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15/10/2016

Michel de M'Uzan, Le Rire et la Poussière

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Les Obèses du royaume

 

   La célébration des fêtes du Couronnement devait avoir lieu à la fin du printemps. Cette date un peu tardive avait été choisie à cause du temps qui, en cette saison, demeurait incertain pendant de longues semaines. Ainsi, au moment des fêtes, le couple royal, règnerait déjà depuis plusieurs mois. Son premier acte légal avait été la promulgation d’un décret qui rétablissait temporairement et dans leur forme ancienne les Services royaux du Couronnement. À ceux-ci incombait l’organisation des principales cérémonies. Pour qu’une tâche aussi lourde eût une chance d’être menée à bien, les employés des Services avaient été nommés par voie de concours, les candidats ayant été choisis parmi les meilleurs fonctionnaires du royaume. D’une manière générale, les femmes avaient remporté les premières places. C’est à elles que revint une part importante du travail : la sélection des sujets qui, plus tard, formerait le Carré des Obèses.

   Le terme de Carré des Obèses, qui s’était imposé s vite que le pays entier le connaissait — à vrai dire, c’est à peu près tout ce qu’il connut jamais des préparatifs du Couronnement —, était entendu dans son sens large et désignait à la fois l’ensemble des participants et leur disposition à certains moments de la cérémonie. Le terme avait été proposé par la Reine elle-même ; en reprenant une ancienne dénomination, elle mesurait assez combien elle tenait à la réussite de ce qui allait être le pivot des fêtes.

 

Michel de M’Uzan, Le Rire et la Poussière, Gallimard, 1962, p. 92-94.

 

 

 

25/06/2015

Jean Arp, Jours effeuillés

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Sur le dos ou sur le ventre

 

Le jour est parfois plat.

On a beau faire

on n’arrive pas à s’élever.

Il n’y a personne pour s’élever.

On est forcé de rester plat

sur le dos ou sur le ventre

plat comme une feuille de papier

dans un bloc à écrire.

 

                       *

 

La petite obèse

détrompe ses nains

décroche sa cour.

Elle court elle ronronne

au nom d’une roue.

Elle est à bout.

Les nains s’étonnent.

Leur belle patronne

se décèlerait si vite,

plierait si vite ses cris

pour devenir une grande grenouille

rouge et chaude

donnant du lait ?

Le temps est gris

et mécontents les nains se plient

vivants et crus

et tour suit tour

nuage nuage.

 

Jean Arp, Jours effeuillés, Gallimard, 1966, p. 473, 462.