17/10/2024
Max Ernst, Écritures
Le fugitif
Il a mieux aimé se noyer que de signer. Ils l’ont tous abandonné — leur confort, leur passé, leur bonheur, l’espoir. La corde qu’il emporte ne tient pas ses habituelles remorques. Sa poitrine lui servira d’oreiller, l’extrême douceur de son abandon l’éveillera. Le calme qu’il amasse se dépouille de mille brins de mousseline brûlée et des feuilles flottantes d’une plante gourmande. Les saluts des navires font éclore ses ornements naturels pour de futures combinaisons.
Toujours des points de vue et le minimum de moyens.
Max Ernst, Écritures, Gallimard, 1976, p. 113
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23/12/2019
Max Ernst, Les Malheurs des immortels
L’heure de se taire
Près de la lèvre vue dans l’eau, la coquette défrisée promène la lampe dans ses yeux dodus comme des amours. Elle aime à montrer sa faculté de sourire à surface miroitante. Elle étend ses doigts peau d’amazone à la force des bras. Elle étend la mâture de ses seins au pied des ruines et s’endort au crépuscule de ses ongles rongés par des plantes grimpantes.
Max Ernst, Les Malheurs des immortels, dans Écritures, Gallimard, 1970, p. 120.
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03/03/2018
Max Ernst, Écritures
la paix
la guerre
et la rose
la paix : source fraiche et amère
la guerre : le général rit sous cape
au nez du pape
la rose : nulle rose ne pleure virginité.
Laicité
Ne pas confondre
le baiser de la fée
avec
la fessée de l’abbé.
Max Ernst, Écritures, Gallimard, 1970, p. 373-374.
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27/05/2017
Max Ernst, Écritures
La Laïcité
Ne pas confondre
le baiser de la fée
avec
la fessée de l’abbé.
Soliloque
Pour apprendre à lire et à écrire
Ignorer la poule aux œufs durs
Pour apprendre à boire et à manger
Inaugurer la pêche au soleil levant.
Max Ernst, Écritures, Gallimard,
1970, p. 374-375.
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26/06/2015
Max Ernst, Écritures
Laïcité
Ne pas confondre
le baiser de la fée
avec
la fessée de l’abbé.
Soliloque
Pour apprendre à lire et à écrire
Ignorez la parole aux œufs durs
Pour apprendre à boire et à manger
Inaugurez la pêche au soleil levant.
La Paix
la guerre
et la rose
la paix : source fraîche et amère
la guerre : le général rit sous cape
au nez du pape
la rose : nulle rose ne pleure virginité
Max Ernst, Écritures, Gallimard, 1970, p. 374, 375 et 373.
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08/10/2014
Max Ernst, Écritures
photo Frédéric Sommer, 1964
Des éventails brisés
Les crocodiles d'à présent ne sont lpus des crocodiles. Où sont les bons vieux aventuriers qui vous accrochaient dans les narines de minuscules bicyclettes et de jolies pendeloques de glace ? Suivant la vitesse du doigts, les coureurs aux quatre points cardinaux se faisaient des compliments. Quel plaisir c'était alors de s'appuyer avec ne gracieuse désinvolture sur es agréables fleuves saupoudrés de pigeons et de poivre !
Il n'y a plus de vrais oiseaux. Les cordes tendues le soir dans les chemins du retour ne faisaient trébucher personne, mais, à chaque faux obstacle, des sourires cernaient un peu plus les yeux des équilibristes. La poussière avait l'odeur de la poudre. Autrefois, les bons vieux poissons portaient aux nageoires de souliers rouges.
Il n' y a plus de vraies hydrocyclettes, ni microscopie, ni bactériologie. Ma parole, les crocodiles d'à présent ne sont plus des crocodiles.
Max Ernst, Écritures, Gallimard, 1970, p. 12.
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03/08/2014
Max Ernst, Écritures
Réponse à une enquête de Commune, 1935
Pour Max Ernst, art et poésie ne font qu’un. Il assimile la recherche poétique au travail sous-marin du scaphandrier. L’océan doit être sondé autour de ces pics dont le jaillissement signale un monde englouti. De tout ce qu’il aura amené à la surface, le plongeur retiendra les éléments qui lui semblent « trouvailles ». Il rejettera le reste, sans se soucier des chances d’erreur que comporte une telle sélection :
… Ce n’est pas une Atlantide morte que ce monde submergé, précise Max Ernst. Il est fleuri de volcans qui, pour ne pas atteindre le niveau de la conscience, n’en agissent pas moins sur cette conscience, donc sur toute vie individuelle ou collective. Le surréalisme est né en plein déluge dada, quand l’arche eut buté contre un pic. Les navigateurs n’avaient pas la moindre envie de réparer leur bateau, de s’installer dans l’île. Ils ont préféré piquer une tête. Grâce à l’écriture automatique, aux collages, aux frottages et à tous les procédés qui favorisent l’automatisme et la connaissance irrationnelle, ils ont touché le fond de cet invisible et merveilleux univers, « le subconscient », à décrire dans toute sa réalité.
Avant sa plongée, nul scaphandrier ne sait ce qu’il va rapporter. Ainsi, le peintre n’a pas le choix de son sujet. S’en imposer un, fût-il le plus subversif, le plus exaltant et le traiter d’une manière académique, ce sera contribuer à une œuvre de faible portée révolutionnaire. De même celui qui prétend fixer sur une toile les rêves de ses nuits n’accomplira pas une autre besogne que l’artiste acharné à copier trois pommes, sans se soucier de rien d’autre que de la ressemblance. Le contenu idéologique — manifeste ou latent — ne saurait dépendre de la volonté consciente du peintre. Le devenir de l’auteur et de l’œuvre sont indéniablement, indissolublement liés. Sinon, il y a tricherie.
La psychologie concrète a démontré que le subconscient individuel se trouve englobé dans le subconscient collectif. La question de la propriété artistique s’est donc modifiée. La vanité du créateur apparaît dans tout son ridicule éclat. L’exhibitionnisme même perd de sa valeur documentaire. Justice est faite de tant d’autres notions dont l’ensemble constituait le mythe artistique. Les méthodes d’exploration consciente sont à la portée de tous et l’idolâtrie du talent n’est pas moins risible que les autres.
Max Ernst, Écritures, Gallimard, collection Le Point du Jour, 1970, p. 401-402.
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26/03/2012
Max Ernst, Au-delà de la peinture (1936)
La mise sous whisky marin
Qu'est-ce que le collage ?
L'hallucination simple, d'après Rimbaud, la mise sous whisky marin, d'après Max Ernst. Il est quelque chose comme l'alchimie de l'image virtuelle. LE MIRACLE DE LA TRANSFIGURATION TOTALE DES ÊTRES ET DES OBJETS AVEC OU SANS MODIFICATION DE LEUR ASPECT PHYSIQUE OU ANATOMIQUE.
« La vieillerie poétique avait une bonne part dans mon alchimie du verbe.
Je m'habituai à l'hallucination simple : je voyais très franchement une mosquée à la place d'une église, une école de tambours faite par des anges, des calèches sur les routes du ciel, un salon au fond d'un lac ;les monstres, les mystères, un titre de vaudeville dressait des épouvantes devant moi.
Puis j'expliquai mes sophismes magiques avec l'hallucination des mots ! » (Arthur Rimbaud, Une Saison en Enfer)
Quel est le mécanisme du collage ?
Je suis tenté d'y voir l'exploitation de la rencontre fortuite de deux réalités distantes sur un plan non-convenant (cela dit en paraphrasant et en généralisant la célèbre phrase de Lautréamont : Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie) ou, pour user d'un terme plus court, la culture des effets d'un dépaysement systématique selon la thèse d'André Breton :« La surréalité sera d'ailleurs fonction de notre volonté de dépaysement complet de tout (et il est bien entendu qu'on peut aller jusqu'à dépayser une main en l'isolant d'un bras, que cette main y gagne en tant que main, et aussi qu'en parlant de dépaysement, nous ne pensons pas seulement à la possibilité d'agir dans l'espace). » (Avis au lecteur pour La Femme 100 têtes)
Une réalité toute faite, dont la naïve destination a l'air d'avoir été fixée une fois pour toutes (un parapluie) se trouvant subitement en présence d'une autre réalité très distante et non moins absurde (une machine à coudre) en un lieu où toutes deux doivent se sentir dépaysées (sur une table de dissection), échappera par ce fait même à sa naïve destination et à son identité ; elle passera de son faux absolu, par le détour d'un relatif, à un absolu noueau, vrai et poétique : parapluie et machine à coudre feront l'amour. Le mécanisme du procédé me semble dévoilé par ce très simple exemple. La transmutation complète suivie d'un acte pur comme celui de l'amour, se produira forcément toutes les fois que les conditions seront rendues favorables par les faits donnés : accouplement de deux réalités en apparence inaccouplables sur un plan qui en apparence ne leur convient pas.
Max Ernst, Au-delà de la peinture (1936), dans Écritures, collection "Le Point du jour", Gallimard, 1970, p. 252-256.
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13/04/2011
Max Ernst, Ecritures
Réponse à une enquête de Commune, 1935
Pour Max Ernst, art et poésie ne font qu’un. Il assimile la recherche poétique au travail sous-marin du scaphandrier. L’océan doit être sondé autour de ces pics dont le jaillissement signale un monde englouti. De tout ce qu’il aura amené à la surface, le plongeur retiendra les éléments qui lui semblent « trouvailles ». Il rejettera le reste, sans se soucier des chances d’erreur que comporte une telle sélection :
… Ce n’est pas une Atlantide morte que ce monde submergé, précise Max Ernst. Il est fleuri de volcans qui, pour ne pas atteindre le niveau de la conscience, n’en agissent pas moins sur cette conscience, donc sur toute vie individuelle ou collective. Le surréalisme est né en plein déluge dada, quand l’arche eut buté contre un pic. Les navigateurs n’avaient pas la moindre envie de réparer leur bateau, de s’installer dans l’île. Ils ont préféré piquer une tête. Grâce à l’écriture automatique, aux collages, aux frottages et à tous les procédés qui favorisent l’automatisme et la connaissance irrationnelle, ils ont touché le fond de cet invisible et merveilleux univers, « le subconscient », à décrire dans toute sa réalité.
Avant sa plongée, nul scaphandrier ne sait ce qu’il va rapporter. Ainsi, e peintre n’a pas le choix de son sujet. S’en imposer un, fût-il le plus subversif, le plus exaltant et le traiter d’une manière académique, ce sera contribuer à une œuvre de faible portée révolutionnaire. De même celui qui prétend fixer sur une toile les rêves de ses nuits n’accomplira pas une autre besogne que l’artiste acharné à copier trois pommes, sans se soucier de rien d’autre que de la ressemblance. Le contenu idéologique — manifeste ou latent — ne saurait dépend de de la volonté consciente du peintre. Le devenir de l’auteur et de l’œuvre sont indéniablement, indissolublement liés. Sinon, il y a tricherie.
La psychologie concrète a démontré que le subconscient individuel se trouve englobé dans le subconscient collectif. La question de la propriété artistique s’est donc modifiée. La vanité du créateur apparaît dans tout son ridicule éclat. L’exhibitionnisme même perd de sa valeur documentaire. Justice est faite de tant d’autres notions dont l’ensemble constituait le mythe artistique. Les méthodes d’exploration consciente sont à la portée de tous et l’idolâtrie du talent n’est pas moins risible que les autres.
Max Ernst, Écritures, Gallimard, collection Le Point du Jour, 1970, p. 401-402.
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