11/05/2024
Hélène Sanguinetti, Alparegho, Pareil-à-rien
Escargot face à la nuit,
escargot clos, muet.
Nuit et des voix.
Des voix, des voix partout,
des sortes de.
Elles passent, elles
traversent,
ou bien habitent là
dans la petite boîte devant
qui s’ouvre d’un coup,
d’un coup elle s’ouvre dans le soleil
sous le préau
parmi les filles,
il y a celle-là
et elle brille,
les garçons ne regardent qu’elle,
restera-t-elle u peu debout sur le trottoir,
et ses longs yeux de fille,
de glycine, d’odeur de fille,
c’est midi sur le trottoir,
un poulain secouait la tête
pour fuit cette folie.
(…)
Hélène Sanguinetti, Alparegho, Pareil-à-rien,
Lurlure, 2024, p. 68.
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29/01/2020
Jean-Luc Sarré, La Part des anges
La fille qui s’affaire à l’évier
les manches retroussées jusqu’aux coudes
son bol ébréché fumant
sur une table de cuisine
et le bourdonnement des mouches.
On dirait d’une Normandie
que l’haleine chaude du siroco
aurait privée de sa mémoire.
Jean-Luc Sarré, La Part des anges,
La Dogana, 2007, p. 51.
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28/04/2019
Marie de Quatrebarbes, Voguer
Prière pour Pepper LaBeija, mère de la Maison LaBeija, décédé au Roosevelt Hospital de Manhattan en 2003.
Une maison est faite pour y vivre. Une maison est une famille pour ceux qui n’ont pas de maison. C’est une réalité quand on n’a pas de famille. C’est comme ça que naissent les maisons, là où une mère accueille les enfants rejetés par leurs parents biologiques. C’est important pour moi d’être la mère. Aussi, je mène ma maison d’une main de velours. Je prends soin de mes enfants, mes filles et mes fils. J’ai remporté tous les trophées. Et tant que je vivrai, mes filles et mes fils seront protégés, et je mènerai ma maison d’une main de velours. C’est comme traverser le miroir d’Alice. Comme se préparer pour un grand événement. Je me vois sur un lit de roses. Je me vois dans une robe de roses qui s’adapte à chacun de mes gestes. Je me déplace en montgolfière et je jette par-dessus bord des poignées de pétales chiffonnés. C’est mon état d’esprit. Je vais quelque part. Je peux être agressive, mais la plupart du temps je reste calme. Je veille sur mes enfants, mes filles et mes fils. Je me consacre à l’observation des oiseaux et au sport. J’étudie la parade nuptiale des moineaux et leurs stratégies d’accouplement.
[…]
Marie de Quatrebarbes, Voguer, P. O. L, 2019, p. 29-30.
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15/03/2017
Cécile A. Holdban, Mobiles
Photographie Frédéric Tison (blog Les Lettres Blanches)
Les feuilles pendues aux arbres rappellent les oiseaux morts
une petite fille marche le soleil est mûr
le chemin bien droit
les pas légers dans la poussière
elle déjoue d’une tresse qui saute la pesanteur
sous les arbres
elle si petite l’ombre l’avalera
l’araignée approche
les cœurs seront jetés
les fragments rassemblés
dans la nuit d’une toile
Cécile A. Holdban, Mobiles, dans Europe,
janvier-février 2016, p. 265-266.
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14/08/2015
Eugène Sawitzkaya, Fraudeur
Les champs secs ou le parc brumeux.
Il a toujours aimé l’eau mais adore le grattement du chaume contre ses chaussures, l’odeur et le chant des tuyaux de paille dorée. D’un côté la croupe argileuse, de l’autre le limon d’une rivière er de son affluent. Entre deux fossés, remblais de terre herbeuse, un chemin creux ancien comme le village dont il s’éloigne. Entre deux haies d’ifs, une allée vers le château qu’il laisse pour demain, pour plus tard. Plus tard les jeunes filles aux jambes nues sur la pelouse descendant vers l’étang. Aujourd’hui, préfère l’ornière au fond de laquelle se tapit le lièvre au poil clair quand le vent du nord souffle transportant le vacarme d’un train de marchandises.
Un été torride, le parc ouvrait ses grilles et le garçon suivit le ruisseau d’eau pure et vit le poisson d’or nageant sur un fond de coquilles vides blanches comme nacre ou onyx. Ce poisson avait la forme et la délicatesse d’un pied d’enfant ; ses nageoires s’agitaient comme des voiles d’un mouvement régulier et souple. Le poisson nageait contre le courant, se déplaçait latéralement, se couchait sur le flanc, actif et lumineux
Eugène Sawitzkaya, Fraudeur, éditions de Minuit, 2015, p. 58-59.
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07/03/2013
Tiphaine Samoyault, La Main négative, Louise Bourgeois
Être une fille. Pas tout à fait un fils L'injonction à faire proposée à la fille (savoir se servir de ses mains) peut-elle se transformer en possibilité de créer ? Esthétisme et dandysme sont des postures de fils, toutes deux issues du catholicisme qui est une religion du fils. Qu'est-ce qu'une religion du fils ? Une remise de l'autorité entre les mains de tous, un déplacement de la loi, un éparpillement du symbole. La proposition d'une liberté dont un jour on ne saura pas quoi faire. L'appel de la mère dans le corps de l'enfant. En ce sens , le dogme de l'immaculée conception est une absurdité pour la religion catholique et il en signe une fin. Il ne peut y avoir de religion du fils sans une mère animale dans laquelle l'enfant s'est cogné. Il ne peut y avoir de fils sans mère trop humaine qui cogne ensuite dans le corps de l'enfant.
Qu'est-ce qu'être une fille en termes philosophiques ? est-ce qu'une fille peut être un fils ? Si la fille se résorbe dans la mère, le fils ne disparaît pas dans le père et reste toujours fils de sa mère. La fille qui reste fille ne refuse pas seulement de transmettre. De toute façon elle ne rompt pas, elle, la généalogie. Même en gardant le nom du père, elle n'est qu'incidemment dans la lignée. Cela lui donne une liberté que le fils n'a pas : elle est affranchie de toute manière. Ses possibilités de transgression sont donc aussi très limitées, ce qui, effectivement, la rend moins libre. Si la fille s'est plutôt bien remise d'être privée de quelque chose, elle n'a pas fini pour autant d'être un fils manqué. La question de la filiation ne semble qu'accessoirement concerner la fille. Les modèles à imiter ou dont faire table rase étant ceux des pères, la fille n'a que faire de l'alternative transmettre ou être transmis. Plus encore que son existence elle-même, son existence de fille est contingente. La fille perpétuelle, c'est la sorcière (figure de l'exclusion) ou la religieuse (figure d'une inclusion séparée). Il faudrait dire « c'était ». On ne dit plus « vieille fille » ou « elle est restée fille ». À l'échographie on dit « c'est une fille », d'une petite fille on dira « c'est une vraie fille ». Mais culturellement on s'emploie toujours à faire grandir les filles (une femme n'est plus une fille). Mais philosophiquement on ne dira jamais « une fille c'est ».
Tiphaine Samoyault, La Main négative, Louise Bourgeois, récit, Argol, p. 61-62.
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