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31/05/2023

Cédric Demangeot, Obstaculaire

 

Cédric demangeot, obstaculaire, suivre, manger

Oui, rien ne me suit,

me précède et me tient.

 

Verdeurs, verdures,

salopes journalières

connaissent ma dent.

 

Connaissent l’impatience :

 

au loin ma face fuse

et j’entre dans les ânes

à pas un contre cent.

 

 

Cédric Demangeot, Obstaculaire,

L’Atelier contemporain, 2022, p. 19.

30/05/2023

Cédric Demangeot, Obstaculaire

 

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À la barre donc

du blanc d’une orée

vient un homme :

il n’a pas ses pas.

 

Sans ses pas il va

penser — épuiser

quel temps de parole

et contre quel quai.

 

Quoi chavirer

lance-t-il au juge

si j’ai des jambes

 

qu’elles pendent.

Et si j’ai des villes

qu’elles brûlent :

 

on n’a pas mon nom.

 

Cédric Demangeot, Obstaculaire,

L’Atelier contemporain, 2022, p. 83.

 

 

29/05/2023

Cédric Demangeot, Promenade et guerre

 

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l’accordée caresse à l’angoisse

 qu’est la peau

 

la paume la paupière pour

apaisement

 

le manteau dévasté de la paix

du détruit

 

la peau ce n’est pas elle

qui parle

 

oh les beaux

animaux de l’effroi

 

: cambrés, cri

blés de balles

 

ignorantes de leur fuselage

 

Cédric Demangeot, Promenade et guerre,

Poésie/Flammarion, 2021, p. 57.

28/05/2023

Marie de Quatrebarbes, Vanités

                marie de Quatrebarbes, vanités, mouvement, discussion

Brève histoire au regard de l’infini mouvement des astres, des cendres jetées au croisement d’une mer & et trois océans, par exemple, repoussent au loin la décomposition, alors

 

Si elle porte ses fruits & s’il y a quelque chose de caché entre ses feuilles, un dépôt, une masse en lévitation, le « A » de quelque choses, tracé sur la poitrine de celle qui

 

Garde à l’ombre ce tout petit ceci que nous avons de commun, en somme le sujet ne sera pas traité du pont de vue de la science, ni de l’anecdote, ni du sentiment, nous nous en tiendrons au matérialisme le plus tendre

 

De même qu’après la discussion portant sur l’existence d’une semence féminine, un sang rouge coule sur le sol & à l’endroit où il a coulé pousse une fleur également rouge.

 

Marie de Quatrebarbes, Vanités, Éric Pesty éditeur, 2023, np.

27/05/2023

Marie de Quatrebarbes, Vanités

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« Fleurs » : j’ai dit ce mot par prudence, mais il importe peu. Tout ce qui bat et s’agite, cherche refuge.

 

On l’appelle aussi « petite chose », comme on le dit d’une personne hors de portée, aspirant l’air par les pieds

 

Plutôt que de prendre racine, nous passons ; construire une maison n’est plus notre propriété

 

Où nos pas nous portent, nous allons les pas chargés d’indices, suivant les lignes futures d’un mystère probable.

 

Marie de Quatrebarbes, Vanités, Érid Pesty éditeur, 2023, np.

26/05/2023

Marie de Quatrebarbes, Vanités

marie e Quatrebarbes, vanités, mélange, dispersion, contraires

Un monde vit sous ce monde, dedans, dessus, invisible& dans l’air, mêlé à nos liquides, circule en nous, inaperçu

 

Tout existe à l’état mélangé & caché, dispersé en mille particules, sous la terre, peu importe dans quelle région de l’univers où tu te situes

 

Coquillage, génération dorée des paons, insecte géant qu’on appelle cerf-volant, parfum de myrrhe, saveur de vanille, débris blancs, coques, antennes, proues, nymphes, expression d’une multitude imbriquée

 

Choses nombreuses & qui errent, rebondissant sans fond à travers le vide, agitées d’accords & de désaccords, changent de route, en tous sens.

 

Marie de Quatrebarbes, Vanités, Éric Pesty éditeur, 2023, np.

25/05/2023

Lorand Gaspar, Gisements

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Et plus insoutenable encore le bonheur

Et le reproche cinglant du visage qui sait

Indubitablement ce seul indubitable

Celui qui nu

Détaché comme une poutre d’un incendie

Continue ce déplacement insensé et joyeux

Sans ornements d’espoir

Sans la moindre explication cohérente

Ayant mis tout son calme

Sa précision dans la folie.

 

Lorand Gaspar, Gisements, Poésie/Flammarion,

1968, p. 62.

24/05/2023

Lorand Gaspar, Gisements

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Les mots nous gardent. Et nous perdent.

C’est l’heure d’automne d’un lent dimanche

Un peuple gris tombe lourd et loin

(Est-ce toujours la même distance qui nous écarte ?)

Comme si tout le gris et tout le noir

Était quelque part

Déjà compris.

Des bancs de poissons souples et prestes

Traversent la peau et riant d’écailles

Se tournent sur le dos

Dans les chambres où se fait noir le sang

Il y a ces rapides éclairs de mots blancs.

Et je voudrais tout dire, tout,

Voici des sons du fil et des aiguilles

Voici un piano et des instruments à vent ;

On joue le plus doucement possible

Et déjà on n’entend plus rien.

 

Lorand Gaspar, Gisements, Poésie/Flammarion,

1968, p. 52.

23/05/2023

Lorand Gaspar, Sol absolu

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Impatients à briser l'horizon pour un autre

le même plus loin, plus loin le pays

où plus rien n’est secourable.

Et votre chute sans fin de même couleur que l’air

en ce vide médian de l’attente de l’arbre

l’oiseau s’est posé quelque part dans l’espace :

regarde comme il congédie la proue des hauteurs !

A l’endroit des mots

ce ravin de la danse qui chaque jour

défait les rayons de la roue.

 

Lorand Gaspar, Sol absolu, Gallimard, 1972 , p. 50.

22/05/2023

Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux

 

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Tous les blés flambent

et la brève alouette est un fragment ascendant de ce feu.

Elle ne gravit tous les paliers de l’air

que parce que le sol est trop brûlant.

 

Il est une beauté que les yeux et les mains touchent

et qui fait faire au cœur un premier degré dans le chant.

Mais l’autre se dérobe et il faut s’élever plus haut

jusqu’à ce que nous autres ne voyions plus rien,

la belle cible et le chasseur tenace

confondus dans la jubilation de la lumière.

 

Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux,

Gallimard, 2021, p. 30.

21/05/2023

Jean Follain, Appareil de la terre

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          Solitaires

Toujours leur porte s’ouvre mal

derrière eux s’endort la bête

couleur de feu

au seul pas d’homme ou de femme

ils reconnaissent qui passe

sur la route tournante

regardent un instant

pendant du plafond noir

la lampe ornée

une plante verte ocellée meurt pleure un enfant perdu

sous le vaste ciel bas

puis il neige enfin.

 

Jean Follain, Appareil de la terre, Gallimard, 1964, p. 79.

20/05/2023

Jean Follain, Appareil de la terre

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Une fille penchée

 

Une fille à traits purs

se  penche sur des chaudrons.

Le paisible entre ddans la cour

près du seuil lavé

à grandes eaux

tousse pour avertir

des lueurs voguent

autour des pieds féminins

restés nus.

Les volailles à peine s’effarent

sans besoin de consolation

dans le soleil levant.

 

Jean Follain, Appareil de la terre,

Gallimard, 1964, p . 56.

19/05/2023

Jean Follain, Usage du temps

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                        Fouilles d’’enfance

Les enfants qui vont fouiller dans les greniers où sont les mannequins   noirs les oignons, les issues le sac de papier brun où reste de l’anis étoilé connaîtront un jour les tracas et sauront ce qu’il en coûte de rechercher les voluptés et d’épouser la courbe délicieuse. 

Jean Follain, Usage du temps, Poésie/Gallimard, 1984, p. 91.

18/05/2023

Jean Follain, Usage du temps

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                             Pain de nuit

Au fond de certains songes est un gros pain de chair bise volé un jour de neige mais là, cette nuit de la femme était totale sans étoiles avec un pain étroit émietté de minute en minute et porté jusqu’à sa bouche mauve et tout un chacun disait d’elle : il faut lui tenir la dragée haute.

Dérision, ô dragées jetées aux enfants assistés et dont l’amande éclate sous leurs dents par le triomphal matin d’un printemps qui ne revient pas !

 

Jean Follain, Usage du temps, Poésie/Gallimard, 1983, p. 171.

17/05/2023

Jacques Roubaud, C et autre poésie

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Un moment interne troue l’onde d’urgence que raye d’ortie le néant d’attente sans trace

 

La mémoire, la mort, la main maudit, mélange, montre,

L’instant, l’infini, l’image, irréel, insu, incroyable

Où le terre, où la terre, où la terre, ternit, trafique, tord,

Où le sens, où le non, où la syntaxe siffle, sèche, s’émiette,

D’obole, d’orbite, d’ordre opaque, ozone, organique

Ruisseau, râteau, règle renonce !, racle, rumine !

Oublie, ossifie, oscille, ombre, ongle, onde

Du nuage, du néant, du nombre nié, non-dit, nourris

Que l’arbre, que l’âme, que l’art accorde, annihile, affirme

À la trace, au terreau, à la tombe, sa trace, sa tourmente, son triomphe.

 

Jacques Roubaud, C et autre poésie, NOUS, 2015, p. 270.