07/09/2022
James Joyce, Finnegans Wake
Ah, mais c’était quand même une drôle de Squaw-sha, cette Anna Livia, tu peux m’en croire ! Et pour sûr qu’il était bien un drôle de pistolet, lui aussi, ce cher Dirty Dumpling père adoptif des fils et filles de Fingal. Nous autres, ses gamines de gabier, on est toutes de sa famille. N’a-t-il pas marié sept femmes ? Et chacune portait sept béquilles. Et chaque béquille portait sept couleurs. Et chaque couleur avait un cri différent. Satis pour moi, donne-moi l’addition et le pourboire à Joe John. Befor ! Bifur ! Il épousa ses marquises du marché, c’est payé peu je sais, en bon Etrurian Catholic Heathen sur un tas de Barnacle à la crème rose citron turquoise indienne mauve.
James Joyce, Finnegans Wake, traduction Philippe Lavergne, Gallimard, 1982, p. 231-232.
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06/09/2022
James Joyce, Brouillons d'un baiser, Premiers pas vers Finnegans Wake
[Mamalujo]
Et ils étaient là eux aussi à écouter de toutes leurs forces les solans & les sycomores et les grives et tous les oiseaux tous les quatre à écouter ils étaient les grands quatre, les quatre maîtres vagues d’Erin tous à écouter quatre il y avait lr vieux Matt Gregory et à côté du vieux Matt il y avait la vieux Marcus Lyons les quatre vagues et souventes fois ils avaient coutume de dire les grâces ensemble ici même maintenant nous voilà les quatre le vieux Matt Grefgory et le vieux Marcus Lyons et le vieux Luke >Taerpey nous quatre et pour sûr Dieu merci il n’y a plus que nous et pour sûr maintenant tu ne t’en iras plus vieux Johnny MacDougall nous tous les quatre il n’y a plus que nous et maintenant fais apsser le poisson pour l’amour du Christ amen la façon dont ils disaient les grâces avant le poisson pour auld lang syne (1)
(1) Le bon vieux temps en écossais. C’est lze titre d’un poème de Robert Burns et d’une chanson qu’on entonne traditionnellement à l’occasion d’un adieu.
James Joyce, Brouillons d’un baiser, Premiers pas vers Finnegans Wake, traduction Marie Darrieussecq, Gallimard, 2011, p. 103.
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05/09/2022
James Joyce, Finnegans Wake, fragments
(...) L’enfant, un enfant naturel, Inconnu par les mnous (aya ! aya !), auraitétaitfût kidnappé à un âge deprobable récent, possiblement plus reculé : à moins qu’il ne soit dérobé à la vie en atours de passe-passe : duquel lethéatron est un lemonorage ; à potron chevrette menuit venu ; motte sur chute ; et tassé ; le mitonnerre débonnaire bagoutatônneur de masculinuté pillescindé ; attention, le revoilà ; renascénent ; finincarnat ; encore au coin du feu prédit ; à matines accompli ; des clocheurs acclamé kind caduc ; (...)
James Joyce, Finnegans Wake, fragments adaptés par André du Bouchet, introduction de Michel Butor, Gallimard, 1962, p. 37.
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08/11/2019
James Joyce, Poèmes
Bahnofstrasse
Les yeux qui rient de moi signalisent la rue
Où je m’engage seul à l’approche du soir,
Cette rue grise dont les signaux violets
Sont l’étoile du rendez-vous et de l’adieu.
O astre du péché ! Astre de la souffrance !
Elle ne revient pas, la jeunesse au cœur fou
Et l’âge n’est pas là qui verrait d’un cœur simple
Ces deux signaux railleurs cligner à mon passage.
James Joyce, Poèmes, traduction Jacques Borel,
Gallimard, 1967, p. 113.
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16/03/2019
James Joyce, Brouillons d'un baiser
Mamalujo
Et ils étaient là eux aussi à écouter de toutes leurs forces les solans & les sycomores et les grives et tous les oiseaux tous les quatre à écouter ils étaient les grands quatre les quatre maîtres vagues d’Erin tous à écouter quatre il y avait le vieux Matt Gregory et à côté du vieux Matt il y avait le vieux Marcus Lyons les quatre vagues et souventes fois ils avaient coutume de dire les grâces ensemble ici-même maintenant nous voilà les quatre le vieux Matt Gregory et le vieux Marcus Lyons et le vieux Luke Tarpey nous quatre et pour sûr Dieu merci il n’y a plus que nous et pour sûr maintenant tu ne t’en iras plus vieux Johnny MacDougall nous tous les quatre il n’y a plus que nous et maintenant fais passer le poisson pour l’amour du Christ amen la façon dont ils disaient les grâces avant le poisson pour auld lang syne(1)
1.Le bon vieux temps en écossais. C’est le titre d’un poème de Robert Burns et d’une chanson qu’on entonne traditionnellement à l’occasion d’un adieu.
James Joyce, Brouillons d’un baiser, Premiers pas vers Finnegans Wake, traduction Marie Darrieusecq, Gallimard, 2014, p. 103.
13/02/2018
James Joyce, Brouillons d’un baiser, premiers pas vers Finnegans Wake
Tristan & Iseult
(…) L’amour qu’elle voulait, et le plus gros qu’on puisse obtenir, le vrai amour le nouvel amour aveugle sans fond à fond l’étourdissant amour de titubante humanité et homme des cavernes l’amour coup de foudre, l’universel super joyau, raison pour laquelle elle l’embrassa encore, et lui, un gentleman-né, avec son talent pour rougir comme au backgammon, la contrembrassa parce que c’était une de ses maximes ici bas que si une dame, par exemple, se trouvait avoir un peu de libido pour un morceau de fromage de Stilton et que lui se trouvait, mettons, avoir dans les un quart de livre de gorgonzola vert-de-pied dans la poche eh bien il mettrait tout simplement la main à la poche, vous voyez, et il lui donnerait tout bonnement le fromage, on va pas en faire un, pour qu’elle y croque.
James Joyce, Brouillons d’un baiser, premiers pas vers Finnegans Wake, traduction Marie Darrieussecq, Gallimard, 2014, p. 73.
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15/06/2017
James Joyce, Poèmes
Seul
Les mailles d’or gris de la lune
Toute la nuit tissent un voile,
Les fanaux dans le lac dormant
Traînent des vrilles de cytise.
Les roseaux malicieux murmurent
Aux ténèbres un nom — son nom —
Et toute on âme est délice,
Mon âme défaille de honte.
James Joyce, Poèmes, traduction Jacques
Borel, Gallimard, 1967, p. 109.
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07/09/2016
James Joyce, Chamber Music, Pomes Penyeach
Ne chante pas l’amour qui meurt,
Amie, avec des chants si tristes,
Laisse là ta tristesse et chante
Qu’il suffit de l’amour qui passe.
Chante le long sommeil profond
Des amants morts, et dis comment
Ton amour dormira sous terre
L’amour est si las maintenant.
Gentle lady, do not sing
Sad songs about the end of love,
Lay aside sadness ans sing
How love that passes is enough
Sing about the long deep sleep
Of lovers that are dead, and how
In the grave all love shall sleep :
Love is aweary now.
James Joyce, Chamber Music, Pomes Penyeach,
traduction et présentation de Jacques
Borel, Gallimard, 1967, p. 71 et 70.
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05/08/2016
James Joyce, Finnegans Wake
(…)
Entends, Ô monde du dehors ! Notre petit bavardage ! Soyez attentifs citoyens des villes et des bois ! Et vous les arbres, donnez votre écot !
Mais qui vient par ici avec ce feu au bout d’une perche ? Celui qui rallume notre maigre torche, la lune. Apporte les ramours d’olive sur la boue des maisons et la paix aux tentes de Cèdre. Néomène ! Le banquet du tabernacle s’approche. Shop-shup. Inisfail ! Tinkle Bell, Temple Bell ; ding ding disent les cloches du Temple. Sur un ton de synéglogue. Pour tous ceux d’esprit vif. Et la vieille sorcière qu’on damanomme Couvrefeu siffle de son allée. Et hâtez-vous, c’est l’heure pour les enfants de rentrer à la maison. Petits, petits enfants, rentrez chez vous dans vos chambres. Rentrez chez vous vivement, oui petits petits, allez, quand le loup-garou est dehors. Ah, éloignons-nous, réjouissons-nous, restons chez nous où la bûche dans son foyer brûle lentement !
(…)
James Joyce, Finnegans Wake, traduit de l’anglais par Philippe Lavergne, Gallimard, 1982, p. 262-263.
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31/05/2016
James Joyce, Brouillons d'un baiser
[Portrait d’Iseult]
Côté prudence, elle laissait toujours la clef de son armoire dans la serrure de son armoire, la plume de son encrier dans le col de son encrier, le pain sur la plaque tiède. Jamais ils ne se perdaient. Elle était loin d’être cruche. & on ne l’avait jamais prise à mentir. Côté instruction en géog elle savait que l’Italie est une botte cavalière, l’Inde un jambon rose & la France un plaid en patchwork, et elle pouvait dessiner la carte de la Nouvelle-Zélande, île du N au S, toute seule. Côté instruction en zoog elle connaissait l’agneau, l’agneau un jeune mouton. Côté charme elle savait faire démonstration de ses jambes en bas couleur chair sous une jupe aussi droite que possible dans les diverses positions d’une Sainte Nitouche, Tatie Nancy, escabeau beau beau montre-moi tes cornes, petits pois, comète jolie, je t’aime un peu beaucoup, drôle de tartine, aime-moi mon amour, mon levier pour toujours.
James Joyce, Brouillon d’un baiser, Premiers pas vers Finnegans Wake, préface et traduction Marie Darrieussecq, Gallimard, 2014, p. 63.
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16/07/2015
James Joyce, Poèmes (Chamber Music, Pomes Penyeach)
Seul
Les mailles d’or gris de la lune
Toute la nuit tissent un voile,
Les fanaux dans le lac dormant
Traînent des vrilles de cytise.
Les roseaux malicieux murmurent
Aux ténèbres un nom — son nom —
Et toute mon âme est délice,
Mon âme défaille de honte.
James Joyce, Poèmes (Chamber Music, Pomes
Penyeach), traduits et préfacés par Jacques
Borel, Gallimard, 1967, p. 109.
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24/11/2014
James Joyce, Brouillons d'un baiser, traduction Marie Darrieussecq
[Portrait d'Iseult]
Côté prudence, elle laissait toujours la clé de son armoire dans la serrure de son armoire, la plume de son encrier dans le col de son encrier, le pain sur la plaque tiède. Jamais ils ne se perdaient. Elle était loin d'être cruche & on ne l'avait jamais prise à mentir. Côté instruction en géog elle savait que l'Italie est une botte cavalière, l'Inde un jambon rose & la France un plaid en patchwork, et elle pouvait dessiner la carte de la Nouvelle-Zélande, île du N & du S, toute seule. Côté instruction en zoog elle connaissait l'agneau, l'agneau un jeune mouton. Côté charme elle savait faire démonstration de ses jambes en bas couleur chair sous une jupe aussi droite que possible dans les diverses positions d'une Sainte Nitouche, Tatie Nancy, escabeau beau beau montre-moi tes cornes, petits pois, comète jolie, je t'aime un peu beaucoup, drôle de tartine, aime-moi mon amour, mon levier pour toujours.
Côté santé elle fut la seule de la maison à avoir la rougeole & quand elle était bébé au biberon tous ses amis admiraient ses anglaises.
Côté arts ménagers elle ramonait la cheminée en mettant le feu à un Irish Times et en le fourrant flambant dans le conduit et elle lavait le hall en posant son parapluie ouvert mouillé et ses galoches en cailloutchou dégouttièrant dans un coin. Bon dieu, ça y allait avec elle, Bon Dieu, ça y allait bien !
James Joyce, Brouillons d'un baiser, Premiers pas vers Finnegans Wake, réunis et présentés par Daniel Ferrer, Préface et traduction de Marie Darrieussecq, 2014, p. 65.
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15/11/2014
James Joyce, Brouillons d'un baiser, traduction de Marie Darrieussecq
[Tristan & Iseult]
Lui, le gentleman, avait une tête de bicarbonate. D'abord c'était un martyr de l'indigestion, plutôt enclin aux hémorroïdes à force de s'asseoir sur les murs de pierre en se repaissant de la beauté de la nature et par dessus le marché à suivre les avis du Dr Morrue il s'était envoyé des potions quotidiennes d'extrait d'écorce de saule pour se garder de la grippe hibernienne quand il avait été frappé d'une toux têtue. D'une pâleur fiévreuse, où se lisait l'action des hautes mers sur un estomac abstinent, il contemplait les saints fantômes de ses amours estudiantines, Henriette au sommet de la meule de foin, Nenette de l'Abbaye derrière la porte de la buvette, Marie-Louise toute de plaisir et de puces, Suzanne pompette attrape-moi si tu peux, et, la dernière mais pas la moindre avec ses os pointus, la bonne du curé de la paroisse locale. Épouvantablement, il la passamoura de l'œil avec une expression bordée de noir.
Elle leva la tête, les yeux suprêmement satisfaits. Car désormais elle tirait plutôt plein pot de son persiflage qu'il était un esclavamour à vie, c'était elle l'élue et pas cette chiffe à museau de souris et mèches d'épouvantail, Kateagnes O Halloran.
—Johnny-qui-sourit, quémanda-t-elle gynelexicalement, est-ce que tu mêmemême un titi pou ?
[...]
James Joyce, Brouillons d'un baiser, Premiers pas vers Finnegans Wake, réunis et présentés par Daniel Ferrer, Préface et traduction de Marie Darrieussecq,
2014, p. 69.
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02/11/2014
Pound / Joyce, Lettres
Ezra Pound James Joyce
Seefeldstrasse 73, Zurich, 9 avril 1917.
[...] Toute la journée j'ai réfléchi à ce que je pourrais faire ou écrire. Peut-être y a-t-il quelque chose si seulement cela pouvait me venir à l'esprit. Malheureusement j'ai très peu d'imagination. Je suis aussi un très mauvais critique. Par exemple, il y a quelque temps une personne m'a donné un roman en deux tome à lire, Joseph Vance. Je l'ai lu par à-coups pendant un temps, jusqu'à ce que je découvre que je lisais le second tome au lieu du premier. Et si je suis mauvais lecteur, je suis le plus ennuyeux des écrivain — à mes yeux, du moins. Cela m'épuise avant d'avoir fini. Je me demande si vous aimeriez lire le livre que j'écris. Je le fais, comme disait Aristote, avec des moyens différents selon les diverses parties. C'est étrange à dire, mais malgré ma maladie j'ai pas mal écrit récemment.
[...] Comme je vous l'ai écrit, la Stage Society souhaite réexaminer ma pièce, Les Exilés. Je vais demander à mon agent de la soumettre aussi pour la publication à Londres et à New York cet automne. Je voudrais bien entendre parler d'un agent théâtral aux USA qui voudrait bien s'en charger. Peut-être aurait-elle plus de succès que Dedalus. Je vous fais part d'un limerick à ce sujet :
Il était une fois un flâneur du nom de Stephen
dont la jeunes était des plus étranges et plus houleuses.
Il prospérait dans l'odeur
d'un infernal fumier
qu'un hottentot n'eût pas cru possible.
Pound / Joyce, Lettres d'Ezra Pound à James Joyce (et de J.J à E.P), présentées et commentées par Forrest Read, traduction de Philippe Lavergne, Mercure de France, 1970, p. 118-119.
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06/09/2014
James Joyce, Poèmes, Chamber Music, traduction Jacques Borel
Viens légère ou légère pars :
Bien que ton cœur te fasse voir
Chagrins, vallons, soleils noyés,
Que ton rire, Oréade, danse
Jusqu’à ce que l’air des sommets
Rebrousse avec irrévérence
Ta chevelure déployée
Sois légère et toujours ailée :
Les nues qui voilent les vallées
Quand monte l’étoile du soir
Sont les plus humbles des suivants :
Rire et amour se fassent chant
Si le cœur renonce à l’espoir.
Lightly come or lightly go :
Though thy heart presage thee woe,
Vales and many a wasted sun,
Oread, let thy laughter run,
Till the irreverent mountain air
Ripple all thy flying hair.
Lightly, lightly — ever so :
Clouds that wrap the vales below
At the hour of evenstar
Lowliest attendants are ;
Love and laughter song-confessed
When the heart is heaviest.
James Joyce, Poèmes, Chamber Music, Pomes
Penyeach, poèmes traduits de l’anglais et préfacés
par Jacques Borel, Poésie du monde entier,
Gallimard, 1967, p. 65 et 64.
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