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15/09/2024

Paul Claudel, Dodoitzu

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PARTOUT !

 

La lune au levant

Le soir au couchant

La lune là-haut

L’étoile dans l’eau

Sens dessus dessous

Mon amant partout !

 

EVERYWHERE

 

Moon rising

Stars setting

Moon all over

Star in water

Topside down

— I love my own!

 

Paul Claudel, Dodoitzu,

Gallimard, 1945, np.

14/09/2024

David Bosc, L'incendie de l'Alcazar

       david bosc, l'incendie de l'alcazar, salariat, solitude

que c’est en somme depuis le salariat

que peu à peu il s’est perdu de vue

et que pour finir il ne sait plus

qui prend le train quand il prend le train

et regarde filer le paysage

 

inchangée

en revanche

la terreur placide qui le laisse à la porte

des autres gens

impatient toujours de prendre congé

en gardant, cela va sans dire

sa propre porte verrouillée

(mais c’est

une maison de poupées

il y manque le toit

et l’un des quatre murs)

 

David Bosc, L’incendie de l’Alcazar,

Héros-Limite, 2024, p. 95.

13/09/2024

David Bosc, L'incendie de l'Alcazar

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mais alors que faire ?

rien

ne fais rien

fais ce que tu veux

ne va pas imaginer

ce que tu pourrais faire

pour que les autres

vivent comme il faut

 

personne ne t’a passé commande d’une civilisation

 

David Bosc, L’incendie de l’Alcazar, Héros-Limite,

2024, p. 92.

12/09/2024

David Bosc, L'incendie de l'Alcazar

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lieux imprimés

par les yeux-gouges de l’enfant

où l’on revient en visiteur

en voleur

En propriétaire

(quand ça n’est pas à son esprit défendant

qu’on s’y trouve transporté

enfermé, baladé

ramené, ramené, ramené)

 

précipités de nature sauvage

derrière la palissade

le mont pelé d’une solitude

dans un angle inondé de soleil

où l’on se tenait accroupi, oublié, stylite

la forêt de quatre arbres modus

la terre grattée par les joueurs de billes

la ave noir et chaude

au parfum d’encaustique et de pétrole lampant

 

David Bosc, L’incendie de l’Alcazar,

Héros-Limite, 2024, p. 71.

11/09/2024

David Bosc, L'incendie de l'Alcazar

david bosc,l'incendie de l'alcazar,labyrinthe,enfance

 

en l’absence de minotaure

il s’est assis

sur ses talons et creuse

- il a cessé de parcourir

le labyrinthe nul

qui n’est fait que d’issues

 

on l’a confié à la petite ville

aux couloirs aux salles d’attente

aux cages d’escaliers où la moquette est sur les murs

 

dans l’anachronisme de toute enfance

dans le toute allure interminable

des petites années

 

David Bosc, L’incendie de l’Alcazar,

Héros-Limite, 2024, p. 65.

10/09/2024

David Bosc, L'incendie de l'Alcazar

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les rangs de pommiers, la route et la haie noire

dans l’étau inhumain

du crépuscule

 

jusqu’à ce que s’ouvre

à travers la poitrine

un appétit inquiet d’animal nocturne

 

l’oreille parvient à museler

l’aboi misérable des chiens

la narine insensiblement

déplace vers le fond

les remugles criards de poubelles qui débordent

 

et tout entier tu t’ouvres à de menus miracles

de feuilles émues de fruits tombés

de remuements d'amour

au ventre d’un cyprès

 

David Bosc, L’incendie de l’Alcazar,

Héros-Limite, 2024, p. 50.

09/09/2024

Eugenio de Signoribus, Isthmes & écluses

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— oublie le doute ! oublie

le destin gris !

ceux qui vous tirent à eux sont nombreux

les sûrs les aveugles  les yeux de lynx

les granitiques graticulant

qui ne voient pas de failles dans leurs propos

mais seulement, coûte que coûte, le maintien

dans le contingent servile…

pourtant cette vie limitrophe n’est pas

recherche de la carte perdue

mais une brèche solitaire

un autre remède à la blessure

 

Eugenio de Signoribus, Isthmes & écluses,

traduction Thierry Gillybœuf, Rehauts,

2024, p. 135.

08/09/2024

Eugenio de Signoribus, Isthmes & écluses

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oh, si les non confiés

les rares

les pas encore ravagés

les non vaincus non victorieux

trouvaient la pierre milliaire

le point de rassemblement

peut-être

au-dessus de la plus dolosive  doline

pour y déposer la doctrine des noms

de corps qui s’acharnent sur les corps

pétris pour la gloire de l’expiation

ou de la consommation…

 

Eugenio de Signoribus, Isthmes & écluses,

traduction Thierry Gillybœuf, Rehauts,

2024, p.138.

07/09/2024

Eugenio de Signoribus, Isthmes & écluses

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                 (le château)

 

le reclus n’apparaît pas aujourd’hui

le dignitaire ne parle pas aujourd’hui

peut-être que dans le reflet de la vitre

il rend visite à lui-même, déçu…

 

(il n’aime plus ni visite, ni parole

mais son journal peut le dire)

 

dans la cour et devant le lapidaire

ricochent piétinements et babillages…

aujourd’hui on refuse les pourboires

et on écoute les pleurs des chaussures…

 

Eugenio de Signoribus, Isthmes et écluses,

traduction Thierry Gillybœuf, Rehauts,

2024, p. 69.

06/09/2024

Eugenio de Signoribus, Isthmes & écluses

 

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         (concours civique)

 

devant notre orgueil, notre civilisation

la langue se cabre en parabolant

 

la bien commun, la structure municipale

la forteresse civile occidentale

 

orgueil qui rabâche, vanité, semences

d’idées grossière et airs supérieurs

 

cigales en chaussures vernies

mires et fards de l’aspect brutal

 

Eugenio de Signoribus, Isthmes & écluses,

traduction Thierry Gillybœuf, Rehauts,

2024, p. 39.

05/09/2024

Eugenio de Signoribus, Isthmes & écluses

 

(disparitions)  les fileurs fous se sont comme dissous après avoir détruit leurs lents métiers d’aucuns respirent dans des maisons éparses, des villages d’autres se sont tués avec leur chanvre  eugenio de signoribus, isthmes & écluses, fileur, chanvre

                    (disparitions)

 

les fileurs fous se sont comme dissous

après avoir détruit leurs lents métiers

d’aucuns respirent dans des maisons éparses, des villages

d’autres se sont tués avec leur chanvre

 

Eugenio de Signoribus, Isthmes & écluses, traduction

Thierry Gillybœuf, Rehauts, 2024, p. 29.

04/09/2024

Jacques Roubaud, Octogone

                      jacques roubaud,octogone,douceur,mort

                                       Douce

 

le ruban de l’air roule autour de la lampe

l’acacia tombe sur elle doucement

le temps vient de l’est

temps de feutre à moitié aussi de crépitements

l’air l’enveloppe d’étamines

douce

mais morte

c’est tout à fait ça douce

mais morte

 

Jacques Roubaud, Octogone, Gallimard, 2014, p. 279.

03/09/2024

Jacques Roubaud, La forme d’une ville change plus vite, hélas, que le cœur des humains

jacques roubaud,la forme d’une ville change plus vite,hélas,que le cœur des humains,printemps

L’automne rue du printemps

 

Les feuillages du boulevard Pereire (sud)

Roussissent

Déjà

 

Ça choque

On devrait barrer d’u grand rideau

De toile le bout de cette rue

Résolument terne, et ne le tirer

Que le jour du printemps.

 

Jacques Roubaud, La forme d’une ville change plus vite,

hélas, que le cœur des humains, Poésie/Gallimard, 1999, p. 66.

02/09/2024

Jacques Roubaud, In memoriam Edoardo Sanguinati

 

In memoriam Edoardo Sanguineti

 

Quelques jours avant la mort nous évoquions

Par lettre écrite, à l’ancienne, ces moments

Antiques (quarante ans !) dans la fosse aux lions

 

De l’Hôtel Saint-Simon, quadri-dialoguant

Sourds, ce renga occidental : lui, moi, pions

Agités plus qu’erratiques insolents

 

Dans le jeu par Octavio conçu : sonetto,

Sonnet, la chose italienne où Shakespeare

A passé ; Gongora, Marino, les pires

Poètes, et meilleurs ; Mallarmé, Giacomo

 

‘Caro padre’ notre, « peu profond ruisseau

Calomnié la mort ». La forme où l’écrire

Fut notre lien en toutes ces années. Dire

Cela soit ma poussière sur ce tombeau.

 

Jacques Roubaud, Dix hommages, ink, 2011, np.

 

 

01/09/2024

Arbres

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