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15/04/2019

Esther Tellermann, Un versant l'autre

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Rose parfumée

trace un matin

     d’argent

l’eau exsude

la transparence

de la férule et

     du chardon.

Je voulus

morceau de vous

dans le vent

que l’instant

     vibre.

 

Esther Tellermann,

Un versant l’autre,

Flammarion, 2019, p. 59.

14/04/2019

Henri Michaux, Les commencements

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   L’enfant à qui on fait tenir dans sa main un morceau de craie, va sur la feuille de papier tracer désordonnément des lignes encerclantes, les unes presque sur les autres.

   Plein d’allant, il en fait, en refait, ne s’arrête plus.

…………………………………………………………………………………….

 En tournantes tournantes lignes

de larges cercles maladroits, emmêlés,

incessamment repris

encore, encore

comme on joue à la toupie

 

Cercles. Désirs de la circularité.

Place au tournoiement.

 

Au commencement est la

RÉPÉTITION

 

Henri Michaux, Les commencements, Fata Morgana, 1983, p. 7-8.

13/04/2019

Bernard Noël, Le plaisir de lire

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                                      Le plaisir de lire

 [•••] Lire est, pour commencer, une posture physique : le rassemblement d’un appétit de langue vivante qui vous pousse à vouloir du sens à partir du livre que vous venez de choisir. Dès lors, ce qui n’était que mots et papier devient mouvement du contact de votre vue, de votre attention, et porté par elles dans votre espace mental, ce mouvement le pénètre longuement et le comble par un acte dont vous assurez vous-même la continuité, le contrôle. Lire ne serait que suivre une longue ligne froide lancée en avant comme le temps si l’ouverture au texte et la conscience du lieu qui se crée ainsi en vous n’en métamorphosaient le parcours : la ligne se dilate, génère des dimensions, du volume, et voilà que — sans perdre de vue l’illusion — vous entrez dans la présence aérienne du verbe.

Bernard Noël, dans La Place de l’autre, Œuvres, III, P. O. L, 2013, p. 233.

12/04/2019

Sándor Weöres, filles nuages et papillons : recension

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La littérature hongroise contemporaine est peu connue en France, même si l’on peut citer des exceptions comme les récits d’Imre Kértesz (1929-2016), rescapé des camps d’extermination nazis, ou la poésie d’Attila József (1905-1937) dont l’œuvre poétique a été largement traduite. Pour les éditions des quelques poèmes traduits de Sándor Weöres1(1913-1989), elles sont épuisées ; il faut chercher un peu pour lire des traductions en ligne, dont celles de Cécile A. Holdban.  Elle donne à la fin de filles, nuages et papillons un aperçu de la vie de ce grand représentant de la poésie hongroise, qui publia très jeune son premier livre grâce au compositeur Zoltán Kodály ; beaucoup de ses poèmes ont d’ailleurs été mis en musique par des compositeurs d’avant-garde comme Peter Eötvös et György Ligeti (qui parle du poète dans son livre L’atelier du compositeur). La traductrice a choisi de présenter, avec le texte original, des extraits, chaque fois brefs, tirés de livres édités de 1933 à 1977, l’ensemble de 1975 étant privilégié pour le nombre de poèmes retenus.

Bien des poèmes constituent de courts récits, sans cependant, le plus souvent, de rapport avec la réalité. Par exemple, avec "Les enfants perdus", le lecteur passe très vite de l’autre côté du miroir ; les enfants avancent en pays connu et, sans transition, la route suivie disparaît et, avec elle, tous les repères : ne demeure qu’une nature luxuriante, l’horizon a disparu — donc, toute possibilité de sortie — et « nous ne retrouverons / plus jamais la route ». Les limites du monde visible sont régulièrement franchies dans la poésie de Sándor Weöres et l’on évolue dans un univers où rien ne se passe qui puisse rassurer ; un pommier surgit d’un coffret, admettons, mais il produit une pastèque ! et la petite Sára (mais qui donc est Sára ?) « en sautant / a cassé le joli coffret ».

Magie de l’enfance qui rend toute chose possible à partir du moment où elle est souhaitée. On peut bien lire de multiples blasons dans la forme des nuages — on se souvient de Baudelaire — et, si l’on oublie la logique qui prévaut dans la réalité, rien n’interdit d’attraper une étoile, de faire route avec un dragon, de rapporter les rêves des chevaux. On ne s’étonnera pas non plus du recours au récit de rêve, le poète jouant en même temps avec la forme ; dans "Infinitif", la même syllabe d’un verbe à l’infinitif revient en fin de vers (« ni »), le poème s’ouvre et se ferme avec « ébredni » (= s’éveiller) : le personnage, devenu oiseau, après une échappée dans la nature revient en ville à son point de départ (« par une fenêtre entrer »).

L’absence de délimitation entre réalité et imaginaire aboutit assez régulièrement à des énoncés à l’écart de toute possibilité de représentation, parfois de tout sens. Il ne s’agit plus alors d’un récit où évoluent des éléments soumis à d’autres règles que celles communément admises, mais bien d’un parti pris de non-sens. D’où des propositions qui sont des énigmes sans réponse, comme « Je viens d’une forêt / où je ne suis jamais allé […] », ou « La porte close regarde la porte close. / Ils sont tant à habiter entre les deux, innombrables ! » ; etc. On pense évidemment à Lewis Carroll et, pour rester avec les écrivains anglais, on relit Chesterton sur le sujet : le non-sens,

 

« C'est de l'humour qui abandonne toute tentative de justification intellectuelle, et ne se moque pas simplement de l'incongruité de quelque hasard ou farce, comme un sous-produit de la vie réelle, mais l'extrait et l'apprécie pour le plaisir»2

 

Aucune représentation donc, les seules figures restent les mots, « le silence des lettres sur le papier ». Une autre manière d’introduire l’absurde (comme l’a fait, par exemple, Max Jacob) consiste à proposer des groupes de vers sans rapport entre eux :

                  Lorsqu’il regarda par la fenêtre

il vit les bienheureux pleurer.

                  J’ai oublié jusqu’à ton visage.

                  Là où les lézards couraient, où les couples s’asseyaient,

                  dans le jardin il n’y a plus que la neige

                  et les paons se sont endormis.

 

Sándor Weöres apprécie l’extrême brièveté et abondent les poèmes avec la concision du proverbe (« La poussière se hâte, la pierre a le temps »), réduits à une image (« Cristal de vent ») ou amorce donnée comme impossible à compléter (« Le sens de la vie est le suivant : / (… texte manquant)). Il retrouve aussi le ton de la comptine et celui de la chanson ; le titre "filles, nuages et papillons" est le second vers de la première strophe d’un poème qui en compte 4, les vers 2 et 3, identiques, forment un refrain dans chaque strophe, la première strophe reprise en position 4.

 

Il n’y a pas refus de la réalité, mais mise en évidence le plus souvent de l’absurdité du monde, du caractère décevant de ce que l’on observe au point que l’imaginaire est un recours devant l’insupportable. Quelques poèmes expriment d’ailleurs le désespoir d’être là, le souhait de ne plus se vivre dans la division :

                  Ce monde est trop petit pour moi,

seule la mort est vaste, mon pas retourne

dans le cercle du néant

et, paradoxalement ( ?) : « seule la mort peut me faire naître un ».

 

Cette traduction des poèmes Sándor Weöres est une vraie découverte, et l’on voudrait espérer une édition (plus) complète. Elle est accompagnée de huit encres d’Annie Lacour, feuilles et fleurs — du côté des nuages et des papillons, balance à la mélancolie.

 

 

 1 Sàndor Weöres, Dix-neuf poèmes, traduits par Lorand Gaspar, Bernard Noël, Ibolya Virag, L'Alphée 1984, éditions Ibolya Virag, 2005 ; Maurice Regnaut (sous la direction de), Trois poètes hongrois, Kàlnoky, Pilinszky, Weöres, Action Poétique, 1985.
2 G. K. Chesterton, Le Paradoxe ambulant, Actes Sud, 2004, p. 151.

 Sándor Weöres,filles nuages et papillons, traduction Cécile A. Holdban, encres Annie Lacour, Po&Psy, 2019, np, 12 €. Cette note a été publiée par Sitaudis le 26 mars 2018.

 

 

 

 

 

 

11/04/2019

Valérie Rouzeau, Neige rien

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Manœuvres

 

À l’étroit les trois huit

Virés salaires de rien

Micheline Michelin

Paradis pour demain

 

Allez toi va-t’en vite

Micheline Michelin

On te remercie bien

 

Valérie Rouzeau, Neige rien, dans

Pas revoir suivi de N r, La petite

Vermillon, 2010, p. 104. 

10/04/2019

Christian Ducos, Plic ! Ploc !

 

passé le coin de la rue

elle tombe dans les bras

du vent

 

il est maigre

comme un clou

le clou

 

une grenouille plonge

dans le poème

ah ! le bruit de l’encre

 

gouttes de pluie

tintements

le seau rouillé

 

la vie est si brève

entre ceci et cela

il faut choisr

 

Christian Ducos, Plic ! Ploc !, Le Cadran ligné, 2019, p. 15, 16, 17, 18, 19

09/04/2019

Jours à Venise

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08/04/2019

René Char,Fenêtres dormantes et porte sur le toit

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                                                     Faire du chemin avec

 

   Le poème sur son revers, femme en besogne à qui les menus objets domestiques sont indispensables. La richesse et la parcimonie.

 

   Avant de se pulvériser, toute chose se prépare et rencontre nos sens. Ce temps de préparatifs est notre chance sans rivale.

 

   N’incitez pas les mots à faire une politique de masse. Le fond de cet océan dérisoire est pavé des cristaux de notre sang.

 

   Il en faut un, il en faut deux, il en faut… Nul ne possède assez d’ubiquité pour être seul son contemporain souverain.

 

   Combien y a-t-il de nuits différentes au mètre carré ? Seul ce trouble-fête de rossignol le sait. Nous, dont c’est la mesure, l’ignorons.

 

René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit, Gallimard, 1979, p. 12, 13, 15, 16, 17.

 

07/04/2019

Étienne Faure, Tête en bas — rencontre, lecture

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     Étienne Faure et Jean-Baptiste Para pour la remise du prix Max Jacob 2019

 

Le mot Départ taillé dans la pierre 

au fronton de la  gare est resté

comme Liberté, Égalité, Fraternité

ou École de garçons il y a beau temps

devenue mixte, cris indécis,

 simple inscription, vieil incipit

redoré ou repeint en rouge sang,

et ce départ incrusté fédère

dans les cœurs tous les départs forcés,

volontaires, oubliés qui défilèrent sous le linteau,

entrés par la face nord, ressortis plus tard

sous le pignon opposé annonçant Arrivée,

ces enfants de la patrie, déportés, communards,

sinistrés, réfugiés, revenus plus ou moins,

criant dans le heurt des bagages, sacoches, havresacs,

des mots entre-temps érodés, nullement gravés

en mémoire.

 frontons

 

Étienne Faure, Tête en bas, Gallimard, 2018, p. 116.

Étienne Faure a reçu le prix Max Jacob pour Tête en bas.

Les Éditions Gallimard organisent une rencontre lecture le

                          mardi 9 avril à 19 h

        à la librairie Gallimard, Boulevard Raspail

               La lecture rencontre sera animée par

                Myrto Gondicas et François Bordes.

06/04/2019

Blaise Cendrars, Feuilles de route

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                Vie dangereuse

 

Aujourd’hui je suis peut-être l’homme le plus heureux du

        monde

Je possède tout ce que je ne désire pas

Et la seule chose à laquelle je tienne dans la vie chaque

        tour de l’hélice m’en rapproche

Et j’aurai peut-être tout perdu en arrivant

 

                 Coquilles

 

 Les fautes d’orthographe et les coquilles font mon bonheur

Il y a des jours où j’en ferais exprès

C’est tricher

J’aime beaucoup les fautes de prononciation les hésitations

          de la langue et l’accent de tous les terroirs

 

Blaise Cendrars, Feuilles de route, III, dans Du monde entier au

cœur du monde, dans Œuvres romanesques, précédées de

Poésies complètes, Pléiade / Gallimard, 2017, p. 172.

05/04/2019

André Frénaud, La Sainte Face

andré frénaud,la santé face,mots,désordre,joie

L’irruption des mots

 

Je ris aux mots j’aime quand ça démarre,

qu’ils s’agglutinent et je les déglutis

comme cent cris de grenouilles en frai.

Ils sautent et s »appellent, s’éparpillent et m’appellent

et se rassemblent et je ne sais

si c’est Je qui leur réponds ou eux

encore dans un tumulte intraitablement frais

qui vient sans doute de mes profondes lèvres.

 là -bas où l’eau du monde m’a donné vie.

Je me vidange quand m’accouchent ces dieux têtards.

Je m’allège et m’accrois par ces sons qui dépassent,

issus d’un au-delà, presque tout préparés.

J’en fais le tour après, enorgueilli,

ne me reconnaissant qu’à peine en ce visage

qu’ils m’ont fait voir et qui parfois m’effraie,

car ce n’est pas moi seul qui par eux me démange.

 

André Frénaud, La Sainte Face, Poésie/Gallimard, 1985, p. 72.

04/04/2019

Arp, L'Ange et la Rose

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Comme l’étoile se réjouit

de l’ange d’argent.

L’ange est-il une rose d’argent ?

La rose est-elle une étoile ?

L’étoile est-elle un rêve ?

Le rêve rêve-t-il

de l’ange ou de la rose ?

Comme l’étoile se réjouit

de l’argent du rêve.

La rose d’argent est-elle un ange ?

Comme la rose se réjouit

de la lumière de l’ange.

Les roses d’argent entourent-elles les anges d’argent ?

Comme les étoiles sont parfumées.

Comme la rose se réjouit

du rêve de l’étoile.

Est-ce un rêve ?

Est-ce une lumière ?

Est-ce un ange ?

 

Arp, L’Ange et la Rose, traduction Maxime Alexandre,

Robert Morel, 1965, p. 18-19.

03/04/2019

Peter Gizzi, Archéophonies

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Tout joli tout beau

 

Ici il y a de petits animaux

fourrageants et satisfaits

 

Peut-être est-ce comme ça que cela s’appelle

peut-être l’amour est-il un petit animal fourrageant

 

entièrement satisfait quand sa bouche ici

quand la fourmi et le soleil et la toison

 

C’est une drôle de vue

la lueur du soleil et de la toison et une bouche

 

affairée à la nature

une bouche affairée à se faire fleurir

 

une beauté à fleurir la bouche

 

Peter Gizzi, Archéophonies, traduction Stéphane

Bouquet, Corti, 2019, p. 47.

02/04/2019

Eugène Savitzkaya, Saperlotte !

                          Eugène Savitzkaya, Saperlotte !, métamorphose, jeune fille

Pourquoi ne suis-je que moi-même, fil entortillé et noué autour d’une carcasse, perfection édentée et précaire ? Je serais autre chose avec plus de profit. Je serais un clou avec plus de profit, un clou planté dans la partie molle d’un pied. Je serais une jeune fille avec plus de profit, une jeune fille portant sur sa tête une poire et qui, nue et harassée, se tient debout comme par miracle. Je serais volontiers une jeune fille couchée sous un arbre et sur laquelle tombent des pétales et du lait de puceron. Je sentirais couler en moi des flux, je rosirais, je serais vulnérable et invincible, je soutiendrais mes seins avec mes bras croisés lorsque je les trouverais trop lourds et pour courir, j’enroulerais sur ma poitrine plusieurs tours de bande de coton qui me ferait comme une cotte de mailles.  […]

 

Eugène Savitzkaya, Saperlotte !, Flohic éditions, 1994, p. 61 et 63.

01/04/2019

Images de l'Auvergne : lac de Servières et environs

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