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24/09/2023

Ernst Jandle, Retour à l'envoyeur

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nocturne aux fleurs

 

dans la chambre où je ronfle

les fleurs ça me gonfle

c’est la punition du dormeur

la mouche quand l’odeur

des fleurs exhalée

l’incite à rappliquer

du côté du lit

les fleurs c’est du vivant

moi pareil vivant ;

et la mouche aussi

de mort y a que la fumée

que via bouche et nez

de mes poumons je souffle

pour chasser la mouche

sur les fleurs elle veut butiner

du coup me voilà levé

la tapette à la pogne

debout rn pyjama je grogne —

jamais mouche de son vivant

même si ça doit durer longtemps

n’atteindra ici le but

où l’attend l’autre mouche en rut

 

Ernst Jandle, Retour à l’envoyeur, traduction

Alain Jadot et Christian Prigent, grmx éditions,

2012, p. 105.

 

 

29/01/2020

Jean-Luc Sarré, La Part des anges

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La fille qui s’affaire à l’évier

les manches retroussées jusqu’aux coudes

son bol ébréché fumant

sur une table de cuisine

et le bourdonnement des mouches.

On dirait d’une Normandie

que l’haleine chaude du siroco

aurait privée de sa mémoire.

 

Jean-Luc Sarré, La Part des anges,

La Dogana, 2007, p. 51.

10/05/2019

Norge, Le Stupéfait

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             Une fête

 

La folle mouche d’octobre

Qu’exaltait l’amour de vivre,

Sent déjà pincer le givre

Qui va lui blanchir la robe.

 

Mais elle ne gémit pas

Et nous zézaie à tue-tête

Mordant au raisin muscat

Que la mort est une fête.

 

Norge, Le Stupéfait, Gallimard,

1988, p. 99.

28/01/2019

Alexandre Mare, Écorces

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les monts de Sancy, les scories

la ligne d’eau du cratère

le paysage suspendu, nous haletons

flotte volcan

 

il fait froid

c’est l'été partout

ailleurs. Il y a tellement de

mouches, nous avons dû en avaler

 

quelques-unes ont déposé leurs larves

dans les entrailles

à l’automne, la bouche ouverte

c’est l’irruption

 

elles me rappellent à ton souvenir

au volcan éteint, au cratère

dans lequel se reflète

ce même gris que le ciel

 

Alexandre Mare, "Écorces", dans L’étrangère, n° 47-48, p. 92.

23/04/2017

Jack Kerouac, Livre des esquisses, 1952-954

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Des bruits dans les bois

 

Caragou Caragine

criastouche, gobu,

bois-crache, trou-ou

boisvert, boisverts

Bzzbeille eskiliagou

arrang-câssez

craké-vieu

vert-oyant bzz

   herbzza beille

       Fruinionie

       Fruiniôme

           Démâchetefer

  • — Griiazzh

Griayonj —

 

Ou — une mouche

mutine malmène

un brin d’herbe —

Ou — La fourmi vite

file sur une feuille —

Ou — Village abandonné

           ma place dans l’éclaircie

           Ou — Je suis mort

               Ou — Je suis mort

               parce que tout

               est déjà arrivé

Je dois aller au-delà

dépasser cette mort

avancer

vers —

             le sol

 

vers —

             l’immensité

vers —

             la mousse sur les

             souches de Babylone

(…)

 

Jack Kerouac, Livre des esquisses, 1952-1954,

traduction Lucien Suel, La Table ronde, 2010,

  1. 100-102.

01/10/2014

Édith Boissonnas, Jean Dubuffet, La vie est libre

 

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   [à El Golea] Les nomades deviennent très riches quand il pleut au printemps dans le désert, ils possèdent des centaines et parfois des milliers de chameaux et des moutons à ne pouvoir les compter. Mais s'il ne pleut pas tout crève, on mange les chameaux et c'est la ruine. Or cette année il n'a pas plu. Il y a des puits artésiens dont le débit est gros comme un saladier on peut les louer (mille cinq cents francs la minute). Pour les mouches (dont il y a énormément) il y a la commissure des yeux, l'orifice du canal lacrymal, fraîche source où boire à qui aime la larme saumâtre, yeux d'homme ou de mouton ou de chameau. La bestiaire comporte encore, outre la mouche et le chameau, le chien (mais pas noir, les Arabes exècrent le chien noir), le bouc, la sauterelle, le termite, la hyène, le petit renard saharien, le chacal, le scorpion et la vipère à cornes. J'oubliais l'âne (il est si chargé qu'on le distingue mal). J'oubliais la gazelle (elle court si vite !).La configuration du pays est changeante à décourager toute mensurations et topographies et il n'est pas besoin de la foi gros comme un petit pois pour faire déplacer les montagnes. Elles courent dans le vent plus vite que les gazelles et campent ici ce soir et demain matin bien loin.

 

Lettre de Jean Dubuffet du 5 mars 1947, dans Édith Boissonnas, Jean Dubuffet, La vie est libre, correspondance et critique 1945-1980, Zoé, Genève, 2014, p. 57-58.