! Nous serons jolis, à la lune rousse ! »
J4écoute, je recueille ceci et cela. Avant — je veux dire avant que cette jambe ne m'entravât — c'est moi qui jetait le cri, qu'il fût d'alarme ou de joie. Au bord des eaux agitées des Vaux de Cernay, c'est moi qui troussais les feuilles, tombées en novembre, et qui interrogeait les petits rostres pâles, dardés par les bulbes anxieux. Aujourd'hui, mon morose privilège me vaut, avant tout le monde, un bouquet de jacinthes blanches. C'est elles, dans ce vase vert, qui parfument ma chambre. Elles ont déjà tellement bu dans leur serre natale, elles ont si fort distendu leurs veines avides que le moindre choc les lèse. Leur grosse tige congestionnée d'eau bave à sa section comme un escargot, et porte des clochettes lourdes, opaques, d'un blanc de berlingot à la menthe. Qu'ont-elles de commun avec cette haute et grêle fille des bois, que la population parisienne à chaque printemps ravage sans pouvoir la détruire, avec la jacinthe sauvage ? Cueillie sans pitié ni mesure, celle-ci penche la tête, perd son faible parfum, et meurt. Il faut ne l'apercevoir que vivante, et par multitudes, à travers le taillis encore nu, et d'un bleu si également répandu que de loin elle vous trompe : « Tiens, un étang... »
Mais, ô ma grosse jacinthe blanche cultivée, née dans un bain de siège en forme de carafe qui berça son bulbe durant qu'il dormait sur la table entre le chat, la théière et les cahiers de petit garçon — ô ma citadine bien en chair, je te sais gré de remplacer ce qui me manque et désormais me manquera : la floraison forestière bleue et fragile, innombrable assez pour que j'y puise l'illusion de côtoyer un lac, ou un champ de lin bleu en fleur.
Colette, Pour un herbier, dans Œuvres IV, édition Claude Pichois et Alain Brunet, Pléiade / Gallimard, 2001, p. 907-908.
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09/08/2019
Hester Knibbe, Archaïques les animaux
Il y a toujours
Il y a toujours une première
tête que tu dessines
ses deux
yeux sans
bouche encore mais
des bras des jambes sans
mains ni pieds. Il y a
toujours une première
bouche qui apparaît
dans la tête
brouillonne encore sans
parler
mais tu comprends
vite comment
dessiner
le rire
rendre le triste
Hester Knibbe, Archaïques les animaux,
traduction du néerlandais K. Andrings
et D. Cunin, éditions Unes, 2018, p. 61.
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08/08/2019
Emmanuel Moses, Il était une demi-fois
Pour avoir l’air intelligent
Il suffit de fumer la pipe
De prendre une expression sérieuse
De lire un gros livre en marchant dans la rue
Mais si vous voulez être intelligent
Suivez du regard le mouvement des nuages dans le ciel bleu
Regardez les feuilles d’or sur le trottoir
Écoutez le chant des oiseaux, rossignol, chouette ou corbeau
Bref, ouvrez grand vos yeux et vos oreilles
Au monde splendide qui vous entoure
Emmanuel Moses, Il était une demi-fois, illustrations
Maurice Miette, Lanskine, 2019, p. 28.
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07/08/2019
Georges Perros, Une vie ordinaire, roman poème
`
Mais ce sont nos amours qui comptent
plus que nos haines Je rencontre
tous les jours qui vivraient très bien
sans la musique de Mozart
et de tant d’autres de moindre art
et je leur parle cependant Ils
ne se mettent en colère
que pour la politique aidés
par les clients d’oisiveté
aux aguets des propos d’hier
pour relever leur aujourd’hui
Ils sont gens qui votent à tour
d’un bras quelque peu fatigué
On aime peu ce que j’adore
ou l’aime-t-on qu’on me fait tort
en m’en expliquant la genèse
Georges Perros, Une vie ordinaire, dans
Œuvres, édition Thierry Gillybœuf,
Quarto / Gallimard, 2017, p. 753.
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06/08/2019
Nicolas Pesquès, La face nord de Juliau, treize à seize
Le 1eraoût
Ceux qui peignent, écrivent, sculptent, etc. se présentent côte à côte, devant le monde. Ils sont les constructeurs d’un chassé-croisé, d’un ombrage pluriel. Ils procèdent par trouées et hybridation. Ils dressent des murs jaunes, des phrases. Ça prend forme. Ça meurt. Ça.
Ce qui les rapproche : la constance de l’action, la sécession. Les profondes dérivations de chaque geste, de chaque pas. Greffe et marcottage. Bientôt les frondaisons et l’ombre de chacun. Bientôt les disparus qui ne se ressemblent plus. La dissidence des corps, l’intrigue des généalogies.
Nicolas Pesquès, La face nord de Juliau, treize à seize, Flammarion, 2016, p. 120.
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05/08/2019
Reinhard Priessnitz, 44 poèmes, Poésie complète
Large aux séant
Et, pourquoi qu’tu trompaytes ?
j.van hoddis
moins les fesses, d’yeux, cerveaux,
ça suffirait, moins de mains,
bien. moins de texte, ôter l’image ;
moins de mots. nuls relais,
rejets, nulle vapeur ! sans pin-pon
écrire encore, moins de vagues.
plus de papier, moins de trombone,
à cul lisse aussi, dégonflé, nul présent !
Reinhard Priessnitz, 44 poèmes, Poésie complète,
traduction Alain Jadot, préface Christian Prigent,
NOUS, 2015, p. 147.
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04/08/2019
Henri Michaux, Les commencements
Les commencements
L’enfant à qui on fait tenir dans sa main un morceau de craie, va sur la feuille de papier tracer désordonnément des lignes, encerclantes, les unes presque sur les autres.
Plein d’allant, il en fait, en refait, ne s’arrête plus
…………………………………………………………………………………….
En tournantes, tournantes lignes de larges cercles maladroits, emmêlés, incessamment repris
encore, encore
comme on jour à la toupie
Cercle. Désirs de la circularité.
Place au tournoiement.
Au commencement est la
RÉPÉTITION
Emprise
seuls les cercles font le tour
le tour d’on ne sait quoi de tout
du connu,
de l’inconnu qui passe
qui vient, qui est venu
et va revenir
(…)
Henri Michaux, Les commencements,
Fata Morgana, 1983, p. 7-8.
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03/08/2019
Giuseppe Ungaretti, Vie d'un homme
Du soir
Dans les soupirs humides de ta nudité
Tu dérobes un secret. Souriant,
Rien, retenant son souffle, n'est plus doux
Que de t'entendre consumer
Au soleil moribond
L'ultime flamboiement de l'ombre, terre !
Soir
Aux pieds des pas du soir
Coule une eau claire
Couleur d'olive,
Jusqu'au feu bref et sans mémoire.
À cette heure dans la fumée j'entends rainettes et grillons,
Où tremblent tendres les herbes.
Giuseppe Ungaretti, Vie d'un homme, Poésie 1914-1970, Préface de Philippe Jaccottet, Poésie / Gallimard, 2005 [1973], p. 158 (traduction Ph. Jaccottet), 163 (traduction Jean Lescure).
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02/08/2019
Pierre-Albert Jourdan, Ajouts pour une édition revue et augmentée de Fragments
Ceci est ma forêt. J'entretiendrai cette exubérance de piliers, mais que pourraient-ils soutenir, ô maçons ! Et que l'on ait pris soin de balayer le sol quand le feu vient d'en haut, qu'il plonge sur ma forêt !
Ceci est ma forêt. Est-ce ma maison ? Cela ne se règle pas par un jeu d'écriture. Et si c'est ma maison, elle est ouverte. Non pas cette porte en face de moi, ces silhouettes. Ouverte à tout autre chose. À ce tout autre qui est là, que les piliers ne peuvent contenir. Ouverte, simplement ouverte comme une déchirure de lumière. Une déchirure, oui. Les piliers ne sont là, qui paraissent soudain s'épanouir, vivre, que pour m'épauler. « Suis-moi... » Je retrouve en moi ce début de phase. Je m'arrête à ce début. Si encore je pouvais m'accomplir en tant qu'homme, me hausser un tout petit peu. Leçon de piliers sans doute. Si encore j'étais capable de me repêcher, n'est-ce pas ?
Pierre-Albert Jourdan, Ajouts pour une édition revue et augmentée de Fragments, éditions Poliphile, novembre 2011, p. 19.
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