27/02/2023
Pascal Quignard, Abîmes
Curieusement je n’avais jamais regretté un monde. Je n’ai jamais ressenti le désir de vivre dans une époque qui fût ancienne. Je ne puis me désancrer des possibilités actuelles d’inventaire, de disponibilité livresque, d’idéal fracassé, de la sédimentation de l’horreur, de cruauté érudite, de recherche, de science, de lucidité, de clarté.
Jamais le spectacle de la nature sur la terre, étant devenu rare, n’a été si poignant.
Jamais les langues naturelles ne furent à ce point dévoilées à elles-mêmes, dans leur substance involontaire.
Jamais le passé n’a été auss grand et la lumière plus profonde, plus glaçante. Jamais le relief ne fut plus accusé.
Pascal Quignard, Abîmes Folio/Gallimard, 2004, p. 115.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Quignard Pascal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pascal guignard, abîmes, spectacle, langue naturelle | Facebook |