09/12/2025
Ossip Mandelstam, Tristia

Ce chant de grillon de l’horloge
c’est le murmure de la fièvre,
le râle desséché du poêle
c’est rouge soie qui se consume.
Si ronge la dent des souris
la trame amincie de la vie,
c’est que l’aronde ou dans sa ronde
son enfant détache ma barque.
Ce qu’au toit la pluie balbutie
c’est noire soie qui se consume,
mais le merisier n’entendra
jusqu’au fond des mers que « pardonne. »
Parce qu’innocente est la mort
et de rien ne vient le secours
si dans ta fièvre rossignol
le cœur a gardé sa chaleur.
Ossip Mandelstam, Tristia, dans Œuvres
poétiques, Le Bruit du temps/La Dogana,
2019, p. 177.
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08/12/2025
Ossip Mandelstam, Poésies complètes

Pour la gloire grondante des siècles futurs,
pour l’éminente tribu des hommes
je perds le droit de boire au festin des pères,
ainsi que l’allégresse et l’honneur.
Le siècle chien-loup m’a bondi sur l’épaule,
mais je n’ai de sang de loup ; fourrez-moi
ainsi qu’une chapka, dans la manche
d’une pelisse pour steppe sibérienne.
Que je ne voie ni froussard ni boue morbide,
ni ossements sanglants dans la roue,
et que pour moi dans la nuit les renards bleus
luisent de leur beauté primitive.
Mène-moi de nuit où l’Ienisséï coule,
là où le pin touche jusqu’aux étoiles,
parce que loup par le sang je ne suis pas
et que seul me tuera mon semblable.
17-18 mars 1931
Ossip Mandelstam, Œuvres poétiques, traduction Jean-Claude Schneider, Le Bruit du temps/La Dogana, 2018, p. 364.
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15/05/2016
Marina Tsvétaïéva, Tentative de jalousie

Poème pour Ossip Mandelstam
Tu rejettes la tête en arrière —
Et puis que tu es fier et hâbleur.
Quel joyeux compagnon jusqu’à moi
A conduit ce mois de février !
Cliquetant de pièces de monnaie
Et lentement soulevant la poussière,
Comme des étrangers triomphants
Nous allons par la ville natale.
De qui sont les mains délicates
Qui ont, beauté, touché tes cils,
Quand, comment, par qui et combien
Tes lèvres ont-elles été baisées —
Je m’en moque. Mon esprit avide
A surmonté ce rêve-ci.
Et toi c’est le garçon divin,
Petit de dix ans, que j’estime.
Nous resterons au bord du fleuve,
Où trempent les perles des réverbères,
Je te mènerai jusqu’à la place —
Témoin des tsars adolescents.
Siffle ton mal de jeune garçon,
Serre ton cœur au creux de ta main.
— Toi, flegmatique et frénétique,
Toi, mon émancipé, — pardon !
18 février 1916
Marina Tsvétaïéva, Le ciel brûle, suivi de
Tentative de jalousie, traductions de Pierre Léon
et Ève Malleret, Poésie / Gallimard, 1999, 97-98.
Le sixième numéro de la revue annuelle Place de la Sorbonne, animée par Laurent Fourcaut, sera présenté à la Maison de la Poésie de Paris le 17 mai, à 19h30.
Outre un entretien avec l’éditeur Antoine Jaccottet, le sommaire offre des inédits en langue française, de poètes confirmés (William Cliff, Pierre Dhainaut, Jacques Demarcq, etc.) ou non (Ariel Spiegler, Christine Guinard, Minh-Triet Pham, etc.), et des traductions de poètes d’Argentine, de l’Équateur, de Slovénie, d’Allemagne, d’Autriche. D’autres rubriques — poème commenté, prose accompagnant un tableau, des lectures, etc.) — complètent ce très riche numéro.
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